ANALYSE - Au lendemain du premier tour, François Hollande reste le grand favori. Il vire en tête avec 1,5 point d'avance sur Nicolas Sarkozy. Agréablement surpris par le score du président-candidat à Lyon et dans le Rhône, les élus locaux de l'UMP, Philippe Cochet et Michel Forissier numéro 1 et 2 du parti, se mettent à croire en une victoire au second tour. Ils draguent donc les électeurs frontistes. Une démarche qui n'inquiète pas les socialistes confiants.
(Résultats complets à la fin de l'article).
Nicolas Sarkozy dévisse mais n'explose pas. Tel est le constat qui s'impose au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle. François Hollande continue sur sa lancée des primaires et passe les embûches les unes après les autres sans avoir besoin se découvrir. " Les 15 jours qui viennent ce n'est que du bonheur. François Hollande n'a plus le choix : il s'est caché pendant des mois et là il va devoir sortir de son trou", se délecte Philippe Cochet, député-maire de Caluire et patron de l'UMP du Rhône. François Hollande mène une campagne de favori : prudente par nature. Nicolas Sarkozy n'a toujours pas prise sur un adversaire "rond".
La dynamique du premier tour penche nettement en faveur de du député corrézien. "Autour de lui, Nicolas Sarkozy avait fait le vide en écartant les candidatures de Boutin, Villepin, Morin et il pointe trois points derrière nous alors que François Hollande devait affronter une concurrence forte avec Jean-Luc Mélenchon, analyse Jacky Darne, le patron de la fédération PS du Rhône. Les courbes des sondages s'étaient croisées il y a quinze jours, ce soir (dimanche), nous sommes repassés devant". En recul par rapport à 2007, l'UMP savourait pourtant cette soirée électorale avec plaisir. Comme si Nicolas Sarkozy revenait de nulle part. Dans la semaine, les élus locaux avaient montré des signes d'inquiétude. Les résultats des DOM-TOM parvenus dans les QG dès dimanche après-midi laissaient présager le pire : une explosion de Nicolas Sarkozy. Les premiers résultats métropolitains tombés, la droite a repris espoir, réagissant comme si une seconde chance leur était donnée.
Les 18% de Marine Le Pen autorisent l'UMP à rêver
Grâce au score surprise de Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy peut espérer, pendant encore deux semaines, inverser la courbe de sondage qui ne l'ont jamais donné à moins de six points de François Hollande au second tour. Cet espoir s'articule toutefois autour d'un parti avec lequel aucune alliance ne semble possible. Au siège de l'UMP lyonnais, les 20% de Marine Le Pen ont été salués de discrets applaudissements chez les jeunes populaires. "Nous sommes beaucoup mieux que ce que l'on aurait pu imaginer il y a quelques jours. Nous avons finalement de bonnes réserves de voix ce qui n'aurait pas été le cas avec un Mélenchon à 15%", note Michel Forissier, maire de Meyzieu et secrétaire départemental de l'UMP. "Pour être honnête, il y a quelques jours, je pensais que Nicolas Sarkozy serait plus loin derrière François Hollande", abonde Philippe Cochet.
Le vote FN s'avère paradoxal pour l'UMP. Il porte en lui les espoirs d'une réélection ainsi qu'une partie de l'échec de Nicolas Sarkozy. En 2007, le candidat UMP réalisait un score de six points supérieur. Le Front National emmené par Le Pen père recueillait 8 points de moins. À l'époque, Nicolas Sarkozy avait su trouver les mots pour s'adresser aux protestataires, aux anxieux qui forment aujourd’hui le corps électoral de Marine Le Pen. Lyon Capitale qui était parti il y a un an à la rencontre des électeurs du FN avait découvert une France qui se demandait où était passé le Kärcher promis en 2007, le "travailler plus pour gagner plus", l'immigration maîtrisée.
