Montebourg à Rue89

Montebourg : "Aubry a refusé de lire les preuves sur Guérini"

Grand ordonnateur des primaires du PS et lui-même candidat, Montebourg était à Rue89 et a répondu aux questions des internautes.

« Le secrétaire national à la Rénovation que je suis n'est pas là pour faire semblant. » Invité ce mercredi du tchat de Rue89, Arnaud Montebourg a répondu aux questions des riverains, notamment à celles, nombreuses, concernant son rapport sur les « pratiques contestables » dans la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône.

Il avait accepté de mettre sa bataille entre parenthèses le temps de la campagne des cantonales. Ces élections passées, il répète et amplifie aujourd'hui ses attaques contre Jean-Noël Guérini, secrétaire fédéral et président du conseil général des Bouches-du-Rhône, et son frère entrepreneur Alexandre, mis en examen pour « détournement de fonds et de biens publics, recel, blanchiment, abus de biens sociaux, corruption active et trafic d'influence » :

« Ce sont des pratiques effrayantes, qui reposent sur un système de pouvoir et de captation d'argent, avec utilisation de l'argent public, pressions sur les élus, sur les fonctionnaires. L'intimidation et la peur étant l'arme quotidienne de la part de deux frères, dont l'objectif n'est pas de faire rayonner l'idéal socialiste.

Par ailleurs, les liens avec le grand banditisme sont dans le dossier judiciaire, ça n'a aucun rapport avec le socialisme, aucun rapport avec le Parti socialiste, donc il faut se débarrasser de ce problème. »

« Aubry m'a dit : “Je ne veux pas de ce rapport.” »

Un problème qu'a refusé de voir la première secrétaire du PS, poursuit Arnaud Montebourg, désormais en guerre ouverte contre Martine Aubry au sein du parti :

« J'ai commencé à alerter Martine Aubry au mois de juin 2010. […] J'ai alerté une fois, deux fois, trois fois. On m'a dit : “Laisse, ne t'occupe pas de ça ! ” […] Martine Aubry n'a pas réagi. Elle m'a dit : “Je ne veux pas de ce rapport.” […]

Après, elle a prétendu qu'il avait été perdu. Une fois qu'elle l'a lu, elle a dit qu'il n'y avait rien dedans. Quand je lui ai envoyé les preuves, elle a refusé de les lire. »

Comme l'association Transparence International, il réclame que le Parti socialiste adresse enfin un signal fort et ne soutienne pas, jeudi, la réélection de Jean-Noël Guérini à la présidence du conseil général des Bouches-du-Rhône :

« Je souhaite que l'on trouve une autre solution que la réélection de Jean-Noël Guérini, il y a d'autres camarades socialistes tout à fait capables, qui peuvent très bien faire président de conseil général. »

« La prolophobie, elle est à l'Elysée ! »

Pour défendre et faire appliquer ses propositions exposées dans son livre « Des idées et des rêves », Arnaud Montebourg s'est engagé dans la course aux primaires socialistes, qu'il a lui-même théorisées. Il pense et rêve « capitalisme coopératif », « nouveau monde » et « démondialisation des économies » (voir plus bas).

Ami de Jean-Luc Mélenchon, il aurait souhaité que le coprésident du Parti de Gauche participe à ces mêmes primaires. Il le lui a proposé, mais ce dernier « a répondu immédiatement non ». Arnaud Montebourg s'imagine en revanche très bien gouverner avec lui, comme avec Eva Joly. L'ex-magistrate et actuelle candidate Europe Ecologie en ministre de la Justice ?

« C'est parfaitement plausible, crédible. Ce serait même une très bonne idée. »

En attendant que la gauche accède un jour à l'Elysée, la droite y est. Notamment le conseiller de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson. Lequel a déclaré dans Paris Match : « Nos élites sont mues par une invraisemblable prolophobie dont elles n'ont parfois même pas conscience. » Le socialiste s'offusque :

« La droite n'a jamais autant méprisé la classe ouvrière. Toute la droite française est fusionnée avec la droite économique et ses intérêts. Nicolas Sarkozy est le président du CAC 40. La prolophobie, elle est à l'Elysée ! »

Le point faible de François Hollande

Ne manquez pas la dernière question posée par Léo S. : « Quel est le point faible de François Hollande ? ». Après un silence amusé – le temps qu'il savoure l'allusion – Montebourg répond : « Sa candidature. »

Avant le tchat

Il a « Des idées et des rêves » et en a fait un livre. Il entend rénover le PS de l'intérieur, à commencer par le débarrasser de ses baronnies embarrassantes. Il cumule les fonctions de député et de président de conseil général, mais ambitionne de n'avoir plus qu'un mandat : celui de président de la République.

Arnaud Montebourg est l'invité du tchat de Rue89, ce mercredi à partir de 11h30. Posez-lui vos questions dès maintenant dans les commentaires.

Les élections cantonales

En attendant les primaires socialistes auxquelles il s'est porté candidat, Arnaud Montebourg était intéressé au premier chef par les cantonales. Président du conseil général de Saône-et-Loire depuis trois ans, il sort renforcé de ces élections, avec un canton supplémentaire pour la gauche.

