LC 717 p. 92-93

Offrir un animal de compagnie, bonne ou mauvaise idée ?

Ardents prescripteurs des petites bêtes à poil, à plumes ou à écailles, les enfants entretiennent avec eux une relation forte. Quels sont les caractères bénéfiques de l’animal sur nos chères têtes blondes ? Doit-on pour autant accéder à leur demande ? Nous avons rencontré des familles qui nous livrent leur expérience avec leurs animaux de compagnie.

La France est le pays européen qui compte le plus d’animaux domestiques. 61,6 millions de chats, chiens, poissons, oiseaux et autres rongeurs font le bonheur d’un foyer français sur deux. Un chiffre qui a doublé en quarante ans. Urbanisation oblige, l’engouement pour les chats progresse (10,7 millions) au détriment des chiens (7,8 millions), selon une étude menée en mai 2011 par Santé Vet, société spécialisée dans l’assurance santé des animaux.

Une nouvelle place pour les animaux de compagnie

En quarante ans, la place de l’animal de compagnie dans la société a largement évolué. D’un statut autrefois utilitaire – gardien pour le chien, prédateur pour le chat –, il est considéré aujourd’hui comme un vrai compagnon, voire comme un membre de la famille à part entière. “Cela fait peut-être un peu bizarre de dire ça, mais notre chatte, c’est presque le cinquième enfant de la famille, explique Sylvie, 45 ans, mère de quatre enfants âgés de 6 à 13 ans. En arrivant à la maison, c’est le chat que les enfants veulent voir en premier, ils demandent immédiatement de ses nouvelles.” “Pourtant, un animal ne fait pas partie de la famille, prévient la psychologue lyonnaise Claude Bardonnet. Il aurait pu vivre ailleurs. Ce n’est ni un frère ni une sœur pour les enfants, et les parents ne doivent pas parler à leur animal comme ils parlent à leurs enfants.” Et d’insister : “Il ne faut pas l’humaniser. Sinon, l’enfant peut craindre d’être traité comme lui, et, quand l’animal viendra à disparaître, assimiler ce deuil à celui d’un être humain.” Pourtant, il n’est plus incongru de fêter l’anniversaire de son animal familier et de lui offrir des cadeaux à cette occasion ! Ainsi les dépenses relatives aux animaux de compagnie sont-elles en augmentation constante : santé, alimentation, mais aussi toilettage, massages, gardiennage haut de gamme...

La découverte de l’altérité

Un animal peut jouer un rôle important dans l’équilibre d’un enfant. C’est une présence qui peut agir sur le développement émotionnel de l’enfant et l’aider à grandir. “Dans le cas d’un enfant unique, avoir un animal de compagnie lui permet de se confronter à l’altérité, à une autre volonté que la sienne”, souligne la psychologue. “Élisa, qui ne vit pas avec ses demi-sœurs, nous a longtemps demandé un petit chat, explique Stéphanie, sa mère. Celui que nous avons adopté est très indépendant et ne se laisse pas toujours faire. Les câlins, c’est quand il veut. Élisa a compris que ce n’était pas une peluche, cela lui a appris le vrai respect des animaux.” Une découverte qui a également été bénéfique pour les enfants, âgés de 6 à 12 ans, d’Isilde : “Ils réalisent que notre chat est un petit être vivant libre, avec ses propres besoins. D’ailleurs, ça les bouscule un peu dans leur confort, notamment quand le petit chat se promène au beau milieu de leurs installations de jeux... Ça leur apprend à lâcher prise.”

Les enfants “différents”

Selon Claude Bardonnet, l’animal est un bon relais sur le plan affectif pour les enfants qui se sentent différents : enfants sous traitement médical, enfants précoces, enfants “dys” et même autistes : “L’enfant a tendance à se croire seul au monde avec sa particularité, sa douleur, et l’animal l’apaise, par sa simple présence bienfaisante. Également, tous les indices sensoriels différents des humains – le ronron du chat, les vocalises des oiseaux, le pelage de l’animal – sont lénifiants pour l’enfant. C’est comme se mettre au vert !”

