"Confier toute la collecte des ordures au privé"

Treizième jour de grève pour les éboueurs. Alors que le conflit s'éternise, que le tribunal de grande instance de Lyon s'est fendu, jeudi 22 mars, d'une décision rendant moins aisé l'exercice du droit de grève, Denis Broliquier, maire (Divers droite) du 2e arrondissement de Lyon, souhaite la fin de la régie publique de collecte. Il appelle aussi à une remise en cause de la règle du fini-parti.

LyonCapitale.fr : Vous avez appelé le Grand Lyon à plus de fermeté dans la gestion du conflit social. Qu'auriez-vous fait à la place de Gérard Collomb?

Denis Broliquier : D'abord j'aurais parlé avec les syndicats avant de lancer l'appel d'offre. Il est logique que le retournement de Collomb, qui avait promis ne pas revenir sur cette répartition, soit mal vécu par les agents. Deuxièmement, je n'aurais pas retiré la procédure en référé devant le tribunal, comme Gérard Collomb l'a fait lundi dernier. Des camions avaient été abîmés, des entraves au droit du travail, constatées. Quand on est droit dans ses bottes, on ne commence pas à tergiverser surtout lorsque l'on sait que le nombre de grévistes est inférieur à la moitié du personnel. Le droit de grève existe et ceux qui le souhaitent peuvent l'utiliser. En revanche les 54 ou 56 % de salariés qui veulent travailler, on les laisse travailler y compris par la force.

Quelle est votre position concernant la répartition de la collecte des ordures portée par le Grand Lyon, qui prévoit que les centre-ville de Lyon et Villeurbanne tomberont dans le giron des prestataires privés et que les 57 communes du Grand Lyon seront gérées par la régie publique?

Je suis un élu pragmatique, gestionnaire d'argent public et garant de l’intérêt du contribuable lyonnais. A ces titres, je regarde quelles sont les meilleures solutions pour la collecte des ordures ménagères. Depuis des années, la communauté urbaine de Lyon a décidé que la moitié de la collecte serait effectuée par le privé et que l'autre moitié le serait par le public. Cette répartition version Yalta avait peut-être un sens il y a 30 ans mais plus aujourd’hui. On s'arc-boute sur la règle du 50/50 comme sur un principe fondamental alors que ce qui doit être pris en compte c'est, premièrement la qualité du service que l'on veut; deuxièmement, le prix auquel ce service est rendu et, troisièmement, si ce service respecte les objectifs du Grenelle de l'environnement, c'est-à-dire la réduction de la production des déchets ménagers.

Qui remplit le mieux ces critères ?

Aujourd'hui la tonne ramassée par le public revient à environ 140 euros alors que, collectée par le privé, elle revient à environ 70 euros. Mais il faut savoir que le privé est tenu à des engagements contraignants vis-à-vis du Grand Lyon et qu'il ramasse pratiquement à perte. La différence de prix est telle qu'aujourd'hui il faut se poser la question de savoir s'il y a une réelle différence qualitative entre les deux. Les syndicats disent que les salariés du privé sont mal payés, usés par des conditions de travail déplorables mais les salariés du privé ne disent pas la même chose. C’est un travail difficile, certes.

Mais ils s’y retrouvent dans les horaires, l'organisation du travail et le bulletin de salaire. Pourquoi vouloir maintenir à tout prix la règle du 50/50 alors que visiblement, à qualité égale, on a des différences de tarifs qui sont extraordinaires ? En l'état actuel, il serait logique de confier toute la gestion de la collecte des ordures au privé. Mais ce n’est pas la seule question. Il faut revoir l’ensemble de la politique de gestion des déchets : quid de la redevance spéciale, de la mise en œuvre du principe "pollueur-payeur" inscrite dans le Grenelle de l’Environnement, d’une véritable volonté de réduction des déchets… ?

La brigade financière a ouvert une enquête sur des faits supposés de corruption à la direction de la propreté du Grand Lyon qui pourrait avoir favorisé les prestataires privés en matière de tonnages. Qu'en pensez-vous ?

Je n'ai aucune information précise à ce sujet. Je ne dispose que des informations que j'ai lues dans Lyon Capitale. J'ai tout de même fait une enquête pour essayer d'avoir des précisions à partir du moment où la presse nous a alertés sur ces questions mais je n'ai toujours aucun élément probant. Une chose est certaine : il faut plus de transparence sur l’ensemble des comptes. La Cour des comptes l’a elle-même souligné.

Comment vous positionnez-vous par rapport à la règle du fini-parti selon laquelle les éboueurs peuvent quittent leur travail en avance dès lors qu'ils ont terminé leur mission?

Jeudi, j’entendais un représentant syndical dire que les éboueurs ne demandaient pas la règle du fini-parti. Je doute que ce soit un avis partagé majoritairement. Leur journée commence à 6h et s’achève au grand maximum à 11h mais c’est un maximum… Travailler à l'extérieur de Lyon, signifierait travailler plus loin, donc, mettre plus de temps pour revenir au dépôt… Comme le 50/50 privé public, il faut remettre la question du fini parti sur la table. C'est avant tout une question de santé car les éboueurs se dépêchent de terminer leur travail ; ils se cassent le dos, se fatiguent plus vite. Et plus ils sont jeunes, plus ils veulent aller vite et plus il y a d’accidents. Les statistiques médicales de la médecine du travail le prouvent.

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