Portraits. À Lyon, beaucoup de lieux appartiennent en fait à une poignée de “patrons”. Depuis quelques années, les business se sont cependant multipliés et les professionnels de la nuit aussi. Mais certains restent incontournables dans un secteur qui emploie 3000 personnes à Lyon et dégage plusieurs millions de chiffre d’affaires. Palmarès.
Les Chabert, père et fils
Marc Chabert possédait, il y a quelques années, certainement le plus gros empire de boîtes de nuit à Lyon. Le bateau dansant du Fish (Q-Boat) notamment. Dans ses acquisitions, on trouve des enseignes comme le First Tendency, l’Oxxo, le B’52. Son fils, Alex Chabert reprend le business progressivement, il est co-gérant avec Jean-Paul Donjon du First et de l’Aperiklub. Passionné de moto, Marc Chabert passe plus de temps aujourd’hui dans son garage Honda.
Georges Dos Santos, noctambule
Il a travaillé dans plusieurs bars de nuit à Lyon. Aujourd’hui, propriétaire de l’Antik Wine, une cave à vins lyonnaise réputée, il a des commentaires quasiment sociologiques sur la nuit lyonnaise. Son constat : “Jusqu’en 2005, on avait une clientèle allant de 20 à 40 ans qui fréquentait les mêmes endroits. C’étaient des habitués. Ils faisaient un circuit nocturne : ils allaient d’abord dans un bar grunge, dans un bar de nuit, ensuite en discothèque et pour finir dans un pub. On allait comme ça de bar en bar. Avec des “locomotives”, des personnes qui débarquaient avec 15 potes et que ça ne gênait pas de dépenser. Aujourd’hui, ce phénomène a quasiment disparu. Le problème actuellement, c’est que les soirées deviennent très fermées, alors qu’avant dans les boîtes, on trouvait de tout, c’était le lieu de la mixité sociale, on était obligé de se mélanger.”
Richart Tolly ou les désillusions de la Chapelle
Architecte d’intérieur et producteur de musique de film, il crée la société La Chapelle en 2003 avec ses associés de l’époque, Bernard Chaume et Jean-Yves David. En 2007, il a un grave accident. Mal gérés, ses établissements sont dans l’impasse. Un an plus tard, il prend un nouveau départ. Il cède pour un euro symbolique la Chapelle Sixt’in et Chapelle Café et donne un coup de neuf à la Chapelle qui fera désormais aussi restaurant lounge. Il débarrasse la Chapelle de son image de “club gay” en l’appelant la Cour des Grands. “Je veux pérenniser ce lieu et fidéliser les gens. À Lyon, on est récompensé quand on fait du bon travail et qu’on est cohérent. S’ils dépensent, nos clients veulent du respect et on n’a pas droit à l’erreur.”
Lola Joffre, une femme dans la nuit
Grands yeux, coiffure étincelante et une belle voix rauque, voilà la propriétaire du Kobdo, petite boîte généraliste sur les quais de Saône, qui cible un public entre 20 et 30 ans. “C’est la boîte de ma jeunesse. Je suis d’abord venue ici comme cliente. Puis quand son propriétaire Mr Rambosson est décédé, j’ai racheté le fonds de commerce. C’était un rêve que je pouvais réaliser.” Depuis 14 ans, elle est donc aux commandes de cette discothèque qui peut accueillir jusqu’à 200 personnes. Avant de s’engager dans le business de la nuit, Lola a fait des études de droit, “comme quoi le droit mène à tout”. Elle a aussi tenu pendant un temps un magasin de vêtements. Quand on lui pose la question si ça change quelque chose d’être une femme dans le milieu de la nuit, elle répond sans broncher qu’elle est très respectée. “On ne m’ennuie pas, ce serait même plutôt l’inverse.” Elle emploie huit personnes à plein temps dont deux personnels de sécurité. “Depuis la crise en 2008, c’est devenu difficile. On est vraiment touché par tout ça. Les gens sortent moins et surtout ils ne consomment quasiment rien.”
