Grève des éboueurs : Grand Lyon et syndicats s'empoignent sur la transparence

Polémique - Le Grand Lyon s'arc-boute sur son projet de privatiser la collecte des ordures ménagères à Lyon et Villeurbanne. Les agents sont mobilisés pour la grève. Les syndicats mettent en doute la parole de la direction l'accusant de cacher les arrières-pensées du projet de privatisation.

La décision aux politiques. Aux agents, la tâche de les exécuter sans broncher. En clair et en substance : chacun à sa place. C’est dans cet esprit que s’est tenu, hier, le point presse de Gérard Collomb afin d’évoquer la situation de conflit qui ne cesse de monter entre le Grand Lyon et les fonctionnaires de la collecte d’ordures de ménagères qui menacent de cesser le travail. Un préavis de grève est d’ores et déjà déposé pour le lundi 12 mars, date à laquelle doit se dérouler une assemblée générale.

La journée d'hier, qui devait être celle du dialogue entre partenaires sociaux et direction, a plutôt accouché d'une situation encore plus tendue qu'elle ne l'était. C'est bien la grève qui se profile. Car c'est dans une ambiance délétère que Gérard Collomb a rencontré l'ensemble des organisations syndicales dans la matinée. Une nouvelle réunion est prévue le 9 mars prochain. On se demande bien à quoi cette prochaine rencontre pourrait bien servir ?

Qualité de vie

Gérard Collomb refuse catégoriquement de revenir sur la « privatisation » de la collecte des ordures ménagères sur Lyon et Villeurbanne, laissant les 56 communes de la banlieue à la régie publique. Pourtant, les syndicats ne sont pas opposés à la répartition de la collecte en 50/50 : 50% en régie et 50% au privé. Ils refusent en revanche la répartition géographique consistant à donner au privé tout Lyon et Villeurbanne. Au Grand Lyon, on avance qu'il s'agit d'améliorer la qualité de vie des agents.

Mais les syndicats ne croient pas à l'argument du "c'est pour ton bien mon enfant". "On voulait satisfaire une revendication ancienne des agents d'avoir un samedi travaillé sur deux. À Lyon et Villeurbanne, il y a une collecte six jours sur sept. C'est donc là où il n'y a pas de travail six jours sur sept, à la périphérie, que l'on rabat les cartes", explique Gérard Collomb.

Pour les organisations syndicales, il s'agit d'un mensonge. "Cette affaire d'un samedi travaillé sur deux fait partie d'un protocole d'accord qui date de 2003 et que Gérard Collomb n'a jamais respecté. Donc qu'il ne vienne pas nous dire aujourd'hui que le projet de privatisation sert ce protocole d'accord vieux depuis presque dix ans !" s'agace Lotfi Ben Khelifa, représentant de l'intersyndicale. Mais dans ce projet de privatisation, il y a plusieurs matière à surprises.

Tonnages

Le grand débat se concentre sur les tonnages. Les entreprises sont en effet payées à la tonne collectée. Dans le projet du Grand Lyon, il y aurait une quasi égalité de tonnage entre la régie publique et les entreprises. Les estimations de la communauté urbaine établissent que les entreprises privées récolteront 186 947 tonnes (50,5% du tonnage) et la régie collectera 183 134 tonnes (49,5%). Les représentants de l'intersyndicale alerte sur une tromperie. "Les tonnages données en cadeau aux entreprises sont plus gros que ça", souffle une source syndicale. Car si Gérard Collomb dit vouloir donner le cœur de l'agglomération au privé, il ne dit qu'une partie de la vérité selon les syndicats.

Il y aurait un jackpot secret caché dans le lot n°4 des marchés de collecte lancés en décembre dernier. Ce marché donne en effet l'occasion de collecter les silos enterrés qui sont répartis dans toute l'agglomération. "Il y a déjà un mensonge dans la répartition géographique de la collecte. Les entreprises ne collecteront pas seulement à Lyon et Villeurbanne mais feront également la collecte en banlieue grâce aux silos", explique Djamel Mohamed de la CGT. "Les silos, ce sont les plus gros tonnages. Pour Suez, Veolia et consorts, le jackpot, il est là !", souffle ce représentant de l'intersyndicale.

Passe-passe

Lors de la rencontre avec les organisations syndicales hier matin, Gérard Collomb ne s'est pas trompé sur les arrières-pensées des partenaires sociaux à qui il aurait lancé : "ben allez-y, dites ce que vous savez puisque vous jetez la suspicion". La plupart des représentants syndicaux se demandent ce que cache cette réorganisation de la collecte des ordures ménagères et ce pont d'or fait au privé. Ils n'oublient pas que, parallèlement, se renégocie les contrats de la distribution et de la production de l'eau avec Veolia et le groupe Suez.

Les deux géants mondiaux devraient voir leur lucrative présence sur l'eau des lyonnais se réduire comme peau de chagrin. Pour l'heure, les organisations syndicales fantasment donc sur le tour de passe-passe que serait cette réorganisation de la collecte des ordures ménagères permettant à "Veolia et Suez de conserver les beaux bénéfices perdus dans la distribution de l'eau", fulmine ce syndicaliste. Entre direction et syndicats, entre ceux qui fantasment et ceux qui sont droit dans leurs bottes, la situation est bloquée et la grève quasi-assurée.

La direction se rappelle que lors de la grève de 2005, les agents du Grand Lyon n'avaient rien obtenu et espère rééditer ce coup de force. Chez les syndicats, l'échec la grève de 2005 est aussi dans les mémoires. Mais ses enseignements également.

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