Le flamenco de Rocio Molina©Julio Calvo
Le flamenco de Rocio Molina©Julio Calvo

Maison de la danse : un vent nouveau

Ce vent nouveau que l’on attendait depuis plusieurs années débarque enfin à la Maison de la danse et c’est sa nouvelle directrice, Dominique Hervieu, qui le porte.

De l’inédit et du changement !

Le premier changement est celui du visuel du programme qui délaisse des images - auparavant lisses et séductrices - du corps dansant, pour aller titiller la jeunesse, l’énergie et le mélange des codes de la danse. Un visuel qui joue aussi sur le virtuel et le réel, symbolisant le développement des technologies qui accompagnent cette nouvelle saison. Dominique Hervieu ne déroge pas à cette règle qui a fait le succès de la Maison de la danse en gardant des valeurs sûres tels : Käfig, le Ballet de Genève, le Nederlands Dans Theater, Saburo Teshigawara…, mais elle programme surtout seize compagnies qui ne sont jamais venues à Lyon, illustrant tous les styles de danse. Et c’est ça qui va nous faire un bien fou !

Voir enfin d’autres choses. Voir aussi des artistes dont il était aberrant qu’ils ne soient jamais programmés. Elle donne également sa confiance à de jeunes créateurs émergeants comme Yoann Bourgeois, avec sa magnifique danse vertigineuse, à ceux qui en dehors de toute médiatisation - Najib Guerfi, Bouba Landrille Tchouda - n’ont jamais lâché. Sans oublier d’aller chercher ceux qui détournent et affinent un genre chorégraphique : le Brésilien Bruno Beltrao et son hip-hop sans concession ou l’Espagnole Rocio Molina et son flamenco avant-gardiste, en shorty noir et sans robe à traîne.

Deux événements marquent la saison

« Le boom des années 80 »

La grande intelligence de cette programmation - et on attendait cela depuis longtemps - est qu’elle pose un regard pédagogique et reconnaissant sur l’explosion de la danse contemporaine en France et en Europe, celle des années 80. Un avènement qui finalement n’est pas si loin de nous. Trois œuvres de cet immense chorégraphe qu’est Jean-Claude Gallotta seront présentées afin d’appréhender l’évolution de son travail, de 1982 à 2012, mais aussi toute la révolution - bouleversante et inoubliable - qu’il a menée dans l’histoire de la danse. On verra Welcome to paradise, le splendide duo créé en 1989, par le plus célèbre couple de l’époque : Régis Obadia et Joëlle Bouvier. Avec la violence et l’engagement de leur danse, le rapport homme/femme sur scène est définitivement sorti de l’esthétisme et de la distance. Scandaleusement absente de la Maison de la danse, la Belge Anne Teresa de Keersmaeker sera de retour avec quatre superbes pièces (de 1982 à 1987).

Ce sera l’occasion de redécouvrir tout le génie de son travail développé autour de l’art de la composition chorégraphique et musicale. Ce large focus sur des chorégraphes majeurs sera ainsi reconduit à chaque saison. Cerise sur le gâteau, la présence de la chorégraphe Josette Baïz qui mène depuis 20 ans, à Aix en Provence, un travail extraordinaire avec son groupe Grenade, composé de jeunes de 9 à 23 ans et qui dansent tous comme des pros. Sept chorégraphes dont Abou Lagraa, Gallotta, Preljocaj et Decouflé, leur ont offert une pièce de leur répertoire, situé entre 1985 et 2001. Une formidable histoire de transmission entre générations, à voir par tous les publics.

Un mini festival : "La Maison sans dessus dessous"

Tout au long de l’année, on allait gentiment au Studio Jorge Donn, pour découvrir des créateurs expérimentant de nouveaux territoires artistiques. Dominique Hervieu transforme cette programmation - trop discrète - en un mini festival qui se déroulera sur plusieurs jours, au mois de Juin, investissant le studio mais aussi la grande scène. Une initiative réjouissante qui devrait permettre une meilleure visibilité de ces artistes, souvent un peu… fous ! On citera Thierry Collet, homme de théâtre et magicien mentaliste, et les Belges de la Cie Fabuleus qui, à la fin du festival, feront danser les spectateurs sur le plateau transformé en dancefloor.

Le web accompagne le spectateur… encore plus !

Lancé en Février 2011, par Charles Picq, vidéaste de la Maison de la danse, Numeridanse.tv est aujourd’hui l’unique vidéothèque internationale de danse en ligne, existant au monde. Elle va accompagner les spectateurs dans l’actualité chorégraphique, la découverte de l’histoire de la danse et des chorégraphes programmés. Ils pourront, par exemple, découvrir l’œuvre intégrale de Jean-Claude Gallotta. Autre nouveauté, à côté des nombreuses conférences, projections de films et discussions avec les artistes, les spectateurs pourront accéder sur le site de la Maison, à « La minute du spectateur ». Une sorte d’antisèche qui éclaire en images sur le travail du chorégraphe - visible 15 jours avant la première représentation d’une pièce. Elle sera également accessible, avec un smartphone, par le biais d’un flashcode incrusté sur chaque page du programme et qui permettra aussi de visionner les vidéos de numeridanse. Deux nouveautés encore : la possibilité de réaliser son abonnement sur internet (avec cette année, une liberté totale dans le choix des spectacles) et la création d’un abonnement spécial moins de trente ans, à 33 euros pour trois spectacles.

Un projet qui a une grande cohérence artistique et pédagogique

Il est clair que Dominique Hervieu veut faire bouger cette Maison, en faire un lieu d’ébullition où les émotions et les pensées s’échangent jusqu’à en imprégner la Cité. Elle veut élargir son public, le rajeunir aussi, tout en sauvegardant la mémoire de la danse et en développant l’acuité du spectateur. Et si cette programmation est à ce point enthousiasmante, c’est parce qu’elle incarne un projet pour la danse à Lyon qui révèle une grande cohérence artistique et pédagogique. Bourré de générosité, il semble tracer le chemin qui mènerait à la Maison de la danse, troisième génération, et dont la création pour 2018 vient d’être actée par le Maire, Gérard Collomb.

Réservations - www.maisondeladanse

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