L'entrée en campagne très à droite n'a pas payé
Les premières semaines de l'entrée en campagne du Nicolas Sarkozy de 2012 se sont positionnées à la droite de l'UMP : sortie de l'espace Schengen qui prévoit la libre circulation sur le territoire européen, polémique sur la viande halal. La fin de campagne du président-candidat qui a martelé sa volonté de parler à la France silencieuse, celle dont personne n'écoute la souffrance, n'a pas trouvé écho auprès du vote protestataire. Rien n'y a fait, les déçus du quinquennat de Nicolas Sarkozy ont choisi Marine Le Pen. Au local de campagne du FN, les premiers militants avec qui ont conversé nos envoyés spéciaux ont dores et déjà annoncé qu'ils s'abstiendraient le 6 mai. "Le socre très élevé de Marine Le Pen dénote un ras-le-bol général chez les jeunes qui ne trouvent pas d'emploi et ne sont pas écoutés et chez une frange de la population qui vit mal la vie partagée avec les populations issues de l'immigration", analyse Fabienne Lévy, conseillère municipale Radical Valoisien à Lyon. L'équation du second tour s'avère compliquée. L'anti-Sarkozysme est très prégnant chez les électeurs de Marine Le Pen. "Un grand nombre d'entre eux voteront pour nous. Ils sont peut-être déçus de Nicolas Sarkozy mais ils n'iront pas jusqu'à voter pour la gauche", avance Michel Forissier. L'opération séduction a déjà commencé et même les représentants du courant centriste à droite, comme Fabienne Lévy s'y mettent : "la campagne ne va pas se radicaliser mais se recentrer sur la sécurité et de l'immigration qu'on le veuille ou non".
Françoise Grossetête assimilait, elle, les thèmes favoris de Marine Le Pen :"Nous irons chercher les électeurs du FN. Nous leur parlerons, nous les rassurerons et répondrons à leurs attentes. Entre François Hollande et Nicolas Sarkozy, il y a des divergences sur la politique industrielle, l'immigration et le droit de vote des étrangers. J'entends les analystes que pour la première fois un président sortant ne vire pas en tête mais ils oublient que Nicolas Sarkozy et la France vivent une période de crise d'une violence inouïe. Dans le combat du 1er tour, neuf candidats étaient ligués contre Nicolas Sarkozy. Et il n'a eu aucun soutien dans les médias. Les sondeurs annonçaient Jean-Luc Mélenchon devant Marine Le Pen mais j'étais persuadé que son score était sous-évalué". La stratégie est claire, ses chances de réussite nettement moins. Un sondage Opinion Way-Fiducial pour Le Figaro donne ce lundi les tendances du report des voix des candidats éliminés. Pour ceux de François Bayrou, ils semblent se destiner vers la gauche (34%) comme la droite (37%). Chez Éva Joly et Jean-Luc Mélenchon, l'alliance entre candidats est respectée par les électeurs (77% de vote Hollande chez les deux corps électoraux). Les électeurs de Marine Le Pen ne sont que 17% à se reporter vers François et ils sont 37% à se déclarer en faveur de Nicolas Sarkozy. Ce scénario conduirait à la défaite, sans appel, de la droite.
Le FN part à la chasse de l'UMP
Jubilant du haut des 18% de sa candidate, Christophe Boudot, secrétaire départemental du parti Front, se projetait, narquois dans l'avenir. Au QG du FN, il imaginait les siens faire leur retour à l'Assemblée nationale. Quelques minutes plus tard, à la Préfecture, il inversait les rôles en se proclamant chasseur : "L'UMP ne survivra pas à la déliquescence de Nicolas Sarkozy. Des pans entiers de l'UMP vont se décrocher et venir dans notre rassemblement national. Nicolas Sarkozy n'est que trois points devant nous. Les consignes de vote seront donnés le 1er mai. Ne pas en donner, c'est déjà s'exprimer". La course aux électeurs du FN peut aussi sonner le glas du ralliement des centristes de Bayrou. Le béarnais est allé au bout de sa stratégie indépendantiste. Elle l'a conduit droit dans le mur mais ses 10% aiguisent les appétits. Redoutable politicien, Nicolas Sarkozy devra jouer finement sa partition de l'entre deux tours.
