La mere Brazier

Les amants discrets

Le restaurant du mois. Pour la rentrée, rien de tel qu’un bon mythe (La Mère Brazier), repensé par le poulain (Mathieu Viannay) d’un autre mythe (Paul Bocuse).

Nostalgie et excitation au programme, retour aux fourneaux oblige. Pour la rentrée, direction le 12 rue Royale, aux Terreaux, une adresse aussi réputée en gastronomie que le 10 Downing Street, à Westmintser, en politique. Le 12 rue Royale, c’est La Mère Brazier, bastion héroïque du bien manger dont le maire de Lyon de l’époque, Édouard Herriot, grand habitué des lieux, disait qu’elle faisait plus que lui pour la renommée de la ville. Aujourd’hui, de l’eau a coulé sous les ponts. Le foot a fait le reste. Et la réputation culinaire de Lyon n’est plus à faire. La Mère Brazier, qui connut diverses fortunes, dont un intermède américain douloureux, est aujourd’hui sous la houlette de Mathieu Viannay, certes pas tout à fait Lyonnais, mais hautement capé, avec son col tricolore de meilleur ouvrier de France et son double macaron Michelin. Nul besoin de faire chauffer la CB, on vous emmène déjeuner. 35 euros TTC, serveurs distingués, maître d’hôtel et sommelier pas trop ampoulés. Un vrai gastro à la sauce lugdunum, dont la déco (faïences 1920, boiseries, plafond à la française revisités par le décorateur Alain Vavro) est à l’image de la cuisine du maître des lieux. Entre classique et contemporain, savant dosage typiquement lyonnais. “De toute façon, je n’ai jamais eu une cuisine ultra moderne” semble se justifier le chef, peu grande gueule mais sacrément bosseur.

De l’évolution, pas de révolution. Plat, entrée, dessert donc. Avec une mise en bouche fraîche et impeccable, version crème glacée aux herbes et saumon mariné. Au choix ensuite : filets de sardine marinés, légumes à l’huile d’olive et râpé d’agrumes ou boeuf et tomate coeur de boeuf marinés à l’huile de citron, pain croustillant. Simple et irréprochable, du croustillant, méli-mélo printanier teinté d’estival. Poisson ou viande ? Choix cornélien tant les deux propositions sont séduisantes : le pavé de mulet de pleine mer se muscle de copeaux de fenouil et d’une compotée de mangue verte, discrètement adouci de chou fleur craquant. Plus classique, les formidables aiguillettes de veau “élevé sous la mère”, cuisson rosée, fleur de courgette juste grillée et parmesan, jus au basilic et baies de “gou qi zi”, petite baies rouges chinoises rappelant un peu la tomate séchée. Suivent les fameuses madeleines tièdes au miel, glace au fromage blanc. Avant d’attaquer la meringue bibendum et compotée de fraises, sorbet à la rose. À moins d’opter pour la poêlée de cerises, brisure de biscuits, glace fromage blanc citronné. Bref, de l’évolution. Pas de révolution si ce n’est, et c’est déjà énorme, d’avoir redonné une âme à cette Mère Brazier, belle endormie et tant brassée ces dernières années.

La Mère Brazier
12, rue Royale
69001 Lyon
0478231720
www.lamerebrazier.fr

Le chef : Mathieu Viannay.
L’aditions : 35 euros (déjeuner).
Les plats : Boeuf et tomate coeur de boeuf marinés à l’huile de citron, pain croustillant ; Pavé de mulet de pleine mer aux copeaux de fenouil et chou fleur, compotée de mangue verte ; Aiguillettes de veau élevé sous la mère, fleur de courgette, jus au basilic et baies de “Gou qizi” ; Meringue et compotée de fraises, sorbet à la rose.
Les vins : Fleurie Les Garants 2007 Pierre-Marie Chermette ; Côte-rôtie 2007 Michel et Stéphane Ogier.

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