Michel Lionnet, le doyen
Propriétaire depuis 27 ans de l’Alibi. Il a tenté d’exploiter d’autres endroits pour en faire des hauts lieux de la nuit mais ses tentatives se sont soldées par des échecs. “Il vaut mieux avoir un chez-soi qui marche bien, plutôt que de s’éparpiller.” Il a racheté l’Alibi qui existait déjà depuis 1976. “On est les seuls à Lyon à être ouverts 7 jours/ 7.”
Dominique Lafoy, roi des berges
Propriétaire du Fish, associé dans les années 90 avec Marc Chabert, cet ancien pro du prêt à porter, se consacre aujourd’hui tout entier à son bateau-discothèque, qu’il a remasterisé “Q-Boat” pour les nouvelles berges du Rhône. Un business qui roule, puisqu’en 2008, son chiffre d’affaires atteint plus d’1,7 million d’euros. C’est aujourd’hui un des établissements de nuit les plus rentables à Lyon, où certains n’hésitent pas à “lâcher 15 000 euros en une soirée.” Cette discothèque est aussi un bar et restaurant le jour et en soirée. “On conserve le côté estival, tropézien mais on ajoute le côté familial, détente,” ajoute Dominique Lafoy.
Patrick Biloé,“Ras-le-bol de Lyon”
Propriétaire du Pink’s, “gay friendly mais ouvert à tous” rue de l’arbre sec, dans le 1er, Patrick Biloé est en colère. “On peut d'amuser de façon intelligente et encadrée” souligne-t-il. “Mais la municipalité fait du grand n’importe quoi et développe une politique anti-attractive pour la vie nocturne.”
Camel Boutarfa, nostalgique des années “Factory”
Ce conseiller en engineering monte en 1978 Le Factory. Sa boîte marche du tonnerre dans les années 70/80, elle accueille tout le show-biz. “À l’époque, j’ai organisé les premières soirées mousse, c’était la folie !”, raconte-t-il. Aujourd’hui, le Factory, c’est fini. Le cigare à la bouche, et les coupures de journaux dans la main, Camel Boutarfa, se voit comme un incompris, “quelqu’un d’un peu fou, décalé”. Il s’insurge que Lyon soit devenue “une ville cocooning, où on sort pour se montrer, où on fait des concepts populaires, une ville de curés, bourgeoise et pas rock’n’roll.” Son grand regret : les deux déceptions successives avec sa boîte de nuit, le Bloc, dont le concept a dû être revu et corrigé et son restaurant le Koodéta, à deux pas de la discothèque, qui reste vide, puisqu’il ne peut l’exploiter, faute d’avoir eu l’autorisation du commissaire de quartier. “Je m’en sers quand même pour des soirées privées”, affirme-t-il.
Charles Marcellier et Jun Matsuoka, DJ reconcertis
Il est en France depuis 1998. Quand il arrive à Lyon, Jun Matsuoka tombe sous le charme de la Marquise, commence à mixer dans différentes boîtes. “J’ai pris l’initiative d’aller voir le directeur artistique sur place et il m’a fait bosser 8 ans en tant que DJ.” Une fois qu’Anthony Hawkins décide de passer la main, Jun Matsuoka en profite pour lui racheter la Marquise et en faire une scène musicale connue. Il loue aussi à la ville de Lyon une terrasse de 160 m2. Son chiffre d’affaires a augmenté de 40% depuis l’ouverture des berges au public. “Pour ma boîte, je n’ai pas de concept et je trouve ça très bien. On fait venir des artistes d’un peu partout, des États-Unis, d’Angleterre. Mon idée, ce n’était pas d’être forcément à la mode. Les gens sont plus sensibles à la qualité musicale qu’aux styles musicaux.” De son côté, Charles Marcellier vient de racheter le Yes Hot Spot avec son associé. Il est DJ depuis 8 ans. “J’ai réalisé un rêve de gamin et j’ai une des boîtes les plus classes de Lyon, avec une clientèle d’habitués, des trentenaires chics.” Sa boîte n’est pas dans le centre de Lyon, mais il considère que c’est un avantage : “On ne récupère pas de gens trop alcoolisés. C’est plus facile à gérer.”