Mondialement connue pour ses exploits au rugby, la famille Spanghero est éclaboussée depuis le 9 février par l’affaire du scandale des lasagnes au cheval. Sans en être responsable. Si elle a fondé l’usine en 1970, elle n’en est plus propriétaire depuis 2009. Mais elle a cédé son nom… En même temps qu’elle sème le trouble sur l'industrie agro-alimentaire, l’affaire des lasagnes met aussi en évidence la problématique du patronyme donné à l’entreprise."Notre famille est déshonorée", s'est ému Laurent Spanghero devant les caméras de télés alors que la société éponyme, basée à Castelnaudary, est embourbée depuis deux semaines dans le scandale du "horsegate". Avant de marteler :"Il n'y a plus aucun membre de la famille Spanghero au sein de l'entreprise "Maison Spanghero". Le mal est pourtant déjà fait… Spanghero : ce nom qui a fait la réputation d'une famille mondialement connue dans le monde du rugby et spécialisée dans le commerce de la viande depuis quarante ans est aujourd'hui associé à une tromperie commerciale. Pourtant, si l'aîné des six fils Spanghero a fondé avec l'un de ses frères cette usine en 1970, il l'a cédé en 2009 à la coopérative agricole Lur Berri. Pour pas grand chose -l’euro symbolique- mais avec une belle image de marque -le nom Spanghero. "Le repreneur souhaitait garder ce nom, gage de sérieux et comme la société était en difficultés financières, nous voulions assurer la pérennité de l'entreprise et sauvegarder les emplois", explique Laurent Spanghero, l’ancien rugbyman du club de Narbonne. Problème : quatre ans plus tard et les lasagnes au cheval démasquées, les Spanghero se retrouvent éclaboussés par un scandale. Bien malgré eux…
Picasso, St-Exupéry, Renault Citroën…
"Le nom Spanghero est très typique et on le retient facilement, estime Marcel Botton, spécialiste de la création en nom de marques et président de Nomen. La famille aurait dû se protéger en incluant au contrat une licence avec des conditions de garantie sur la qualité, la traçabilité au moment de la vente de la société. Car une fois que le nom est cédé, il n’y a plus rien à faire". Et le spécialiste d’ajouter pour exemple : "Les familles Picasso et St-Exupéry ont, dès la mort des intéressés, déposé la marque et soigneusement protéger leur nom (1). Renault et Citroën ont eux aussi cédé leur nom. Mais les procès sont nombreux. Il a fallu plusieurs années de combat à Chantal Thomas (Ndlr, elle perd l’usage de cette marque après avoir été licenciée par son principal actionnaire japonais en 1995) pour récupérer la marque qui porte son nom".
Stratégie de défense
Chez les Spanghero, grande famille du sud-ouest, les victimes collatérales sont nombreuses. "Les enfants et petits-enfants sont forcément touchés car tout le monde fait le lien", souffle Nicolas Spanghero. Mais les répercussions sont aussi professionnelles. Car Nicolas est commercial chez… "Guy Spanghero International". Une autre société créée en 2003 par son père Guy, le dernier de la fratrie. Comme l’usine Spanghero incriminée à Castelnaudary, elle est spécialisée, elle aussi, dans le négoce de la viande. "Ça ne simplifie pas les choses !, confirme Marcel Botton. Cette société sera assurément impactée par le scandale". La famille n’a encore intenté aucune action en justice. "Nos pensées vont aux salariés menacés de perdre leur emploi", assure-t-elle. N’empêche, depuis le début du "horsegate", le père et le fils de "Guy Spanghero International" passent leurs journées à appeler un à un leurs clients. Pour convaincre : oui, la société Spanghero est impliquée mais non, la famille Spanghero n'a rien à voir. Misant aussi sur la communication : "Partout, à la télé, la radio, la presse, les réseaux sociaux, nous répétons inlassablement ne pas être responsables", poursuit Nicolas Spanghero. Nous avons plusieurs avocats et nous discutons de notre future stratégie de défense". Mais forcément, il regrette :"Si seulement on avait aussi signé une clause nous permettant de protéger notre nom"…
Réparation du préjudice
La famille attend la fin de l’enquête."Si la fraude est avérée, nous nous réservons le droit d'attaquer en justice, de demander réparation du préjudice", ajoute le commercial. Et de récupérer la marque ? "Ce ne sera pas évident", estime Marcel Botton. Dans l’affaire Spanghero contre Spanghero, la société au cœur du scandale aura peut-être intérêt à changer de nom."Sauf que dans ce genre de scandale, l’aspect négatif s’oublie vite, tandis que la notoriété reste", analyse le spécialiste. Qui conclut en forme de conseil. "Il est de moins en moins opportun de donner son patronyme à une entreprise. D’abord, parce que les sociétés sont aujourd’hui souvent des entreprises de capitaux et elles sont susceptibles d’être revendues. Ensuite, parce qu’un entrepreneur ne créé plus une entreprise pour la vie. Enfin, parce que dans le domaine alimentaire, on n’est jamais à l’abri de ce genre de scandale".
(1) L'aéroport de Lyon St-Exupéry a passé un accord amiable avec la société pour l'Œuvre et la mémoire d'Antoine de Saint-Exupéry, en 2000, lors du changement de nom de l'aéroport et du centenaire de la mort de St-Exupéry. C'est un accord à titre gratuit mais l'exploitant de l'aéroport prend en charge les frais inhérents à la protection de la marque. L'utilisation du nom ne peut être faite que dans le cadre de l'activité principale de l'aéroport. Aucun produit dérivé n'est autorisé.