Jacques Comby

Le nouveau président Jacques Comby : "Je veux qu'on pense autre chose de Lyon III"

INTERVIEW – Le nouveau président de l'université Jean-Moulin Lyon III, Jacques Comby, fraîchement élu le 15 mai, répond aux questions de Lyon Capitale. Il promet d'être le président de "toutes les composantes" pas seulement des disciplines reines que sont le droit et la gestion. Comme Hollande, il promet aussi d'être un président exemplaire, mais avoue n'avoir pas encore eu le temps de se pencher sur "les dossiers" révélés par Lyon Capitale en septembre dernier. Un an après le retour de Gollnisch, il affirme enfin qu'il sera extrêmement vigilant par rapport aux réseaux d'extrême-droite à l'université.

Lire aussi : La gestion contestée du président de Lyon 3, enquête publiée en septembre 2011 par Emmanuelle Sautot dans le mensuel Lyon Capitale.

Lyon Capitale : Votre élection n'a pas été de tout repos. Vous avez dû faire face à une liste d'opposants acharnés qui a même déposé un recours contre vous. Cette campagne va-t-elle laisser des traces à l'université selon vous ?

Jacques Comby : Je n'ai pas l'intention qu'elle en laisse car sur toutes les questions qui font référence au passé, je préfère les laisser derrière nous. Je souhaite travailler pour l'avenir aussi j'aimerais faire solde de tout compte. Nous avons des enjeux très lourds à gérer. J'ai déjà mon programme depuis longtemps, mis en pratique en partie lorsque j'étais au poste de vice-président à la recherche dans le mandat précédent. Le moment électoral est toujours un moment très difficile mais c'est aussi un moment d'échange. Pendant la campagne, j'ai présenté mon programme aux différentes composantes et unités de recherche de l'université. ce fut aussi une occasion de discuter avec elles, de le nourrir. Certains parlent de "moment électoral", je suis au delà maintenant. Il faut aller de l'avant et tous ceux qui voudront travailler avec moi à l'avenir de l'université seront les bienvenus.

Vous êtes professeur de géographie, quelle place accorderez-vous aux sciences sociales et aux lettres qui se sentent parfois menacées à Lyon III, notamment les petites sections ?

Elles ont tort de se sentir menacées, encore plus maintenant. Le droit et la gestion sont certes deux grandes composantes, incontournables à Lyon III ainsi que les langues. C'est ce qui nous distingue de Lyon II. Il est vrai que par rapport à Lyon II, les sciences sociales apparaissent plus petites. Mais je suis le président de toutes les composantes. Nous ne solderons pas plus les lettres que n'importe quelle autre composante sous ma mandature.

Le Droit et la gestion ne sont donc pas toutes puissantes ?

Elles sont puissantes bien sur, mais pas toutes puissantes. Elles sont essentielles, elles font partie de l'originalité et de la singularité du site de Lyon III. Elles nous permettent de nous distinguer de Lyon II. Mais elles ne doivent pas être privilégiées par rapport aux autres.

Lyon I, Lyon II, Lyon III ont-elles un sens aujourd'hui, ne faudrait-il pas supprimer les doublons qui existent dans les formations proposées par les universités lyonnaises ?

Au contraire, Lyon I, Lyon II et Lyon III ont un sens, oh combien ! Dans l'avenir, on peut imaginer qu'elles disparaissent mais ce sont les établissements et leur CA qui le décideront car ce sont eux qui construisent l'avenir en travaillant à un accroissement des collaborations, en travaillant à des rapprochements. Si on les suppriment maintenant, qui fera ce travail ?

Vous proposez donc de laisser du temps au temps ?

Le temps est déjà en marche. Il n'y a pas que les établissements qui peuvent se rapprocher et trouver les moyens du rapprochement. Nous avons aussi des personnels extrêmement nombreux qui travaillent déjà à trouver les moyens de collaborer ensemble. La décision viendra de la base, elle ne viendra pas du haut pour s'imposer en bas. Nous avons à gérer des universités performantes qui se donnent une reconnaissance mais aussi des vies humaines et des étudiants, 24 000 étudiants et 1200 personnels administratif et enseignant à Lyon III. Nous sommes les mieux placés , avec nos personnels, pour gérer cette situation.

Quels seront vos principaux chantiers à la tête de Lyon III ?

Certains dossiers s'imposent comme l'autonomie, il faut les assumer. On a pris un peu d'avance par rapport à d'autres. L'autonomie, Lyon II doit la réaliser. Moi, d'autres l'ont mise en place avant moi. Maintenant, je dois la faire vivre car elle n'est que partielle. Ce ne sera pas simple. Le pari est de créer une nouvelle autonomie réalisée, stabilisée. Une nouvelle université. Une université moderne qui innove qui a de l'ambition, qui n'a pas peur de s'ouvrir à l'extérieur et qui se donne les moyens. La dotation [de l'Etat] n'a pas vocation à augmenter dans les années à venir.

Nous sommes dans une période d'incertitude après la présidentielle mais il ne faut pas être naïf, rien ne présage de très grand changement dans la gestion des universités dans les cinq prochaines années. C'est donc à nous de nous donner les moyens de la souplesse. Il y a une tradition d'ouverture à Lyon III sur le milieu socio-économique. Nous allons la développer. J'utilise souvent le terme mais si l'on veut s'agrandir, se développer, il faut renforcer notre rôle. Je tiens beaucoup à renforcer notre rôle avant de renforcer notre place. Or pour renforcer ce rôle, je pense qu'il nous faut trouver les moyens dans le monde socio-économique. L'expansion, le développement passera forcément par lui selon moi.

