JUSTICE – Durant deux semaines, la cour d’assises du Rhône juge les auteurs présumés de l’opération commando de la place des Géants à Grenoble qui a fait deux morts et trois blessés le 31 octobre 2007. En filigrane de ce procès, c’est la questions des règlements de comptes et des assassinats qui a touché le milieu grenoblois qui se pose.
A la fin des années 2000, Grenoble a vu ses gangs s’entretuer pour le contrôle du marché de la drogue. Un épisode de cette période particulièrement meurtrière sera jugé à partir d’aujourd’hui et durant deux semaines devant la cour d’assises du Rhône. Un procès sous haute sécurité. C’est le deuxième de cette guerre des gangs qui se tient à Lyon. Le premier avait eu lieu en avril 2011 pour la tuerie de Champagnier (Isère). Un troisième procès se tiendra en avril devant les assises du Rhône pour le meurtre spectaculaire de Sghaïr Lamiri, abattu le 28 septembre 2008 dans la cour de promenade de la maison d’arrêt de Varces par les tirs d’un sniper qui se trouvait sur une colline surplombant la prison.
Trois procès qui se font échos tant les faits se superposent et s’entremêlent à travers la rivalité de deux clans qui se sont faits justice par les armes. Le clan de l’Alma et celui de la Villeneuve se sont livrés à une vendetta sanglante qui a une double origine : un assassinat et un acquittement. C’est en 2007 que la série de règlements de compte démarre. Au début de l’année, Miloud Hairane est acquitté au bénéfice du doute du meurtre de Lasaad Lamiri (le frère de Sghaïr) abattu devant son domicile en janvier 2003. L’acquittement pour ce meurtre impuni marquera le début d’une hécatombe.
Guerre de clans
A partir de ce lundi 12 mars, ce sont deux membres du « clan de l’Alma » qui se retrouvent sur le banc des accusés : Oualid Mokrane et Hamdi Khadraoui. Ils sont accusés d’avoir participé au commando de la place des Géants à Grenoble le 31 octobre 2007 qui a causé la mort de Christophe et Frédéric Morival, deux frères membres du clan de la Villeneuve. Ce jour-là, plusieurs autres personnes ont été blessées par un groupe de quatre individus équipés d’uniformes de la police nationale. Des témoins parleront de quatre hommes en tenue du GIPN. C’est la découverte de traces de sang sur les lieux de la fusillade qui a permis de confondre Hamdi Khadraoui. Quant à Oualid Mokrane, son nom revient dans des écoutes téléphoniques et les conversations de parloirs de Hamdi Khadraoui, échanges qui ont été sonorisés. Le troisième membre du commando, un dénommé Ratus, ainsi que le chauffeur du véhicule n’ont jamais été identifiés.
Silence
L’attaque de la place des Géants semble être une opération de vengeance en réponse à la fusillade de Champagnier près de Grenoble où, quelques mois plus tôt, en avril 2007, Ali Khadraoui (le frère d’Hamdi) était tué par un commando de cinq à sept hommes. Oualid Mokrane s’est également retrouvé sous le feu de ce commando à Champagnier d’où il a échappé à cette tentative de meurtre et a été gravement blessé.
Lors de la phase d’instruction, Hamdi Khadraoui est resté silencieux sur son implication dans l’opération de la place des Géants refusant de répondre aux questions des magistrats ou de participer à la reconstitution des faits. Il a expliqué qu’il souhaitait réserver ses explications pour le procès d’assises, notamment sur sa supposée blessure lors de la fusillade qui expliquerai la présence de son sang sur les lieux du crime. D’ailleurs, il s’agira sans doute d’un des enjeux du procès qui s’ouvre aujourd’hui puisque les différentes expertises médicales n’ont pas permis d’établir avec certitude si Hamdi Khadraoui présentait des signes de blessure par balles. Son sang a été retrouvé sur les lieux mais les médecins ne peuvent dire s’il a été blessé par balles.
11 morts
Mais la figure d’Hamdi Khadraoui outrepasse déjà ces deux semaines d’audience d’assises qui s’ouvre. Car dans le procès du sniper de la maison d’arrêt de Varces qui aura lieu fin avril à Lyon, l’un des proches de Khadraoui, Mourad Bouziane, sera sur le banc des accusés pour être le commanditaire présumé du meurtre de Sghaïr Lamiri. Dans une écoute téléphonique du 17 décembre 2008, Hamdi Khadraoui fait reproche à Mourad Bouziane « d’avoir fomenté le meurtre de Sghaïr Lamiri avant sa propre évasion » selon des éléments de l’ordonnance de renvoi. Alors qu’il était en détention à la prison du Pontet (Vaucluse), Hamdi Khadraoui devait bénéficier d’un projet d’évasion pour lequel Oualid Mokrane aurait recruté Marcel Egea, lequel est le sniper présumé du meurtre de la prison de Varces qui comparaîtra également fin avril.
Derrière la fusillade de la place des Géants, ce sont des épisodes de la guerre des clans qui s’entrechoquent. Celui de la place des Géants en est un parmi beaucoup d’autres. Au total, ces différents épisodes ont fait onze morts.