En 2013, la femme reste un fantasme publicitaire

Alors que l’on célèbre la Journée internationale de la femme, ce vendredi 8 mars, les inégalités hommes-femmes subsistent. Résultats notamment des stéréotypes véhiculés dans les campagnes de pubs sexistes. Pourtant les Français sont nombreux à les condamner. Problème : ils sont peu à les reconnaître. C’est ce que révèle une enquête réalisée par le Laboratoire de l’Égalité en partenariat avec Mediaprism, qui vient de paraître.

De la femme-ménagère à la femme-objet. La pub se modernise mais n’en finit pas d’être sexiste. "Or, si les inégalités hommes-femmes subsistent, c’est parce que l’on baigne dans des stéréotypes sexistes, notamment véhiculés par la publicité", nous assure Olga Trostianski, co-fondatrice du Laboratoire de l’Égalité. En partenariat avec Mediaprism, l’association vient de publier une enquête sur la conscience de la population face à des publicités sexistes (1). Les résultats interpellent : seulement 12 % des personnes interrogées identifient directement une publicité à caractère sexiste. "L’image doit être vraiment caricaturale pour que les personnes réagissent, confie la responsable de l’association. Lorsque le message est plus subtil, elles ne reconnaissent pas le sexisme, souvent trompées par l’esthétique de l’image". Pourtant, près de la moitié des "répondants" jugent ces réclames énervantes et 27 %, insupportables. Paradoxal… Signe pour l’étude que "ces stéréotypes sont banalisés et intériorisés". Presque transparents.

Canard vibreur

"Dans le monde de la publicité, l’utilisation de la femme a changé mais le sexisme demeure", nous confirme Annie Pastor. L’ancienne journaliste de l’Écho des savannes a publié un livre en septembre 2012 sur "Les pubs que vous ne verrez plus jamais". Des dizaines d’affiches publicitaires compilées, du début du XXe siècle jusqu’aux années 70, toutes plus sexistes les unes que les autres. "À l’époque, la femme est toujours représentée dans sa cuisine, au service de son mari, indique-t-elle. Puis, on a assisté à l’avènement de la femme-objet dans les années 80. Elle travaille, elle est libre et indépendante mais elle doit se déshabiller lorsqu’elle fait une pub pour du parfum !". Du parfum, des places de foot, des vêtements et même … de la crème fraîche. Comme en 2000, lorsque Candia lance une campagne de pub sur la crème "Babette". Des affiches en 4 par 3 qui montrent une femme en tablier proclamant "Babette, je la lie, je la fouette et parfois, elle passe à la casserole". Ou plus récemment : fin février, un canard vibreur sur l’affiche d’une campagne de pub du club de foot de Rennes pour le lancement de places à 5 euros pour les femmes (à l’occasion de la journée de la femme !), fait le buzz sur Internet. Le club assume : "C’est une pub humoristique, un brin provocatrice mais elle n’est pas sexiste". À prendre donc au second degré…

"La publicité est le reflet de la société"

"Nous sommes, chaque jour, confrontés à 400 messages publicitaires et nous avons, pour chacune de ces pubs, deux à quatre secondes de perception, explique Jean-Yves Katz co-directeur de l’agence Binome à Nîmes. Il faut donc se démarquer". En 2010, Binome réalisait une affiche pour les commerçants gardois : une jeune femme dans une position suggestive, habillée en minijupe et talons-aiguilles, se tenant à quatre pattes… Le slogan : "Les bons coups sont au cœur de Nîmes”. Le publiciste se défend : "Ce n’est pas une pub sexiste. C’est juste un clin d’œil pour provoquer". Entre l’attitude de la jeune femme et le terme de "bons coups" à la place de "bonnes affaires", le message est pourtant clair…"La publicité est le reflet de la société, reconnaît Olga Trostianski. Les stéréotypes sont ancrés dans nos mentalités et notre culture. Mais il y a un vrai travail à faire auprès des entreprises qui commandent les pubs et des agences qui les réalisent".

"Porno-chic"

Plutôt soft, le sexisme publicitaire a connu une période plus trash, dès les années 90, lors de l’apparition d’une nouvelle tendance : le "porno-chic". Pour faire le buzz, certaines marques dépassent allègrement le politiquement correct. C’est le cas de Sisley dans les années 2000 qui met en scène des jeunes femmes dont l’attitude est à limite du pornographique. Loin du chic. Ou de Dolce & Gabbana (photo), en 2007, avec une pub montrant une femme dans une position passive sous la domination de plusieurs hommes. Face à la polémique, ces marques ont finalement décidé de retirer les affiches. Car en matière de pub sexiste, on ne peut pas non plus tout se permettre. "Il y a des codes à respecter, indique Stéphane Martin, directeur général de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP). La publicité doit être loyale, véridique et saine. Elle doit éviter les stéréotypes dégradants. La nudité peut être utilisée mais de manière descente et elle doit avoir un lien avec le produit". L’ARPP qui n’émet que des recommandations a examiné, en 2012, 72 000 pubs et assure n'avoir relevé que 0,1 % de manquements. "C’est peu", relativise le directeur. C’est toujours trop pour les féministes qui mesurent l’enjeu : "Les stéréotypes sont au cœur des discriminations et des inégalités hommes-femmes, insiste Olga Trostianski. Avant de lancer : Ces pubs-là ne font pas vendre !". Un message aux publicistes.

(1) Étude réalisée entre le 22 et le 28 janvier 2013 sur un échantillon de 1036 personnes venant de 5 supports : médias (1), entreprises privées (3) et public (1).

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