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Feu, pannes et autres broutilles de nos centrales nucléaires

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L'autorité de sûreté nucléaire présentait ce mardi son rapport 2010. 202 problèmes ont été recensés dans nos quatre centrales régionales. Si Bugey et Tricastin n'inspirent pas d'inquiétude, St-Alban fait l'objet d'un contrôle attentif.

C'est un rendez-vous annuel un peu routinier qui prend cette année une toute autre importance, après l'accident de Fukushima. L'autorité de sûreté nucléaire (ASN) présentait ce mardi "le bilan de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en régions Rhône-Alpes et Auvergne en 2010". Créée en 2006, cette autorité administrative indépendante est chargée de contrôler les activités nucléaires civiles en France. Le préfet nous avait dit en mars dernier toute la confiance qu'il éprouvait "dans sa rigueur" (lire ici).

En 2010, l'ASN s'est livrée à 270 inspections en Rhône-Alpes/Auvergne, dont 89 sur les centrales. Au total, 202 événements "significatifs" ont été recensés, contre 181 en 2009 (+ 11,6%). Par "événements", il faut comprendre problèmes. La conclusion de ce rapport : "même si des progrès notables doivent être réalisés sur certaines installations, le niveau de sûreté nucléaire et de radioprotection des régions Rhône-Alpes/Auvergne est assez satisfaisant". Doit-on se contenter d'un résultat "assez satisfaisant" ? "Le référentiel est très exigeant. On ne se satisfait jamais d'une situation. Nous avons une démarche de progrès continu", relativise Grégoire Deyirmendjian, chef de la division de Lyon.

La Région compte quatre centrales nucléaires : Bugey (Ain), St-Alban (Isère), Cruas-Meysse (Drôme) et Tricastin (Drôme). Deux d'entre elles "se distinguent de manière positive en matière de sûreté nucléaire" : Bugey et Tricastin. Une autre améliore sa position et se situe dans la moyenne française : Cruas-Meysse. A St-Alban, en revanche, les progrès escomptés n'ont pas été réalisés. Elle va donc être surveillée de près par les autorités.

EN DECA DE LA MOYENNE NATIONALE

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St-Alban : un manque de transparence

19 inspections / 28 incidents (41 en 2009)

"Les performances globales de la centrale nucléaire de St-Alban sont en retrait par rapport à l'appréciation générale des performances que l'ASN porte sur EDF". Le rapport égratigne comme l'an dernier (lire ici) la centrale iséroise, à une dizaine de kilomètre au sud de Vienne, accusée "de lacunes de rigueur d'exploitation". Un constat corroboré par l'agence internationale de l'énergie nucléaire. C'est d'ailleurs sur ce thème que l'ASN va mener une inspection en septembre prochain. Plus grave : St-Alban tarde et rechigne à communiquer ces incidents à l'ASN. Elle "doit réaliser des progrès en matière de réactivité et de communication d'information vis-à-vis de l'ASN". Et là encore, l'ASN "procèdera aux actions de contrôle nécessaire s afin de s'assurer que la centrale déclare sans délai les événements".

DANS LA MOYENNE NATIONALE

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Cruas : un incident "correctement géré"

23 inspections / 49 incidents (49 en 2009)

C'était le mouton noir de 2008, accusé d'une "situation dégradée". C'est encore là qu'un incident de niveau 2 sur l'échelle d'INES s'était produit dans la nuit du 1er au 2 décembre 2009. L'échelle INES est l'échelle internationale des événements nucléaires, graduée de 0 à 7 (1). La centrale avait alors perdu son système de refroidissement. En cause, des débris végétaux charriés par le Rhône qui avaient obstrué les tuyaux. Deux inspecteurs s'étaient immédiatement rendus sur place pour faire face à cette situation de crise. Pour remédier à ce problème, le 28 janvier 2010, la centrale a proposé dix mesures, afin notamment d'améliorer la filtration de la station de pompage. Et un dégrilleur mobile est en fonctionnement depuis mai 2010. "C'est un incident sérieux mais qui a été correctement géré par EDF", souligne le rapport. "On leur a demandé beaucoup d'effort. Ils sont revenus à une situation normale", se félicite Grégoire Deyirmendjian.

