La fin de la compétition approche. Le 11 janvier, le nom de la ville hôte de la Cité de la gastronomie devrait être connu. Après avoir entendu tous les candidats depuis des semaines, la Commission de la Mission française du Patrimoine et des Cultures alimentaires rendra enfin son verdict. Qui de Rungis, Tours, Beaune, Dijon ou Lyon obtiendra le label pour accueillir ce temple dédié à l’art du bien-manger ? Jusqu’à la proclamation du résultat final, Lyon Capitale revient sur la candidature lyonnaise, détaille ses points forts et décrypte les dossiers concurrents.
Nul besoin d’être chauvin, Lyon reste la capitale des gueules. Avec son primat, Bocuse. Lyon est le ventre de la France. Vu de l’étranger, c’est le critique culinaire allemand Jörg Zipprick qui a les meilleurs mots : “La culture gastronomique ne se mesure pas au nombre de grands restaurants, même si Lyon est très bien placée ; elle se mesure dans son quotidien, et là, il n’y a pas photo, Lyon est numéro un.”
Il suffit de flâner sur la quarantaine de marchés lyonnais en plein air pour se mettre en appétit. Gibiers soyeux de la Dombes, poulets de Bresse, abricots et pêches gorgés de soleil de la vallée du Rhône, beaujolais, chablis, chambolle-musigny de Bourgogne, côtes-rôties, saint-joseph et condrieu sudistes, bleu de Termignon, beaufort, tome des Bauges, saint-marcellin très coulant (canonisé tellement il est bon) des verts alpages, patriotiques cardons et poireaux, crème, crème, crème et beurre (beurre, beurre). Gratin dauphinois, quenelles, saucissons, andouillettes... On va finir par se faire mal tellement il y en a. Lyon et ses environs, terre d’abondance. La ville est au carrefour de grands terroirs. La qualité en supplément : 80 % des surfaces agricoles de Rhône- Alpes sont estampillées AOC (appellation d’ori- gine contrôlée).
N° 2 sur les macarons
Mais au-delà des produits, Lyon est également un vivier de chefs étoilés garants d’un savoir-faire envié partout dans le monde. Avec 74 chefs étoilés, soit un total de 104 étoiles Michelin, Rhône-Alpes arrive 2e des régions les plus étoilées de France, à une fourchette de Paris et l’Ile-de-France (77 étoilés pour 114 étoiles). Six chefs tiennent le haut du pavé : le papal Paul Bocuse au Saint-Siège de Collonges, Georges Blanc dans la Bresse, Michel Troigros à Roanne, Anne-Sophie Pic à Valence (seule femme française à arborer 3 macarons), Régis Marcon à Saint-Bonnet-le-Froid et le petit dernier, Emmanuel Renaut à Courchevel.
Si on reste sur les chiffres, le Rhône (16 chefs étoilés, soit 21 étoiles) est, derrière les Alpes-Maritimes (31 chefs étoilés, soit 39 étoiles), le département le plus récompensé de l’Hexagone. Quant à Lyon intra-muros, on y trouve 8 chefs étoilés (11 avec les banlieusards).
Mangeurs étoiles
Qui dit province épicurienne dit épicuriens. 2 250 restaurants irriguent Lyon intra-muros. Un restaurant pour 214 habitants ! Avec un pic dans le 2e arrondissement qui, en un ou deux services, peut nourrir tous les habitants du quartier tant les tables y sont nombreuses. Avec un restaurant pour 364 habitants, Paris est à la traîne.
Un peu de culture
Même si ce n’est qu’en 1928 que la cuisine lyonnaise peut revendiquer son premier recueil de recettes imprimées – contrairement à d’autres localités qui possédaient leurs livres de cuisine dès le XIXe siècle –, Lyon peut s’enorgueillir de quelques beaux écrits.
En 1553, les fameux marrons de Lyon sont mentionnés dans le Guide des chemins de France, de Charles Estienne. Au XVIIe siècle, l’archéologue Claude-François Menestrier écrit que “la beauté de l’assiette de Lyon” est louée depuis l’Antiquité. En 1788, l’avocat et écrivain Grimod de la Reynière “préfère [les soupers lyonnais] aux plus brillants de la capitale”. Seize ans plus tard, Chazet, Lafortelle et Francis, dans L’École des gourmands, mentionnent les mortadelles, les saucissons et les cervelas. Cerise sur le gâteau, en 1925, le journaliste gastronomique Curnonsky proclame, lors d’un tour de France gastronomique : “Lyon, nous n’hésitons pas à le dire, à l’écrire et à le proclamer, est la capitale gastronomique du monde*” Celle-ci fut “codifiée”, dix ans plus tard, dans l’ouvrage Lyon, capitale mondiale de la gastronomie.
Les JO de la bouffe
Mais aujourd'hui, la vitrine lyonnaise et mondiale de la gastronomie c’est également le Sirha, salon international de la restauration qui attire, tous les deux ans, qui rassemble pendant 5 jours plus de 170 000 visiteurs, 12 500 chefs de cuisine et 2 500 exposants sur 120 000 mètres carrés. Qui dit mieux ? Et êtes vous déjà allé au Bocuse d’Or, vous ? C’est pire qu’un séminaire de fanfares : 2 000 supporters des quatre coins de la planète viennent galvaniser les plus grands chefs lors du plus grand concours de cuisine jamais organisé, qui se déroulera à Eurexpo les 29 et 30 janvier prochains. Et plus d’un millier de journalistes y sont accrédités.
N° 1 sur le Net
La gastronomie c’est Lyon. Ce n’est pas nous qui le disons c’est le net. D’après une enquête menée sur Internet en septembre 2006 dans le cadre du groupe de travail “Lyon 2020”, sur la gastronomie, Lyon se détache très largement dans tous les moteurs de recherche. Sur les cent premières pages retenues, le nombre d’occurrences qui lient Lyon à la gastronomie est très supérieur à celles qui y lient Paris, Bologne ou Parme (2e et 3e places) : 68 sur 100 pour Yahoo, 40 sur 100 pour Google, 29 sur 100 pour MSN, 62 sur 100 pour Alltheweb et 29 sur 100 pour Ask.
Si Pivot aussi le dit…
S'il fallait ajouter un autre argument d'autorité, le journaliste et écrivain Bernard Pivot, membre de l'académie Goncourt a pris fait et cause pour la candidature lyonnaise. “Lyon a une légitimité naturelle, c’est l’argument principal. Elle a une histoire, la capitale mondiale de la gastronomie, et un grand homme, Paul Bocuse, qui plaident en sa faveur. Sans compter une culture de la bonne chère. On trouve à la fois la grande cuisine, la recherche, et les plats canailles, dans les bouchons. Lyon est entouré des poulets de Bresse, des arbres fruitiers de la vallée du Rhône, des poissons d’étang de la Dombes, etc. C’est un peu, comme dirait Paul Bocuse, le garde-manger de la France.”
* Curnonsky et Marcel Rouff, La France gastronomique – Lyon et le Lyonnais, tome I.
je serai bien étonné que cette question se règle objectivement, ou sur dossier, il doit y avoir des mouvements de couloir et des manigances de toute sorte pour arriver en tête. Et Lyon question lobby n'est pas en reste.