Attention cependant, les bienfaits ne sont pas si évidents, comme pour Leonora, 52 ans, mère de Marie et Andréa, 12 ans, et Louis, 13 ans : “Si, pour Marie et Louis, avoir un chien représente une joie constante, cela n’est pas toujours facile pour Andréa, qui est autiste. Il y a sans doute des techniques pour installer une bonne communication entre un enfant autiste et un chien, mais nous ne les connaissons pas. Et notre chien n’est pas éduqué pour ça. En outre, notre précédent chien pouvait être brusque, et Andréa en a gardé une certaine méfiance.”

Un ami inconditionnel

Confident, compagnon de jeu, complice, l’animal familier joue un rôle à part entière dans la vie de l’enfant. “Ma fille Élisa sent que son chat l’aime de manière inconditionnelle. Cela la rassure”, explique Stéphanie. Ne se sentant pas jugé, l’enfant s’autorise à libérer ses émotions, à exprimer ses sentiments sans contrainte. Une sécurité affective qui favorise sa confiance en lui. “Quand ma fille de 10 ans rentre de l’école, elle se précipite sur le chat, lui confie ses petits secrets. Elle va aussi la voir quand je la gronde, ce chat lui offre une écoute, la console, c’est presque comme un doudou”, souligne Sylvie.

Une école de la vie

Avoir un animal responsabilise l’enfant, qui comprend très vite qu’il a un véritable rôle à jouer, en le nourrissant, le sortant, jouant avec lui... “Cela a conféré à Élisa un petit sens des responsabilités. Elle se soucie du chat. Elle veut même m’accompagner chez le vétérinaire.” “Nous avons bien insisté là-dessus avec Marie et Louis, explique Leonora. C’était important que le chien ne soit pas uniquement un passe-temps, mais aussi une responsabilité à laquelle ils devaient prendre part. Par exemple, il faut qu’ils soient cohérents avec l’éducation que l’on donne au chien.” Les enfants d’Isilde s’impliquent également dans le quotidien du chat : “Ils lui donnent à manger, à boire. Ils ont envie qu’il soit bien. Ils s’inquiètent pour lui, même parfois un peu trop.”

Un animal de compagnie est aussi un bon moyen d’aborder les délicates questions de la vie et de la mort. “Il faut bien préparer les enfants à la disparition de leur compagnon, en leur rappelant qu’un animal ne vit pas très longtemps, recommande Claude Bardonnet. Ils sauront qu’ils auront un animal pour un certain temps. C’est une perte, certes, mais cela reste un mini-deuil, la vie de famille continuera ! Il faut aider l’enfant à réinvestir d’autres choses. C’est un bon moyen de les préparer aux autres deuils qu’ils auront à affronter.”

Un facteur de socialisation

En suscitant l’intérêt des autres enfants, un animal de compagnie peut aider l’enfant timide à se socialiser. “L’enfant osera faire des choses avec son animal, avant de les faire avec les êtres humains”, note Claude Bardonnet. Fier de son chien (ou de son chat), le petit introverti trouve là également un moyen de se valoriser auprès de ses pairs. De quoi faciliter ses relations avec autrui.

Doit-on forcément accéder à la demande de l’enfant ?

Au final, c’est bien aux parents de prendre la décision, après mûre réflexion. Adopter un animal représente un véritable engagement, et il faut être prêt à faire face à toutes les contraintes, sans oublier les dépenses inhérentes aux soins de santé et à l’alimentation. Certains enfants très insistants se désintéressent vite de l’animal une fois qu’il est là. Alors Leonora et son mari n’ont pas hésité à poser leurs conditions : “Avant d’adopter notre chien, nous avons fait signer une charte à Marie et Louis, dans laquelle ils s’engageaient notamment à le sortir régulièrement.” Si un chien vous semble trop contraignant, vous pouvez opter pour un chat. Encore moins impliquants et plus discrets, les lapins nains, cochons d’Inde, hamsters et autres poissons rouges. Si vous ne voulez vraiment pas, inutile de culpabiliser : peut-être quelqu’un d’autre dans votre famille – oncle, tante, grands-parents – est-il prêt à tenter l’aventure !

Article paru dans Lyon Capitale-le mensuel n° 717, décembre 2012, où les retardataires trouveront également des idées de cadeaux gastronomiques et culturels. En vente dans notre boutique en ligne.

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