Edito - Imaginez une sublime voiture de course lancée sur une autoroute en ligne droite sans rien ni personne pour l’empêcher de battre des records de vitesse. Problème : son réservoir d’essence ne permet pas de faire plus de 10 kilomètres. Bienvenue dans le monde de la téléphonie mobile de quatrième génération selon Orange et SFR. Les deux opérateurs lancent parallèlement leur service d’Internet Mobile en 4G, mais semblent ne pas l’assumer en se bornant à proposer un "fair use" parfois bien trop bas pour être pris au sérieux.
"Fair use" : cette expression anglaise risque bien de devenir un problème pour plus d’un utilisateur de 4G. Cette expression signifie "usage raisonnable" et définit le volume maximum de données qui peut être utilisé par un abonné. Par exemple, les opérateurs sans engagement comme Free Mobile, Sosh, ou bien encore BandYou ont tous les trois choisi de proposer 3 Go de données mensuelles à leurs clients. Le débit de l’Internet mobile est réduit une fois le palier atteint. De son côté, SFR Red a opté pour la même limite, mais coupe la connexion après 3 Go. Pour la retrouver, il faut payer.
De nouveaux usages
Face à Free Mobile, SFR, Bouygues et Orange comptent bien se distinguer avec la 4G. Cette technologie propose des débits théoriques équivalant à ceux de la fibre optique, soit 100 mégabits par seconde. Avec de telles promesses qui incitent à être encore plus connecté, on pouvait penser que les opérateurs relèveraient sensiblement ce fameux "fair use" pour permettre à leurs clients de découvrir de nouveaux usages. Ces derniers ne manquent pas : films en haute définition, jeux vidéo à la demande, télévision mobile haute qualité, visioconférence HD, transfert de ses photos ou vidéos sur des services comme Dropbox ou bien encore le "Cloud Computing", l’informatique dans les nuages qui permet d’héberger ses données en ligne et d’y accéder n’importe où. Il n’en sera rien, les nouveaux "fair use" sont cruellement timides.
Un "fair use" qui ne dépasse pas 6 Go par mois
Premier à commercialiser des forfaits 4G, SFR ne propose que 2, 4 et 6 Go de "fair use". Ces forfaits sont respectivement vendus à 39,99, 59,99 et 79,99 euros par mois (avec mobile compatible, engagement de deux ans, connexion coupée une fois le palier atteint). De son côté, selon plusieurs sources, Orange devrait commercialiser prochainement des forfaits avec 3 et 5 Go de "fair use". Les tarifs seront dévoilés début février et devraient débuter à partir de 59,90 euros par mois (avec mobile compatible et engagement de deux ans, débit réduit une fois le palier atteint).
L’esprit de la 4G
Ainsi, que ce soit SFR ou Orange, ces limites de données semblent trop basses et ne sont pas compatibles avec l’esprit de la 4G. Avec des débits plus rapides, l’abonné arrivera plus vite au palier fatidique. Il suffit de se pencher sur les volumes de données que représentent certains usages qui seront facilités par la 4G.
Ainsi, regarder la télévision en haute qualité sur son mobile pendant deux heures consomme environ 1,2 Go, une demi-heure tous les jours : 9 Go. Envoyer une vidéo Full HD de 1 minute, filmée avec un mobile prendra plus de 100 Mo, dix minutes et la barre des 1 Go est dépassée. Enfin un film en haute définition 720p HD tourne autour de 5 Go sur iTunes, tandis que version en basse définition pèse environ 2,50 Go. Par conséquent, même les 5 et 6 Go d’Orange et de SFR font pâle figure quand on les confronte aux usages rendus possibles par la 4G.
Pire, avec un débit théorique de 100 mégabits par seconde qui permet de télécharger selon nos propres mesures jusqu’à 2 Go en 10 minutes, il est tout à fait possible de dépasser son "fair use" en moins d’une demi-journée pour celui qui se laisserait griser par la vitesse de la 4G.
Une manière de limiter la consommation de donnée ?
Certains pourront alors prétendre que ces usages sont extrêmes et minoritaires, que la majorité des utilisateurs se contenteront de surfer sur Internet, regarder une vidéo en ligne de temps en temps ou bien envoyer leur photo sur leur Dropbox. Mais dans ces cas-là, la 4G est inutile et la 3G suffit largement. En optant pour des "fair use" bas, les opérateurs montrent bien qu’ils espèrent que leurs abonnés ne changent pas leurs habitudes et pratiquent les mêmes usages avec la 3G comme la 4G. La donnée mobile est une denrée précieuse à partager entre les différents clients. En choisissant des limites contenues, les opérateurs cherchent également à contrôler la consommation de leurs abonnés et éviter tous dérapages.
Mais les usagers seront-ils sages alors qu’ils disposeront d’une vitesse théorique aussi élevée ? Quelle sera la réaction de celui qui grisé par la vitesse dépassera son "fair use" en quelques jours dans le meilleur des cas, en quelques heures s’il ne fait pas attention. Heureusement, le débit impressionnant de 100 mégabits par seconde n’est que théorique. Pour l’instant, il est bien au rendez-vous, car les abonnés se font encore rares sur les antennes dédiées. Qu’en sera-t-il quand ils seront plus nombreux ? "Fair use" limité, nouveaux usages qui auront du mal à se démocratiser à cause de ces mêmes limites, débits réels encore inconnus : la 4G est pour l’instant surtout du marketing mais va devoir être assumée pour totalement convaincre.
MàJ du 29/01/13 à 20h : à l'occasion du lancement de la 4G à La Défense, SFR a fait savoir qu'il réfléchissait à une option payante permettant d'augmenter sensiblement son "fair use".