Hand : les lendemains qui chantent ?

ANALYSE. Sacrée championne du monde fin janvier, l’équipe de France survole le handball mondial depuis maintenant quelques années. Pourtant, médiatiquement comme structurellement, le sport collectif français le plus titré peine à évoluer dans l’Hexagone. Cela peut-il, enfin, changer ? Décryptage (Article paru dans le magazine Lyon Capitale du mois de mars 2011).

"Si ça ne prend pas aujourd’hui, ça ne marchera jamais." Arnaud Bingo, le néo-champion du monde, formé à Vaulx-en-Velin, ne passe pas par quatre chemins pour évoquer les difficultés de son sport. Le handball français se trouve aujourd’hui, après quatre titres d’affilée (un olympique 2008, deux mondiaux 2009 et 2011, un européen 2010, NDLR), à un tournant de son histoire. En résumé, le moment ou jamais de sortir d’un certain anonymat. "Je n’y crois pas trop. C’est comme d’habitude. Après une semaine, c’est déjà retombé, on en parle plus. Il ne faut pas trop se faire d’illusions", souligne, un brin résigné, l’autre lyonnais de la bande, Guillaume Joli.

Pourtant, ces nombreux titres glanés (auxquels il faut rajouter les mondiaux de 1995 et 2001 pour les hommes, de 2003 pour les femmes, NDLR) suscitent tout de même des retombées significatives. En terme d’afflux de licenciés principalement. Les acteurs du hand lyonnais abondent dans ce sens. "Le comportement des garçons attire, plus que les résultats sportifs. Beaucoup de parents et enfants sont conquis par cette simplicité et cette humilité", souligne l’emblématique Evelyne Beccia, vice-présidente de la Fédération française de handball et présidente de l’ASUL Vaulx-en-Velin. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Dans le Rhône, le nombre de licenciés est en constante amélioration, de 4 à 5% par an depuis cinq ans (7 000 personnes début 2011, NDLR). Au niveau national, de 183 000 pratiquants en 1992, on est passé à 410 000 aujourd’hui, soit 45 000 de plus qu’en 2008. Une augmentation de 120% en 18 ans. Considérable.

Des infrastructures inadaptées

A première vue, tout va bien dans le meilleur des mondes. Le hand semble même tout proche de supplanter le basket comme premier sport français de salle en nombre de licenciés (le basket stagne depuis quelques années autour de 450 000 pratiquants, NDLR). Sauf que les structures n’ont pas évoluées aussi vite. "Nos pauvres salles ne sont plus armées pour encadrer les joueurs. Certains clubs du Rhône refusent même des adhésions car ils ne peuvent plus accueillir tout le monde", rapporte Patrice Fréry, président de la Ligue du Lyonnais de handball (départements du Rhône, de l’Ain et de la Loire, NDLR). En France, de nouveaux projets de salles ont vu, ou vont, voir le jour : de véritables Arena. Notamment à Montpellier, Bordeaux ou Orléans. La plus emblématique est celle de la Maison du handball à Colombes, une salle de 15 000 places entièrement vouée à accueillir les équipes de France à domicile. "Une salle qui symbolise vraiment le handball national", se félicite Evelyne Beccia.

600 000 euros pour une équipe de haut niveau à Lyon

A Lyon, rien de ceci n’est encore prévu. Au grand dam des dirigeants. La cible principale, le Grand Lyon. "La seule solution que je vois sur notre région, c’est que la communauté urbaine prenne ça en charge". explique Evelyne Beccia. "A chaque fois qu’on gagne quelque chose, on remet le couvert. On est toujours bien reçu mais rien ne voit le jour", relate Patrice Fréry. Le président de la Ligue du Lyonnais ajoute : "Le handball n’est pas du tout cher. Pour faire une équipe de haut niveau à Lyon, il faut 600 000 euros. Ca n’a rien à voir avec d’autres sports (à titre de comparaison, le budget de l’OL en 2010-2011 est estimé à 150M d’euros, celui du LOU à 8,2M, NDLR)". Au début des années 2000, le projet du Grand Lyon Handball avait fédérer 19 clubs de la région autour de Villeurbanne chez les hommes et de l’ASUL Vaulx-en-Velin pour les filles. "Ça a un peu capoté aujourd’hui", relate Patrice Fréry alors que le VHA (Villeurbanne Handball Association) se morfond dans les profondeurs du classement de Division 2.

