Des sex-centers aux portes de Lyon

Prostitution. À une heure et demie de Lyon, les maisons closes ont pignon sur rue. Entrée en vigueur le 1er août, une loi genevoise vise à davantage contrôler ces “salons de massage”, “sex-centers” et autres “appartements”.

La Suisse : ses banques, ses montres mais aussi ses maisons closes. Moins connu que le Quartier Rouge d’Amsterdam, les Pâquis, à Genève, concentre une dizaine de “sex-centers” dont les néons roses ont pignon sur rue. Sur les trottoirs de ce quartier, à deux pas de la gare, en plein centre-ville des filles font également le commerce de leur charme et invitent le passant à monter dans leur appartement. À l’autre bout de la ville, un “salon” à la devanture très discrète. Le Venusia est le plus grand bordel de Suisse romande. Il est ouvert 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Au total une quarantaine de filles y travaillent. Certaines viennent quelques jours, d’autres sont là cinq jours dans la semaine.
Pour le Lyonnais de passage, cette situation est forcément exotique. Du côté français du lac Léman, la loi autorise la prostitution mais pénalise de fait toutes les manières de l’exercer. Le racolage actif ou passif est interdit. Et la loi sur le proxénétisme réprime tout enrichissement lié à la prostitution d’autrui.

Genève, la tolérante

De l’autre côté du lac, les patrons des quelque 150 “salons de massage” et de la quinzaine d’agences d’escorte sont considérés comme des “chefs d’entreprise comme les autres” aux dires de la police. Même s’ils font l’objet d’un suivi particulier de la part de la brigade des mœurs. Un contrôle qui va s’accentuer avec l’entrée en vigueur, depuis le 1er août, d’une nouvelle loi.
Le code pénal suisse interdit seulement la prostitution forcée. Aux cantons de définir les modalités d’exercice de la prostitution.
Dans la ville de Calvin, toutes les formes de prostitution sont acceptées : escorte, “salons de massage” et tapinage dans la rue qui peut se pratiquer à toute heure et en tout lieu, à part à proximité des écoles, des lieux de culte et des cimetières. Pour exercer, les prostituées doivent s’inscrire à la brigade des mœurs. Au 5 août 2010, Genève compte 3084 personnes “cartées” aux mœurs pour une agglomération d’environ un million d’habitants. Un chiffre à relativiser puisqu’il n’y a aucune obligation de se désinscrire du fichier des mœurs.

Travailleuse du sexe, un métier presque comme les autres

Comme tous les autres travailleurs indépendants, je cotise à une caisse de retraite, à l’assurance maladie et je paye mes impôts ”, témoigne Claudette Plumey, travailleuse du sexe et présidente d’un collectif de réflexion sur la prostitution (Procore). Elle, qui a la double nationalité (française et suisse), voit tous les avantages liés à la reconnaissance d’un statut aux prostituées. “Ici, parce qu’il n’y a pas de loi réprimant la manière d’exercer la prostitution, on peut aller à la police en cas de problème avec un client ou avec un type qui voudrait nous “maquer”, sans craindre de rester en garde-à-vue et de prendre 3 750 euros d’amende pour racolage ”. 
Le porte-parole de la police Genevoise, Jean-Philippe Brandt, évoque un “climat de confiance et de collaboration ” : “Puisqu’on ne réprime pas la prostitution, on peut se concentrer sur la prostitution forcée. S’il y a un problème de cet ordre, les personnes viennent plus facilement nous en parler ”. 
Selon la police, les cas de prostitutions forcées seraient très rares tout comme les plaintes pour nuisances déposées par les riverains des travailleuses du sexe. En aval du lac Léman, sur les bords du Rhône, cette situation a de quoi faire des envieuses chez les filles qui se prostituent dans les dédales des zones industrielles lyonnaises.

Une loi pour encadrer la prostitution

Pour justifier d’une nouvelle loi, le Conseil d’État de Genève (l’exécutif) a mis en avant l’“explosion” du nombre de prostituées, passé de 800 “cartées” en 2004 à 2 070 en 2008. Conséquence, selon la police, de l’entrée en vigueur des accords de libre circulation entre la Suisse et l’Union européenne. Pour mieux contrôler cette prostitution, la loi du 17 décembre 2009 (entrée en vigueur le 1er août 2010) renforce le fichage des prostituées et des lieux de prostitution. Deux dispositions inquiètent particulièrement. D’une part, les informations collectées par les mœurs peuvent désormais être transmises aux impôts et à la sécurité sociale. D’autre part, les patrons des salons et agences d’escortes devront aussi aller s’enregistrer aux mœurs. Les simples propriétaires d’appartement qui louent, sans forcément le savoir, à des prostituées devront fournir un accord signé aux prostituées pour exercer sous leur toit. L’association Aspasie d’aide aux prostituées est montée au créneau : “la plupart des propriétaires risquent de refuser de donner leur accord , explique Fabian Chapot l’un des coordinateurs de l’association. De nombreux travailleurs et travailleuses du sexe exerceront alors au noir. Or on sait que dans la clandestinité les clients regagnent de l’ascendance sur les travailleuses du sexe. Avec tous les dangers pour la santé et la sécurité que cela implique ”. La chef du département de la sécurité a promis d’étudier tous ces cas particuliers avant de commencer à contrôler ces lieux.

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