Gilles Buna

Hulot tout pour plaire… sauf chez les Verts

L'ex-homme de télé s'est lancé ce mercredi à la présidentielle. Il est populaire, il sait mobiliser les foules sur l'environnement, il connait son sujet, il passe très bien à l'écran. Et pourtant, les Verts renâclent à lui accorder leur soutien. Parmi les élus du Rhône, seuls Pierre Hémon et Alain Giordano appuient sa démarche. Gilles Buna et Etienne Tête n'ont pas encore fait leur choix tandis que Béatrice Vessiller et Raymonde Poncet sont derrière Eva Joly. Tour d'horizon.

Nicolas Hulot pose un sérieux dilemme aux écologistes. Ils l'aiment et le méprisent à la fois. Ils l'aiment parce qu'en 2007, il a réussi le tour de force d'imposer l'urgence écologique dans le débat présidentiel et d'être l'instigateur du Grenelle, quand eux prêchent dans le désert, souvent incompris, depuis quarante ans. Dans sa bouche, l'environnement est une cause mobilisatrice qui entraîne même Sarkozy, TF1 et le Medef. L'ex-animateur lévite, au sommet des palmarès des personnalités les plus populaires de France. Avec lui, les militants peuvent espérer un beau score à la présidentielle. Et pour cela, nombre d'entre eux suivent, mi-charmés, mi-intéressés. "Sa candidature peut bénéficier d'une dynamique qui peut nous mettre en meilleure position pour négocier avec nos partenaires le programme de 2012 et le nombre de sièges au Parlement", souligne prosaïquement Gilles Buna, adjoint à l'urbanisme à Lyon.

"Ca peut être une très très bonne candidature. Quand je vois les remous que cela provoque au PS, je me dis même que c'est une très très très bonne candidature", plaisante Pierre Hémon, président du groupe écolo au conseil municipal de Lyon. Celui-ci relate une réunion informelle avant le conseil municipal de lundi dernier au cours de laquelle Gérard Collomb a démonté la candidature Hulot. Pierre Hémon ne s'en cache pas : il peut leur fait gagner beaucoup. "Il nous faut un groupe parlementaire pour pouvoir travailler. Il nous faut donc un candidat qui ramène le plus de voix possible", martèle-t-il. Président du conseil fédéral d'Europe Ecologie - Les Verts, Philippe Meirieu, vice-président du conseil régional, est à la tête du comité d'organisation des primaires. Il affiche donc une stricte neutralité à l'égard des deux candidats. Mais il ne cache pas son bonheur à voir Nicolas Hulot franchir le Rubicon. "Ses propos font de lui un excellent candidat", glisse-t-il. Seigneur des sondages, l'initiateur du pacte écologiste pourrait être le champion des Verts. Ce n'est pourtant pas le cas. Sa candidature fait grincer des dents. Les qualités de l'homme de télévision sont aussi ses défauts. Trop médiatique, trop centriste, pas assez Vert. Il ne leur ressemble pas. Illégitime pour certains.

Il n'est pas de gauche

"C'est un mec de droite", attaque une élue qui dit "avoir mal au coeur" de devoir peut-être le soutenir. Un homme qui est à l'initiative du Grenelle de l'Environnement de Nicolas Sarkozy, qui a refusé de soutenir Ségolène Royal au 2e tour de la présidentielle face au candidat de l'UMP et qui affiche de bonnes relations de Jean-Louis Borloo ne peut être vraiment de gauche. C'est d'ailleurs la marque de l'instigateur du Pacte écologique : transcender les partis. "Il va falloir qu'il éclaircisse sa position au second tour et pas dire comme en 2007 qu'il choisira en regardant les programmes des deux candidats. Moi je suis partisane de sortir du mode libéral", affirme Raymonde Poncet, conseillère générale. "Il n'incarne pas la radicalité d'un projet écologiste", complète Pascale Bonniel-Chalier, conseillère municipale à Lyon. Ce mercredi, Hulot a cependant assuré que sa démarche était "incompatible" avec celle de la majorité sortante. Selon Etienne Tête, il est à craindre qu'une partie de l'électorat des Verts, issue par exemple du courant Bové, préfère voter pour un candidat de la gauche radicale.

Faible sur la question sociale

Nicolas Hulot est venu à l'écologie politique par le prisme environnementaliste. De ce fait, certains lui reprochent un discours trop axé "sur la défense des petits oiseaux". Lui-même reconnaît avoir "des angles morts". "La prise en compte des inégalités sociales est insuffisamment intégrée à son discours", regrette Raymonde Poncet. "J'attends qu'il précise ses positions sur la politique de Sarkozy hors Grenelle de l'Environnement, abonde Gilles Buna. Je ne sais pas ses orientations en matière de politique sociale". Mais pour Pierre Hémon, la mue est déjà engagée. "Le fait qu'il annonce sa candidature à Sevran, l'une des villes les plus pauvres de France, est un signe très fort", fait-il valoir. Et il est vrai que ce mercredi, le nouveau candidat a rosi le discours, voulant "soustraire les biens communs à la spéculation, remettre la finance à sa place, tisser les solidarités ici et avec les pays du Sud".