Le PRES de Lyon et son échec lors de l'appel à projet IDEX, qu'en pensez-vous ? Les universités lyonnaises pourront-elles travailler ensemble un jour dans l'intérêt du territoire ?

Le projet IDEX s'est soldé par un échec en terme de résultat dans un premier temps, mais dans un deuxième temps, nous avons eu le prix grâce à François Fillon, on a signé la pré-convention. En dehors de cet outil, le deuxième point très positif, c'est la construction de l'Université de Lyon. Elle a permis aux chercheurs de se rencontrer, de créer de nombreuses synergies. Et puis, cela a permis d'aboutir à des résultats concrets (labex, equipex, cohortes...). Les projets, même ceux qui n'ont pas été retenus, se poursuivent actuellement, notamment en sciences sociales (Intelligence des Mondes urbains, ASLAN, etc). Il y a beaucoup de réussite dans cette construction et une vraie volonté des chercheurs du site de Lyon / St-Etienne de travailler ensemble (Lyon I, Lyon II, Lyon III et l'université de St-Etienne). Une remarquable entente. Cette synergie est très importante.

Ce n'était pas le cas avant ?

Avec Lyon II, on n'a jamais été aussi proche qu'aujourd'hui.

Vous vous entendez bien avec le nouveau président de Lyon II ?

J'ai beaucoup d'estime pour lui, tout comme pour celui de Lyon I et de St-Etienne, et ce n'est pas juste un moment diplomatique. Nous avons des échanges choisis, très agréables qui ne se font pas en opposition avec les grandes écoles. D'ailleurs nous sommes en train de construire avec l'EM, une structure fédérale de recherche qui aura une assise nationale et internationale.

La loi LRU qu'en pensez-vous ? A-t-elle fait ses preuves aujourd'hui ?

Elle a son utilité mais elle nous a posé un certain nombre de problèmes dont tous ne sont pas réglé aujourd'hui : souffrances, tensions ont été ressenties dans les établissements. On va voir ce que le nouveau gouvernement nous propose, mais on aura à travailler sur ces problématiques. Cette loi a surtout servi à diviser dans les établissements. On aura beaucoup à travailler sur cette remise en confiance. Il faut qu'on passe à autre chose.

Au moment où votre prédécesseur Hugues Fulchiron était en poste, Lyon capitale a enquêté sur Lyon III faisant apparaître des faits de favoritisme dans le passage d'un marché public notamment. Vous engagez-vous à être plus scrupuleux dans l'application du code des marchés publics ?

Je suis scrupuleux. Plus scrupuleux, cela supposerait que mon prédécesseur ne l'ai pas été. Mais vous me prenez cinq jours après mon élection, je suis en train de consulter mes dossiers. Vous nous laisserez le temps de prendre connaissance de ces derniers, et je m'engage ensuite à vous répondre. Ceci étant, une grosse partie de ma campagne a été faite sur la transparence et l'intégrité, je suis connu pour cela dans les fonctions que j'ai exercées par le passé à la vice-présidence.

Lyon Capitale a également révélé en septembre dernier qu'un professeur de philosophie, Jean-Jacques Wunenburger, condamné en faux en écriture publique, avait été nommé à la tête du département des relations internationales. Pensez-vous qu'un président d'université puisse nommer un enseignant condamné par la justice à un poste à responsabilité ?

Cela dépend pourquoi il a été condamné. C'est moi qui ait demandé la nomination de Jean-Jacques Wunenburger en tant que vice-président à la recherche à l'époque. Vous m'aviez d'ailleurs interrogé à ce propos. Mais alors, je n'étais pas au courant de cette condamnation. J'ai pris connaissance du dossier, il est vide. C'est un histoire d'étudiant à qui Jean-Jacques Wunenburger a voulu rendre service.

L'université a aussi été condamnée en novembre 2010 pour la gestion opaque de son fond de solidarité et de développement des initiatives étudiantes, le FSDIE. La sanction est venue de la très sérieuse Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES). Au moment où l'on parle beaucoup de moralisation de la vie publique, vous engagez-vous à mener une gestion plus transparente de ce fonds et à dépenser la totalité des dotations allouées par l'Etat contrairement à votre prédécesseur ?

Je ne maitrise pas ce dossier à l'heure actuelle. Je m'engage à en prendre connaissance et à vous répondre.

Alors que l'extrême-droite refait parler d'elle à Lyon depuis quelques mois, où en est-on du problème du négationnisme à Lyon III ? Est-ce quelque chose qui appartient au passé ou diriez-vous que vos équipes craignent encore des dérapages ?

Ce n'est pas d'actualité aujourd'hui et je dirais que nous sommes extrêmement vigilants sur cette question. Je veux qu'on pense autre chose de Lyon III. J'en ai beaucoup souffert à l'époque pour avoir été dans cette université. Aujourd'hui, je ne vois pas de raison de s'alarmer.

Une année après le retour de Bruno Gollnisch suspendu 5 ans par le conseil de discipline de l'université pour des propos jugés négationnistes en octobre 2004, il n'y a pas eu de problème avec lui cette année ?

Le président précédent a été extrêmement clair au moment de son retour. Un courrier était passé en conseil d'administration sur la question. Il précisait que Bruno Gollnisch revenait dans un cadre de légalité et que l'on ferait tout pour qu'il n'y ait pas de problème. Jusqu'à maintenant, tout s'est bien passé.

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