Trains en retard : 60 usagers vont poursuivre la SNCF

A la rentrée, un avocat lyonnais va assigner la SNCF au nom de soixante usagers victimes de pertes de clientèle et de retenues sur salaire. Depuis février 2010, cet avocat, Me David Metaxas, a déjà déposé deux plaintes au nom de clientes estimant avoir subi un préjudice en raison de retards : l'une a perdu son emploi et l'autre des clients.

La dernière affaire en date a fait quelque bruit, la semaine dernière : Soazig Parassols, une secrétaire juridique de 24 ans, a assigné la SNCF, à qui elle réclame 45 000 euros de dommages et intérêts car elle a perdu son emploi. Depuis le 7 juin, cette habitante d'Ambérieu-en-Bugey, à une cinquantaine de kilomètres de Lyon, était à l'essai dans un cabinet d'avocats de la capitale des Gaules. Notification de rupture de période d'essai.Début juillet, son patron renouvelle sa période d'essai pour un nouveau mois, comme prévu. Mais le 22 juillet, il la renvoie, à quinze jours de l'embauche espérée. Voici ce qu'il explique dans sa notification de rupture de période d'essai :

“[…] Comme nous avons déjà eu l'occasion de l'évoquer ensemble, les nombreux retards accumulés pendant votre période d'essai en raison de votre domicile très éloigné de votre lieu de travail perturbent le fonctionnement de l'entreprise compte tenu du fait que vous êtes l'unique secrétaire du cabinet. La persistance de ces retards y compris durant la période de renouvellement de votre période d'essai me contraint donc à prendre cette décision. […]”

“Mon patron m'a dit que ce n'était plus possible”

Jointe par Rue89, Soazig Parassols raconte avoir subi “trois ou quatre fois” de petits retards, de moins de dix minutes, avant le 1er juillet. Puis, ce jour-là, le retard monte à vingt minutes. Son patron lui en ayant fait le reproche, elle accepte de prendre le train précédent, qui l'amène à 7h50 à la gare, située à dix minutes en métro de son lieu de travail, où elle commence à 9 heures. Mais quelques jours plus tard, le train accuse 1h15 de retard… “Mon patron m'a dit que ce n'était plus possible, que j'allais me tuer de fatigue si je me levais encore plus tôt”. Dans son dossier de plainte, la jeune femme produit six bulletins de retard délivrés par la SNCF -”on peut les télécharger sur leur site”, précise-t-elle.

Soazig Parassols explique que son patron l'a assurée qu'il ne la remplacerait pas avant la rentrée, et qu'il était prêt à l'embaucher si elle déménageait à Lyon : “Mais je refuse d'entrer dans cette logique ! Se loger à Lyon coûte cher. Et je ne vais pas prendre ma voiture, alors qu'on nous parle de préservation de l'environnement !”

180 trains retardés entre le 21 juin et le 26 juillet

Selon elle, les retards sur la ligne Lyon-Ambérieu “posent de réels problèmes d'emploi” pour les habitants de la ville de l'Ain. Comme sur le reste de cette affaire, la SNCF se refuse à tout commentaire. Les soixante assignations que Me David Metaxas s'apprête à déposer semblent confirmer ce problème. Les soixante usagers sont rassemblés au sein de l'Association pour la défense des usagers de l'axe Lyon-Ambérieu (Adula), qui a recensé “environ 180 trains” retardés entre le 21 juin et le 26 juillet. Les plaintifs -et futurs plaignants- disent avoir subi des retenues de salaires de la part de leurs employeurs, pour les salariés. Des étudiants se plaignent d'avoir raté des concours, et des professions libérales d'avoir perdu des clients.

Discrètement, la SNCF proposerait des transactions financières

C'est ce qui est arrivé à Céline Claret-Coquet, acupunctrice lyonnaise, elle aussi défendue par Me Metaxas. En février, elle a déposé plainte quand son TGV Lyon-Paris est arrivé avec 7h30 de retard, lui faisant manquer douze rendez-vous à 87 euros l'unité. Céline Claret-Coquet réclame donc 1 044 euros de dommages et intérêts, ainsi que 3 000 euros pour le préjudice moral. “Ma cliente a été séquestrée pendant sept heures”, plaide Me Metaxas, qui n'a pas peur des mots. L'affaire sera jugée le 8 novembre. Connu à Lyon comme un “jeune loup du barreau”, David Metaxas se dit “certain” de gagner toutes ces affaires : “J'ai exhumé un décret de 1983, que la plupart des gens ignorent, et qui instaure une obligation de ponctualité pour la SNCF”. Le décret donne en fait pour mission à la SNCF d'exploiter les lignes dans “les meilleures conditions de […] ponctualité, compte tenu des moyens disponibles”. Ce qui laisse augurer d'une belle bataille entre la SNCF et Réseau ferré de France (RFF), qui exploite désormais les voies. Selon l'avocat, la SNCF aurait proposé des transactions financières à ses deux premières clientes. “C'est tout de même étrange pour une société censée être sûre de son bon droit”, assure-t-il. En 2009, des candidats à l'agrégation avait raté leur concours en raison d'un retard de transport. Mais ils avaient tenté de faire plier le ministère de l'Education nationale, avant de saisir le Conseil d'Etat.

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