TVA à 7 %, Kindle et piratage, le livre papier bientôt mort ?

Le couperet vient de tomber sur le monde de l’édition et des libraires, la TVA du livre devrait passer de 5,5 à 7%. En pleine mutation, le monde de l’édition s’interroge sur les prochaines évolutions du marché. Au-delà du symbole, la hausse de la TVA arrive dans un contexte incertain où les liseuses électroniques et le spectre du piratage se font de plus en plus présents.

Les produits taxés à 5.5 % et n’étant pas de première nécessité voient leur taux de TVA passer à 7%. L’annonce vient de faire l’effet d’une bombe dans de nombreux milieux. Face à une possible crise instillée par le passage au numérique, l’industrie du livre bénéficiant d’un taux réduit s’interroge. Le Syndicat national de l'édition ne tarde pas à réagir et "regrette vivement l’absence de concertation et de coordination préalable à l’annonce de la hausse du taux de TVA du livre de 5.5% à 7%. Le secteur du livre, à l’instar de celui de la presse, amorce une transition sans précédent vers un marché numérique qui peut être destructeur autant que créateur". Ces inquiétudes s’inscrivent dans un contexte particulier. En 2010 ; 268 millions d’ouvrages neufs se sont vendus en France, avec un chiffre d’affaires de 2,8 milliards d’euros. Le best seller de l’année n’est pas un roman mais Je ne sais pas maigrir de Pierre Dukan. Les ventes de romans et d’essais en grand format stagnent avec une progression de 1 % en volume tandis que le livre de poche baisse de 3 %.

Une hausse transparente pour le consommateur ?

Actuellement, le consommateur bénéficie de réductions plus ou moins équivalentes à une exonération de TVA lorsqu’il achète ses livres dans la grande distribution ou sur des sites comme Amazon.fr. De nombreux libraires trouvent eux-aussi des astuces pour proposer le même avantage. Dès lors, les vendeurs vont-ils maintenir ce système, prenant à leur charge les 7 %, ou vont-ils opter pour un taux intermédiaire ? Les choix des plus gros feront certainement la norme. Néanmoins, certains auteurs s’inquiètent déjà de ne pas voir le prix du livre augmenter et craignent de voir les maisons d’édition absorber le surcoût tout en baisant légèrement leur tarif. Conséquences : les rémunérations et droits d’auteurs pourraient logiquement baisser. Les prochains mois seront donc riches en rebondissements, lobbying et autres négociations entre l’ensemble des acteurs du milieu, le gouvernement mais aussi les lecteurs. De nombreuses pétitions demandant un maintien du taux à 5.5 % fleurissent de toute part sur le net tandis que certains soulèvent la pertinence d’un débat sur le qualificatif de "produit de première nécessité".

Le spectre des liseuses numériques

Le livre numérique peine à s’imposer en France. Le rouleau compresseur Kindle d’Amazon, vendu à 99 euros, ne parvient pas à convaincre le grand public qui reste encore aujourd’hui attaché au papier. Actuellement dans l'hexagone, le marché du livre numérique ne représente que 1 % du monde de l’édition. Aux États-Unis, le segment progresse tous les mois, atteignant d’ores et déjà 12%. Les liseuses numériques à encre électronique offrent un confort sans égal tout en pouvant accueillir des milliers d’ouvrages en leur sein. Strictement en noir et gris pour le moment, elles sont parfaitement utilisables en plein soleil et ne fatiguent pas les yeux, contrairement aux tablettes tactiles. Ces dernières prennent l’ascendant pour la lecture de bande dessinée et autres ouvrages illustrés. Des technologies hybrides alliant les qualités des deux types d’appareils devraient apparaitre sur le marché courant 2012, et révolutionneront indiscutablement ce monde en pleine émergence.

Le piratage, véritable ennemi du livre ?

Les plateformes de téléchargements illégales n’ont pas attendu l’arrivée du Kindle d’Amazon en France pour s’imposer. L’une des plus prolifiques vient de souffler sa deuxième bougie et continue de proposer chaque jour son lot de nouveautés. Deux types de livres numériques se distinguent : ceux issus du circuit commercial, nettoyés de toute leur protection, et ceux inédits en format dématérialisé. Scannés ou traduits par des passionnés acharnés, ils comblent un vide et sont parfois retirés des réseaux lorsqu’une version officielle apparait.

Le cas Harry Potter

Ainsi, la saga Harry Potter censée être disponible officiellement en ebook en 2012, circule pourtant depuis de nombreux mois sur les sites de partage. Totalement illégales, ces versions rejoignent les centaines d’ouvrages en théorie introuvables. Comble du système, les traducteurs en herbe choisissent même de prendre les éditeurs de vitesse, fournissant des adaptations françaises de nombreuses semaines avant les sorties officielles ou n’hésitent pas à faire découvrir des ouvrages qui n’auraient jamais été proposés sur le marché français, à l’image d’Atlas Shrugged, publié en 1957 aux États-Unis et disponible depuis 2009 dans une version pirate. Il s’agit là d’un véritable travail de fourmi demandant des heures de labeur. Réunis en équipe, ces copistes contemporains se relaient pour scanner les livres et corriger les coquilles. Les logiciels de reconnaissance de caractères fournis avec les scanners leur facilitent légèrement la tâche. On pensait le livre protégé du piratage par la complexité du transfert au format numérique à partir d’une base papier : il n’en est rien. Les passionnés démontrent qu’ils sont prêts à sacrifier leurs soirées pour partager leurs ouvrages favoris.

Un remake potentiel de l’industrie du disque

Le monde de l’édition et de la vente de livres fait face à un cap majeur qu’il devra mieux franchir que l’industrie du disque sous peine de subir le même sort. Il y a dix ans, tout le monde refusait de troquer sa discothèque contre un simple iPod, prétextant matérialisme et importance de l’objet. Aujourd’hui; les faits sont là. Le disque a été remplacé en partie par le mp3 pourtant de moins bonne qualité sonore. Si l'on fait abstraction de la sensation de tourner les pages et le plaisir de tenir un livre dans ses mains, le livre numérique n’est pas une régression en matière de restitution. La montagne pourrait donc être plus dure à franchir. Le taux de TVA n’aidera effectivement pas à arranger la situation, mais ne doit pas cacher les mutations qui sont en train de se profiler. Des sites proposent déjà l’achat de livres scientifiques aux chapitres, pour le plus grand bonheur des étudiants. Le livre n’est donc pas mort, il est simplement en train d’évoluer et rien ni personne ne peut dire à quoi il ressemblera dans dix ans.

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