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Les caméras fleurissent dans les campagnes

VIDEOSURVEILLANCE - Incitées financièrement, les petites communes du Rhône se mettent à la vidéosurveillance, vendue comme LA solution à leurs problèmes de délinquance.

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Le préfet du Rhône l’a répété lors de la signature du Plan de prévention de la délinquance : “la vidéoprotection” est au cœur de la politique de prévention. Une volonté affichée à l’été 2007 par Nicolas Sarkozy qui avait promis de tripler le nombre de caméras. Pour créer des vocations, le gouvernement a mis en place un fonds (FIPD) richement doté qui permet de financer jusqu’à 50% les investissements des municipalités. L’effet a été rapide. Depuis 2008, les demandes fleurissent y compris dans les petites communes rurales et périurbaines. Pour les aider dans leur prise de décision, la gendarmerie réalise des diagnostics de sécurité.

La moitié renonce alors essentiellement pour des raisons financières”, explique le colonel Jean-Philippe Guérin, chef de la gendarmerie du Rhône. En fonction du matériel, les coûts peuvent être multipliés par dix. À Charly, commune du sud-ouest de Lyon, l’installation de deux caméras à 360° a coûté 70.000 euros alors que Saint-Pierre-de-Chandieu, dans le sud-est, a payé ses 23 caméras 90 000 euros.

La vidéosurveillance n’est pas la solution miracle

L’investissement est à mettre en rapport avec les objectifs poursuivis. “Généralement les communes veulent régler les problèmes de petites délinquances et d’incivilité. Dans ces communes, on supporte moins les nuisances que l’on trouve également en ville, comme des jeunes qui squattent les places pour consommer de l’alcool et fumer du cannabis”, rapporte le colonel Guérin.

Certains maires se mettent à la vidéosurveillance surtout pour montrer à leurs concitoyens qu’“ils font quelque chose”, souligne le sociologue Tanguy Le Goff, l’un des spécialistes de la vidéosurveillance en France : “Avec les caméras, les maires agissent sur le sentiment d’insécurité. Mais en aucun cas, ils vont diminuer les éventuelles problématiques de délinquance qui, généralement renvoient à des problèmes de désœuvrement. Faute d’activité ces jeunes des classes moyennes vont traîner dans les rues et commettre des petits actes dégradations ou des petits désordres. Il faut donc plutôt des moyens humains”.

De “l’argent dilapidé” ?

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Dans les communes, les avis sont partagés sur l’efficacité d’un dispositif de vidéosurveillance. Le maire de Charly explique que la présence de deux caméras n’a pas empêché “sa voiture” de se faire voler sur la place de la commune. “C’est l’augmentation des rondes de la gendarmerie qui a permis de faire diminuer la petite délinquance”, explique Claude Vial. À Saint-Pierre-de-Chandieu, “ces caméras ont déjà permis de résoudre certaines affaires de vandalisme, de vol de véhicules et de cambriolage”, affirme Francis Clergeot, l’adjoint à la sécurité, qui a prévu d’en installer cinq de plus d’ici la fin de l’année. Le débat sur l’efficacité est sans fin puisque aucune étude ne l’a démontré, comme l’avait rappelé le rapport d’information des sénateurs Courtois et Gautier (présenté le 10 décembre 2008).

Dans les bourgades, les oppositions s’engouffrent dans la brèche. À Neuville-sur-Saône, le socialiste Alain Martin-Rabaud annonce que les caméras que la mairie est sur le point d’installer ne “résoudront pas les problèmes de délinquances”. À Chazay d’Azergues, l’opposition municipale est surtout le fait des parents d’élèves et instituteurs qui veulent des “explications” sur les caméras qui truffent les écoles (lire par ailleurs).
En l’absence de réelle certitude sur l’efficacité de la vidéosurveillance, le sociologue Tanguy Le Goff alerte sur “l’argent dilapidé sans discernement” par les communes et les préfets, véritables “VRP de la vidéoprotection”. Pour 2010, 30 millions d’euros sont engagés par l’État pour le développement des caméras. Dans le Rhône, en 2009, c’est 717.858 euros qui ont été versés à 12 communes, auxquels il faut ajouter une somme au moins équivalente apportée par les communes elles-mêmes.

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Zéro contrôle Dans cette course à la vidéosurveillance, on a oublié de mettre en place des dispositifs de contrôle des surveillants. La “vidéoprotection” se développe en effet sans aucun contrôle a posteriori. Comme nous l’expliquions dans notre enquête parue dans Lyon Capitale de septembre 2009, c’est une commission départementale, présidée par un magistrat, qui donne un avis consultatif au préfet sur toutes nouvelles installations. Cette commission est censée contrôler leurs mises en place. “Mais nous n’avons pas le temps, ni les moyens”, précisait-on à la préfecture du Rhône. Quant à la CNIL, elle n’est plus compétente sur cette question depuis la loi de 1995.

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Des caméras jusque dans la cour de l’école

À une vingtaine de kilomètres de Lyon, une petite commune de la vallée de l’Azergues est sur le point de mettre en marche 37 caméras. Pour une population de 3900 habitants. Un record.

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Chazay d’Azergues, ses pierres dorées, son château et maintenant ses 37 caméras de vidéosurveillance. Pour une population de 3 900 âmes. Le maire Alain Martinet (UMP) a sans doute souhaité une caméra pour 100 habitants. Avec un tel ratio, cette bourgade coquette du sud Beaujolais tient certainement un record. On en compte notamment quatre sur la mairie, cinq au stade de foot, six sur la crèche, trois à l’école maternelle et six à la primaire.

C’est l’installation début mai des caméras sur les bâtiments des écoles qui a déclenché les hostilités, dans ce village d’ordinaire si paisible. Quand les instituteurs ont découvert les caméras, ils ont immédiatement demandé, avec les parents d’élèves, des explications. Le maire leur a répondu que “le matériel n’enregistrera les événements qu’en dehors des heures de classes pour assurer la sécurité des biens”. Non satisfaits par une réponse aussi lapidaire, les parents et les instituteurs ont saisi la CNIL (Commission nationale Informatique et Liberté) pour alerter sur l’absence d’information. “On ne sait pas si les caméras filmeront pendant le temps périscolaire et à la pause déjeuner. Or il y a des enfants pendant ces moments là”, s’inquiète Émilie de Regnaucourt, présidente de la FCPE locale.

Nous aurions souhaité demander au maire pourquoi il n’a pas sollicité un diagnostic sécurité réalisé par la gendarmerie pour mieux évaluer ses besoins”. Mais depuis que les parents d’élèves ont prévenu les médias, Alain Martinet refuse de répondre aux questions des journalistes. Dans sa mairie hérissée de caméras, il attend le feu vert de la préfecture du Rhône pour mettre le système vidéo en marche, qui a coûté 80.000 euros dont 34.000 pris en charge par la préfecture. Mais pourra-t-il enfin démanteler le trafic de billes de la cour d’école ?

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