MIEUX QUE LA MOYENNE NATIONALE

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Bugey : un manque d'anticipation

28 inspections / 40 incidents (47 en 2009)

C'est la plus vieille centrale de France, après Fessenheim, mise en service en 1979. Mais elle a de beaux restes, à en croire cette évaluation puisque ses performances sont supérieures à la moyenne nationale. Toutefois en avril 2009, à l'occasion d'un arrêt pour maintenance, les contrôles ont mis en évidence la corrosion circonférencielle du générateur de vapeur dans le réacteur n°3. Son remplacement était prévu par EDF pour l'automne 2010, mais l'ASN s'est opposé à son redémarrage en l'état, survenu seulement le 8 janvier de cette année. L'ASN pointe le manque d'anticipation du groupe électricien. Le rapport relève aussi un départ de feu qui s'est produit dans les bâtiments qui préparent le remplacement des générateurs de vapeur.

Tricastin : un agent brulé et des groupes électrogènes défaillants

19 inspections / 38 incidents (44 en 2009)

Un incident de type 2 sur l'échelle d'INES est à survenu, le 16 février 2011, sur les groupes électrogènes de secours à moteur diesel. Ce sont eux qui prennent le relais de l'alimentation électrique en cas de panne. Chaque réacteur est équipé de deux groupes électrogènes de secours et la centrale compte de plus un groupe électrogène supplémentaire pour l'ensemble du site. Or les coussinets destinés à limiter les frictions entre certaines pièces "étaient potentiellement sensibles" dans les réacteurs 3 et 4 ainsi que sur le groupe électrogène supplémentaire.

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Ce n'est pas tout. "La sécurité des travailleurs s'est fortement dégradée en 2010 avec notamment trois accidents du travail graves", souligne le rapport. Le 19 avril 2010, un agent a été brûlé par un mélange d'eau chaude et de vapeur d'eau dans la sale des machines. Un incident qui met en lumière "un manque de prise de conscience et d'implication des agents et de la hiérarchie". Le rapport regrette "une dégradation générale des conditions de sécurité au travail". Par ailleurs, la centrale nucléaire de l'extrême sud de la région devra améliorer sa protection contre le risque inondation "en cas de crue millénaire majorée" contre lequel elle n'est pas protégée. "Ces travaux, en amont du Rhône, devront être réalisés avant le 31 décembre 2014", précise l'ASN.

Un incident de niveau 2 à Feurs

L'ASN a aussi contrôlé des installations industrielles, et parmi elles un incident de niveau 2 a été constaté au sein de la société Feursmetal, située à Feurs (Loire). Du cobalt radioactif de haute activité était coincé dans la gaine d'éjection d'un gammagraphie. Après une première opération infructueuse, une action a été menée le 27 mai 2010 par des robots qui ont détérioré la source de cobalt, provoquant la contamination de six personnes et des locaux. Leur décontamination prendra plusieurs années.

Gare aux radios et aux scanners

Les centrales nucléaires ne sont pas les seuls sites contrôlés par l'ASN. Rhône-Alpes Auvergne compte aussi 5 installations du cycle du combustible nucléaire, 4 ateliers de logistique ou de maintenance d'équipements nucléaires, 22 services de radiothérapie, 23 services de médecine nucléaire, 500 radiologues et 150 scanners. Bref, l'atome fou est un peu partout autour de nous. Et les Français devraient se préoccuper de doses qu'ils subissent avec leur consentement. L'ASN souligne l'augmentation soutenue des actes d'imagerie médicale, de 57% en France entre 2002 et 2007. Au total, le rayonnement médical par habitant passe en moyenne de 0,83 mSv à 1,3 mSv par an. Ce qui porte à 3,7 mSv l'exposition moyenne par Français. Evidemment ceux qui échappent aux radios et scanner s'en tirent avec une irradiation naturelle de 2,4 mSv/an. Pour contenir cette inflation préoccupante, l'ASN recommande aux médecins de prescrire davantage d'IRM, qui ne mobilise pas la technologie nucléaire. "Il faut considérer le rapport bénéfice/risque de chaque examen médical. Des gens ont intérêt à faire des diagnostics. En radiothérapie, les patients sont fortement exposés, mais il en va de leur survie", nuance Philippe Ledenvic, délégué régional de l'ASN.

(1) Un accident de type 7 est survenu deux fois : à Tchernobyl en 1986 et à Fukushima cette année.

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