Malgré la complexité de la situation, personne ne baisse les bras dans le Rhône. Une nouvelle structure, un réseau de 40 petites entreprises privées, a été crée pour stimuler les partenaires. Et tenté de redémarrer le concept. Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais, pointe également ce souci structurel : "J’adore le hand, j’ai joué trois ans en première division. Maintenant, au niveau de l’investissement, ce n’est pas dans mes intentions. On a essayé de le faire avec le VHA lorsqu’ils sont montés en D1, ça n’a pas pris. Pour jouer au haut niveau, il faut avoir des grandes salles. Lorsqu’on voit, à Lyon, l’état de salubrité du palais des sports de Gerland." En manque de moyens, la Ligue du Lyonnais de hand a même lancé une souscription afin d’aider les clubs et les comités locaux. C’est tout le paradoxe du hand lyonnais, une bonne école de formation, un des premiers fournisseurs de talents mais aucun club de haut niveau, donc un départ inéluctable des joueurs les plus talentueux.

Une médiatisation proche du néant

Arnaud Bingo le concède sans équivoque : "L’évolution du hand passe par deux choses essentielles que l’on connaît : la modernisation des salles et le suivi médiatique." Pessimiste, Guillaume Joli indique que de toute façon, "la médiatisation, il ne faut pas rêver, ne viendra pas du jour au lendemain." Même si Joël Delplanque, le président de la Fédération Française est persuadé que "la dynamisation de la médiatisation du handball est en marche", plusieurs signes tendent à une vision moins idyllique. En témoigne les propos d’Evelyne Beccia : "on a eu une réponse catégorique et négative de Daniel Bilalian, directeur des sports de France Télévisions. Il nous a dit : non, on ne passera pas ce sport là à des heures de grande écoute. France 2 a diffusé la finale des Mondiaux, mais bon c’est la moindre des choses."

Quant au championnat, il est cantonné sur Eurosport (chaîne câblée), non accessible au grand public. Et encore, seul un match par journée est diffusé. Quant aux appels d’offres pour le hand, pourtant en nette augmentation (autour de 2M d’euros aujourd’hui), ils sont bien loin des folles sommes dépensées par certains médias pour le tennis ou le rugby (autour de 40M d’euros). On ne parle même pas du football, hors catégorie. Un autre monde. Pour le handball, tout reste encore à faire. Malgré tous les trophées héroïquement glanés.

3 questions au Lyonnais Guillaume Joli

(Champion du Monde de Handball 2009 et 2011, joueur actuel de Valladolid, en Espagne)

Lyon Capitale : L’essor du handball en France, vous y croyez ?

Guillaume Joli : Non, je n’y crois pas trop. Il faudrait déjà que le championnat de France soit un évènement qui compte. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. On passe sur Eurosport et sans aucune autre visibilité. Mais bon, il ne faut pas s’alarmer, ça toujours été comme ça. Après, je suis peut-être pessimiste. Mais grandir trop vite, faire que les valeurs que véhiculent notre sport changent, je ne suis pas pour non plus.

Un mot sur le hand lyonnais…

Je suis triste de voir qu’il n’y a plus de club en première division. Il n’y a pas réellement de volonté politique à Lyon pour l’émergence d’un grand club. Ce n’est pas un problème de formation car il y a pas mal de joueurs qui sortent du pôle. Après, on est obligé de s’expatrier car en terme de club, il n’y a pas ce qu’il faut dans la région lyonnaise. Depuis des années par exemple, à Lyon, le LOU Rugby a été favorisé par rapport au handball. Il ne faut pas se le cacher. Au niveau national, à la différence de nous, France 2 a commencé à diffuser le tournoi des 6 nations, les matchs de l’équipe de France. Nous, on est resté à se cantonner à des petites chaînes.

Personnellement, qu’espérez vous pour le handball de demain ?

On est forcément tenté d’en réclamer davantage. On se demande comment malgré nos résultats en équipe de France, on n’a pas le droit au même traitement que certains autres sports qui ont des résultats bien moindres. Ca, forcément, c’est triste. Après, il ne faut surtout pas trop en faire, trop en dire, et risquer de perdre nos fondamentaux. Je vis de ma passion, j’en suis très content. Je ne demande pas forcément plus car je sais qu’on va perdre certaines valeurs, d’amitié, de partage, des valeurs qui nous sont essentielles à la base. Un peu comme certaines mentalités au rugby qui ont changées avec le professionnalisme.

Le hand dans le Rhône en chiffres

75 : le nombre de clubs

7 000 : le nombre de licenciés

0 : le nombre de clubs dans l’élite (hommes et femmes)

100 000 : le nombre de sympathisants

35% : la part de femmes licenciées

2002 : la date de création du Grand Lyon Handball

4 : le nombre de joueurs lyonnais en équipe de France (2 chez les hommes, 2 chez les filles)

600 000 : le prix, en euros, nécessaire au fonctionnement d’un grand club

1 500 : la capacité, en spectateurs, de la salle du club de Villeurbanne.

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