Hollande dispose d'un report de voix plus sur
François Hollande se présente, lui, avec une famille déjà rassemblée à laquelle il veut adjoindre François Bayrou. Les pièces rapportées (Europe Écologie et le Front de Gauche) n'entretiennent pas des rapports toujours simples avec le PS mais leur soutien a été annoncé depuis longtemps. Les reports de voix semblent plus mécaniques qu'à droite. La dynamique est du côté du candidat socialiste. Depuis trois mois, les sondages lui donnent toujours une petite dizaine de points d'avance sur Nicolas Sarkozy au second tour. Les premières projections réalisées après le premier tour ne disent d'ailleurs pas autre chose. François Hollande a traversé les primaires socialistes sans se découvrir. Il a récidivé le 22 avril. "Nicolas Sarkozy avait fait de son arrivée en tête au premier tour sa stratégie de campagne, espérant créer un choc. François Hollande a gagné son pari. Il a affirmé durant la campagne une hauteur de vue. Les Français, après avoir été secoués pendant 5 ans, ont envie de changement", lisait Jean-Jack Queyranne dans les résultats du premier tour.
"Les résultats, au global, montrent un désaveu cinglant pour le Président de la République. C'est la première fois qu'un président sortant n'arrive pas en tête. François Hollande a mené une campagne marathon. Il a tenu le cap. On aborde le second tour dans de bonnes conditions", analysait Jean-Paul Bret, maire socialiste de Villeurbanne. Alors que l'UMP drague le FN, les socialistes se permettent même d'aborder leurs relations avec le Front de Gauche avec applomb. "Des signaux ont déjà été envoyés à tous les électeurs de gauche, il n'est pas question de négocier avec Jean-Luc Mélenchon sur le projet de François Hollande. Le score de François Hollande montre la volonté de changement et l'adhésion à son programme. Et le rejet massif de la politique de Nicolas Sarkozy faite d'injustice et d'inefficacité. L'espérance est du côté de la gauche", assène Pierre-Alain Muet, député socialiste de la Croix-Rousse. Le camp socialiste a gagné du temps en enregistrant dès dimanche soir le ralliement de Jean-Luc Mélenchon et d'Éva Joly. Favori des sondages et maintenant des urnes, François Hollande a tout à perdre durant les treize prochains jours. Il a démontré jusqu'à présent sa capacité à éviter les pièges. Le profond rejet de Nicolas Sarkozy reste son meilleur carburant. Au lendemain du premier tour, la France semble mûre pour l'alternance.
Résultats nationaux :
François Hollande : 28,63%
Nicolas Sarkozy : 27,18%
Marine Le Pen : 17,90%
Jean-Luc Mélenchon : 11,11%
François Bayrou : 9,13%
Éva Joly : 2,31%
Nicolas Dupont-Aignan : 1,79%
Philippe Poutou : 1,15%
Nathalie Arthaud : 0,56%
Jacques Cheminade : 0,25%
Résultats dans le Rhône :
Nicolas Sarkozy : 30,77%
François Hollande : 26,91%
Marine Le Pen : 15,09%
Jean-Luc Mélenchon : 10,74%
François Bayrou : 10,30%
Éva Joly : 2,90%
Nicolas Dupont-Aignan : 1,72%
Philippe Poutou : 0,84%
Nathalie Arthaud : 0,48%
Jacques Cheminade : 0,26%
Résultats à Lyon :
Nicolas Sarkozy : 30,54%
François Hollande : 30,25%
Jean-Luc Mélenchon : 11,83%
François Bayrou : 10,66%
Marine Le Pen : 9,87%
Eva Joly : 4,09%
Nicolas Dupont-Aignan : 1,35%
Philippe Poutou : 0,76%
Nathalie Arthaud : 0,40%
Jacques Cheminade : 0,26%
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