Le conseil général ? Un des « rares lieux pour échanger des idées et partager quelques rêves », écrit-il dans son ouvrage publié en novembre dernier. Mieux que l'Assemblée nationale, où il a trouvé « l'intérêt de parler dans le désert, vite déclinant ». Après onze années de députation, il a donc opté en 2008 pour l'assemblée départementale.

Sans laisser pour autant vacant son siège au Palais-Bourbon. Le chantre du mandat unique s'était justifié à l'époque en évoquant « un acte de résistance à la montée de l'absolutisme sarkozyste » :

« L'organisation d'une opposition nouvelle, à la fois résistante et constructive, nécessite que nous concentrions à notre tour nos forces territoriales, pour leur donner du poids à l'échelle nationale. »

Son rapport sur Guérini

L'avocat de formation s'est « rapidement détourné d'une justice trop clémente avec les puissants », mais n'en a pas fini avec son combat contre l'injustice. Après les paradis fiscaux, la responsabilité pénale de Jacques Chirac, le secrétaire national du PS à la Rénovation s'attaque aux potentats locaux de son propre parti.

Sa cible la plus récente se nomme Jean-Noël Guérini, président du conseil général des Bouches-du-Rhône et numéro un de la fédération socialiste du même département. Les statuts du PS l'interdisent, comme ils prohibent aussi de nombreuses « pratiques contestables » pourtant réelles. C'est ce que dénonce Arnaud Montebourg dans un rapport censé resté confidentiel, qui a pourtant fuité dans la presse début mars.

Agacée par cette fuite suspecte en pleine campagne des cantonales, la première secrétaire du Parti socialiste a raillé d'une phrase le contenu dudit rapport : « Il n'y a rien dans ce rapport, pas un élément concret, précis, pas un fait. » Une réaction de Martine Aubry aussi « désolante que blessante », s'est alors indigné l'intéressé, acceptant toutefois de remettre sa bataille à l'après-cantonales. Nous y sommes.

Les primaires socialistes

Co-fondateur du Nouveau Parti socialiste, il quitte le courant en 2005, à l'issue du congrès du Mans, refusant la synthèse de François Hollande. Electron libre ensuite, il devient porte-parole de la campagne de Ségolène Royal pour la présidentielle de 2007. Avant de soutenir la motion de Martine Aubry au congrès de Reims en 2008.

En 2011, fini le temps des ralliements. Arnaud Montebourg a décidé de rouler désormais pour lui-même. Dès le 20 novembre dernier, depuis son fief de Frangy-en-Bresse, il a solennellement prononcé ces mots :

« Depuis ce petit coin de Bourgogne qui est le mien, qui est le vôtre, je suis venu vous annoncer ma candidature à la présidence de la République. »

Avant la course à l'Elysée, il y a cependant les primaires socialistes. Il ne fait pas partie des éléphants testés dans les sondages, mais dit croire au soutien le moment venu des millions de sympathisants de gauche, qui seront consultés à l'occasion de ce mode de désignation qu'il a lui-même théorisé. Même si les strauss-kahniens affirment que c'est le candidat que leur mentor aimerait affronter…

Son livre-programme

Pour faire la différence, il a donc couché sur papier ses « rêves » et ses « idées ». Un livre de politique qui ne verse pas à chaque page dans les généralités et les bonnes intentions, cela existe. Au risque de paraître parfois fourre-tout, il a le mérite de proposer des mesures concrètes, exposées aussi sur son site internet. Petit tour d'horizon, en forme de verbatim :

  • « Etendre un nouveau modèle de capitalisme coopératif. » Une coopérative ? « Un assemblage efficace de capitalistes et de travailleurs poursuivant des buts économiques, sociaux et éducatifs communs, par le moyen d'une entreprise dont le fonctionnement est démocratique et la propriété collective. » Comment faire ? En favorisant « la mutation vers l'organisation de coopérative des entreprises », grâce à « un fonds souverain », des « crédits en soutien » et des réservations de « marchés publics ».
  • « Inventer un nouveau monde. » La proposition est évidemment ambitieuse, puisqu'il s'agit d'écologie et de mieux vivre. Il propose de créer, à côté du PIB, de « nouveaux indicateurs permettant de mesurer le développement, la prospérité et le bien-être des sociétés ». Egalement au programme, « une taxe carbone rose-verte progressive et progressiste, justement compensée et accompagnée de dotations pour permettre à tous les citoyens de participer à la mutation, en contrepartie d'une diminution de la fiscalité sur le travail ».
  • « Favoriser la démondialisation des économies. » « Quel est le sens de consommer des crevettes pêchées au Sénégal, épluchées en Hollande et consommées dans le monde entier ? » s'interroge-t-il. Comme Keynes, il souhaite « réduire au minimum l'interdépendance entre les pays », notamment en dotant « l'UE d'une diplomatie écologique et sociale pour faire intégrer dans les traités de libre-échange de l'OMC de nouvelles conditions non-marchandes, afin de garantir que la compétition ne se fasse pas au détriment du travail et de l'environnement ».

Ce livre, Arnaud Montebourg le conclut comme il a commencé à se faire connaître : par un appel à une VIe République, avec « un président de la République arbitre, un gouvernement disposant de la plénitude de ses pouvoirs, un Parlement aux pouvoirs de contrôles renforcés, y compris l'opposition ».

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