Il n'est pas assez Vert

Est-ce la conséquence de son positionnement trans-partis ? Malgré ses rapprochements récents, il reste un électron libre. Pour beaucoup de militants du parti écologiste, c'est un étranger. "Il a trop hésité à s'allier aux écologistes et n'a pas cru aux Verts quand il le fallait, grince Pascale Bonniel-Chalier, rancunière. C'est un homme qui a fait cavalier seul. C'était vraiment naïf de croire que la droite allait s'emparer de son pacte écologique". "Il a fait son chemin depuis qu'il pensait qu'en faisant signer son document, il allait changer les politiques publiques", complète Béatrice Vessiller, aigre-douce. La nouvelle conseillère générale de Villeurbanne juge que les militants vont être un peu réticents à soutenir quelqu'un qui rejoint le parti "juste pour être candidat", même si, précise-t-elle, "il est à nos côtés depuis quelque temps".

Sa déclaration de candidature de ce mercredi ne va sans doute pas les rassurer, tant l'ex-journaliste a laissé planer une ambiguïté sur sa volonté de participer aux primaires. "Il ne faut pas qu'il soit dedans et dehors. Il n'a pas été très clair", regrette Emeline Baume, conseillère communautaire.

C'est l'ami des grands groupes

"Bienvenue dans un monde où vivent en harmonie l'homme, la nature, le progrès. Bienvenue dans le monde Ushuaïa-Rhône-Poulenc". Dans les années 80 et 90, les écologistes ont toussé. Ils toussent encore en voyant que la fondation Nicolas Hulot est parrainée par EDF, TF1 et L'Oréal. Hulot, le candidat des multinationales ? L'argument peut lui faire du mal. Raymonde Poncet, Béatrice Vessiller et Pascale Bonniel-Chalier évoquent ces mécénats lourds à porter. "Il faudra un candidat qui sache remettre en cause les intérêts des grands groupes privés", insiste la première.

C'est une star de télé

Etre à l'aise devant les micros : voilà une qualité de poids pour se lancer dans une campagne. Mais pas tout à fait chez les Verts, même si Noël Mamère, ex-journaliste, les a représentés en 2002 à la présidentielle. "Il est légitime mais il ne suffit pas d'être le meilleur coup médiatique", assène Raymonde Poncet. "C'est une star des médias et ce n'est pas l'image que l'on a chez les écologistes du militants", juge Béatrice Vessiller. "Surtout qu'il a travaillé à TF1"...

Eva Joly est meilleure

Depuis l'université d'été du parti l'an dernier, c'était entendu : Eva Joly serait la candidate des écolos. Elle incarne la gauche morale, en lutte contre les paradis fiscaux et la corruption politico-financière. Après la crise issue du monde bancaire, elle est la femme de la situation. "Elle a fait la démonstration qu'il y a un lien entre les paradis fiscaux et les grands dégâts environnementaux et sociaux", souligne Raymonde Poncet. "J'aime cette raideur qu'on lui reproche, lance Pascale Bonniel-Chalier. C'est son sens de l'éthique. J'aime aussi beaucoup le fait qu'elle ne soit pas Française de souche, qu'elle soit une figure européenne".

Ils ne veulent ni d'Hulot ni de Joly

Comme Daniel Cohn-Bendit, Gilles Buna n'est pas persuadé de la pertinence d'une candidature à la présidentielle. Il n'exclut pas que les écologistes se retirent pour éviter un 21 avril bis. "C'est une question politique qui dépasse les intérêts de boutique", martèle-t-il. Emeline Baume envisage aussi de ne pas se lancer "pour peser lourd dans une majorité de gauche". Dans ce cas, le mouvement négocierait avec le PS un accord aux législatives plus favorable. Mais cette élue aurait préféré la candidature de Cécile Duflot. "Parce qu'elle incarne la fraîcheur et l'honnêteté". Etienne Tête pense de même. "On l'a boostée lors des régionales en concentrant en Ile-de-France les énergies. Ce qui a d'ailleurs énervé Meirieu. Et là, on se dit 'tout ça pour ça'". Le conseiller régional ne montre pas un enthousiasme débordant, ni pour Hulot trop "centriste", trop "médiatique", ni pour Joly qui a "des difficultés communicatives".

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LEUR POSITIONNEMENT

A fond derrière Hulot

Pierre Hémon, président du groupe écologiste à la ville de Lyon

Plutôt pour Hulot

Alain Giordano, maire du 9e arrondissement

Plutôt pour Joly

Béatrice Vessiller, conseillère générale de Villeurbanne

A fond derrière Joly

Pascale Bonniel-Chalier, conseillère communautaire

Raymonde Poncet, conseillère communautaire

Ils n'ont pas encore un avis tranché

Gilles Buna, adjoint à l'urbanisme à Lyon

Philippe Meirieu, vice-président du conseil régional

Alain Chabrolle, conseiller régional

Ils préfèrent Duflot

Etienne Tête, conseiller régional

Emeline Baume, conseillère communautaire

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