L’explosion des années 80 à la Maison de la danse

Les années 1980 marquent un véritable tournant dans l’histoire de la danse en France, provoquant une rupture avec le classique et faisant émerger une danse d’auteur. La Maison de la danse propose ce mois-ci un focus sur cette période et certains de ses chorégraphes emblématiques.

Un coup de rétro-projecteur pour comprendre la danse d’aujourd’hui

Pour Dominique Hervieu, directrice de la Maison de la danse, ce coup de projecteur sur la danse des années 1980 est dans la logique de son projet à Lyon : inscrire la danse dans une histoire et donner des repères à partir d’œuvres cultes ou de mouvements fondateurs. Recontextualiser les démarches fortes d’aujourd’hui et faire comprendre que la danse est dans une construction esthétique même s’il y a des ruptures.

Ces trois semaines consacrées au boum des années 1980 en France (mais aussi en Europe) sont constituées de spectacles, d’ateliers, de conférences, d’un bal et de vidéos. Sans oublier l’ouverture au public du pôle image de la Maison de la danse, permettant l’accès à numeridanse.tv qui accueille l’immense collection de Jean-Claude Gallotta, à qui le cinéma Comœdia a aussi demandé de concocter une programmation de films dansants.

La danse française à la traîne jusqu’en mai 68

Jusqu’à la fin des années 1960, la danse en France était marquée du sceau de l’académisme, du classique et de l’élitisme, la seule référence en matière de langage chorégraphique étant le ballet de l’Opéra de Paris. Depuis les années 1920, c’étaient surtout les États-Unis et l’Allemagne qui faisaient bouger les lignes. Avec la modern dance, l’abstraction de Cunningham, la performance et la post-modern dance américaines, et l’expressionnisme allemand ; le Japon amenant aussi son influence, par le butô. Ce sont les mouvements contestataires de Mai 1968 qui ont provoqué l’émergence d’une nouvelle génération de chorégraphes français, bien décidée à remettre en question le langage d’un corps emprisonné et à reprendre sa liberté.

Une génération qui va tous azimuts, refusant les diktats chorégraphiques

S’ils refusent de formater leurs corps aux codes du classique, les chorégraphes des années 1980 refusent également les nouveaux modèles de la “danse moderne” qui vient des États-Unis et de l’Allemagne. Certains n’abandonnent pas pour autant la force de l’expressionnisme et de la narration ou de la danse formelle d’un Cunningham, et c’est la manière dont ils les détournent ou se les réapproprient qui fera aussi une partie de leur originalité.

L’évolution de la danse française, entamée dans les années 1970 – avec le fameux concours de Bagnolet, révélant ses plus grands talents –, aboutit en 1980 à une véritable explosion de créativité, concomitante à sa reconnaissance institutionnelle. Exit la narration linéaire, le rapport frontal et la servitude du corps. Tout semble permis, avec une variété de propositions selon les techniques et les formations des uns et des autres. La danse va à la rencontre d’autres arts, s’empare des espaces publics, et le public change. Chacun débarque avec son mode d’expression, un univers, une écriture et un corps identifiables. Chacun élabore son propre langage, et c’est de là que naîtra – pour ceux qui fonderont leur travail sur une pensée – la notion de “danse d’auteur”.

Se révèlent alors la théâtralité et le regard sur la condition humaine de Maguy Marin, la poésie du geste quotidien et les récits imaginaires de Jean-Claude Gallotta, les lieux de danse insolites comme la piscine de Daniel Larrieu, les clins d’œil à la mode et à la pub de Régine Chopinot et Philippe Decouflé, la violence et la passion de Joëlle Bouvier et Régis Obadia, l’intériorité et la physicalité de Bernardo Montet et Catherine Diverrès, les tableaux baroques et les états de corps excessifs de Karine Saporta, la métaphysique de François Verret, la rigueur, les couleurs et les jeux dissimulés de Dominique Bagouet...

Le boom des années 80. Du 10 janvier au 3 février, à la Maison de la danse.

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À lire également dans le cahier Culture de Lyon Capitale-le mensuel :

• Trois chorégraphes majeurs de cette époque à Lyon
Joëlle Bouvier - Régis Obadia : le couple inoubliable
Anne Teresa de Keersmaeker : l’art de la composition chorégraphique
Jean-Claude Gallotta : le choc chorégraphique des années 1980

Focus sur Jean-Claude Gallotta : “Faire de la danse comme si je faisais du cinéma...”

Lyon Capitale n°718 est en vente en kiosques jusqu’au 24 janvier, et dans notre boutique en ligne.

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