Les Dialogues (Presque) Imaginaires > Episode 3 : Collomb / Touraine

Régulièrement, au gré de l’actualité et des différentes prises de position, retrouvez sur lyoncapitale.fr un feuilleton passionnant. Parce que, comme l’écrivait Paul Auster dans La chambre dérobée, "chacun sait que les histoires sont imaginaires. Nous savons qu’elles ne sont pas vraies même quand elles nous disent des vérités plus importantes que celles que nous pouvons trouver ailleurs". Dans ce troisième épisode, Gérard Collomb échange au téléphone avec son premier adjoint Jean-Louis Touraine, resté aux commandes à Lyon, tandis que le maire est contraint d’écourter son voyage asiatique suite aux dégradations commises durant les manifestations contre la réforme des retraites.

Jean-Louis Touraine : Allo Gérard ? Allo tu m’entends ?!

Gérard Collomb : Oui c’est bon, ça passe bien, tu sais je suis à Tokyo, c’est le monde moderne hein, c’est la folie cette ville, tu verrais ça, le peuple, les voitures, les vitrines, les lumières partout ! La folie je te dis !

JLT : Ici aussi c’est la folie. Les jeunes sont en train de tout casser, Lyon est à feu et à sang, ça castagne dans tous les coins, c’est la guerre civile ! Il faut que tu rentres de toute urgence ! Vite ! Vite ! Vite !!!

GC : Rhaaaa c’est pas vrai. Je dois tout faire moi-même ! Je viens juste d’atterrir et j’ai encore Shangaï au programme ! C’est la folie comment ? La folie… folie ?

JLT : Pire je te dis ! Les bagnoles brûlent, les vitrines explosent, Meirieu a tenté de s’interposer mais il s’est pris un œuf en pleine poire.

GC : Si Meirieu s’en mêle, la situation est grave. Convoque la presse pour demain après-midi, je prends le premier avion. Rhaaaa c’est pas vrai.

JLT : Tu es sage, Gérard, tu es sage. Je vais te préparer un topo, j’ai déjà fait mettre un message sur ton blog et sur Facebook. Qu’est-ce que tu veux dire en substance ?

GC : Comme d’hab, que je comprends les jeunes qui manifestent, que je les appelle au calme, que les débordements des casseurs sont intolérables, que c’est la faute du gouvernement qui s’y prend mal, enfin tu vois bien. Faut pas sortir de Saint-Cyr.

JLT : C’est que… Je sais pas si t’as Internet mais ça part vraiment en vrille chez nous. Entre Benoît qui met de l’huile sur le feu, Najat qui arrête pas d’envoyer des communiqués, Besancenot qui appelle à la révolution, Martine qui veut une remise à plat, Ségolène qui dit qu’elle a pas dit ce qu’elle a dit, Dominique qui dit plus rien, Attali qui dit la même chose que Sarko, Gérin qui…

GC : Stop ! J’ai compris. Rhaaaa c’est pas vrai. Et donc ?

JLT : Ben… Faudrait pas rajouter à la cacophonie ambiante mais montrer que tu en as. C’est le moment Gérard, c’est le moment. Parce que Sarko il est malin tu sais, il va tout miser sur les débordements et sur le pourrissement général. Il faut te montrer ferme, il faut surtout pas que tu apparaisses comme un mou du slop.

GC : Rhaaaa c’est pas vrai. Tu me prends pour qui ? Je suis un maire sécuritaire moi, j’ai pas de problème avec ça, je vais pas me laisser déborder par trois lycéens boutonneux ! Par le facteur de Neuilly ! Ras-le-bol de Sud Rail ! Ras-le-bol de la CGT ! Non mais t’as vu la tête qu’ils ont ? Non mais t’as vu la dégaine de Didier Reste ?

JLT : Oui… Enfin… il ne faut pas se tromper de combat non plus. C’est ça qui est difficile. Il faut stigmatiser personne… Tu es de gauche quand même Gérard, tu es de gauche.

GC : Tu comprends vraiment rien hein. D’abord tu me provoques et juste après tu me dis « tu es de gauche ». Faudrait savoir. Tiens, je vais faire comme l’autre à Nice là, le motodidacte.

JLT : Quoi ? Estrosi ? Le… couvre-feu ?!

GC : Exactement ! Y’en a là-dedans, y’en a. Mais je suis pas fou, je parlerai pas de lui, je dirai que je fais comme Mitterrand pendant la Guerre d’Algérie, parce que les circonstances sont graves. Ah ça, on avait un beau programme quand même, on avait pas toutes ces précautions. Je peux te le dire : ça bronchait pas.

JLT : Gérard… Je ne suis pas sûr que…

GC : Baste ! C’est ce que je dirai demain à la presse, point barre. Renseigne-toi auprès des services pour voir comment ça marche, cette histoire de couvre-feu. Et puis comme ça, la jeune Najat, à la maison ! Coucouche panier ! J’t’en filerai moi, des mous du slop. Rhaaaa c’est pas vrai.

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