Du mariage au mirage pour tous : en route vers la fabrique d’enfants adoptables

Loin des slogans superficiels et des controverses militantes qui empêchent de voir l’essentiel (ici ou ), essayons de nous arrêter quelques instants sur les conséquences du projet de loi Taubira. Car, sous couvert de mariage entre personnes du même sexe et d’égalité des droits, il s’agit surtout d’aboutir à une fabrique à grande échelle d’enfants adoptables, comme nous l’écrivions déjà il y a quelques mois ici. Cent soixante-dix universitaires, professeurs et maîtres de conférences en droit viennent d’ailleurs d’envoyer une lettre aux sénateurs, les invitant à réfléchir sur les enfants, qui ne sauraient être des objets pour satisfaire un désir, ni des médicaments pour soulager une souffrance. Quant à Christiane Taubira, qui vient de nouveau de se déclarer favorable à la PMA, elle a déclaré à nos confrères de Libération : Le président s’était engagé pour l’année 2013. Je pense qu’on tient largement cet objectif et qu’au pire des cas ce sera à la rentrée d’automne. Mais à mon avis, pour l’été, c’est bouclé.”

Plus on y réfléchit, plus il est permis de s’interroger sur les intentions réelles du Gouvernement dans cette affaire. Car, s’il s’agissait d’accorder les mêmes droits aux homos qu’aux hétéros, il aurait suffi de compléter par exemple les dispositions déjà prévues par le PACS. Cela n’aurait pas fait débat (ou si peu), les Français n’y auraient rien trouvé à redire et ne se seraient pas divisés comme c’est le cas aujourd’hui. Mais voilà : ce n’était pas assez. En effet, pour certaines associations extrémistes, que l’exécutif a choisi d’écouter et de flatter (était-ce une promesse solennelle faite à Pierre Bergé en échange de ses généreux financements ?), il fallait à tout prix aboutir au mariage. Pour quelles raisons, alors même que le mariage est jugé ringard, dépassé, compassé, fallait-il obtenir ce sacrement “bourgeois”, fût-il simplement civil ? C’est que, si le mariage est accordé à tous, si l’on est bien dans le “mariage pour tous” – et ici la sémantique a toute son importance –, alors il n’y a plus aucune raison juridique de ne pas “avoir d’enfants”.

Le “marché chic” des enfants

Oui, mais comment avoir des enfants quand on est du même sexe ? Il y a bien sûr l’adoption (qui reste essentiellement théorique, tant les critères fixés par les divers pays sont stricts) et il y a surtout la fabrication d’enfants – par insémination artificielle dans un premier temps, par gestation pour autrui dans un deuxième temps –, c’est-à-dire d’enfants privés de leur père ou de leur mère pour pouvoir être adoptés par une seconde femme ou un second homme. Comme l’affirme à nos confrères du Point Aude Mirkovic, auteure de l’ouvrage Mariage des personnes de même sexe, la controverse juridique, “on persiste à parler du projet sur le mariage, alors que ce projet porte en réalité celui de la fabrication d’enfants adoptables (…) Il faut voir la réalité en face, et cette réalité, c’est le marché des enfants. Un marché chic, aseptisé, médicalisé, plein de bons sentiments, mais un marché tout de même”.

Sur mesure et prêt-à-porter

Bien souvent, quand on met en avant ces arguments, on s’entend répondre que ce n’est pas du tout la question, qu’en réalité on n’y comprend rien, qu’il s’agit uniquement de répondre aux situations des enfants élevés dans le cadre de familles homoparentales et que, comme d’habitude dans ce pays archiconservateur qu’est la France, la loi a pris du retard. Sauf que les enfants élevés par deux hommes ou deux femmes ne sont pas du tout dans une situation de vide ni même d’insécurité juridique. “Il est possible, par exemple, de partager l’autorité parentale avec la personne qui élève l’enfant si les besoins de l’éducation de l’enfant le justifient, indique Aude Mirkovic. (…) Autre exemple : la loi autorise un parent, qu’il soit le seul parent ou qu’il y en ait deux, à désigner un tuteur pour ses enfants en cas de décès, par un simple testament. La mère qui élève son enfant avec une autre femme peut donc très facilement désigner celle-ci comme tuteur.” On pourrait multiplier les exemples, tant le Code civil français est riche et permet véritablement le sur-mesure. Mais ce qui intéresse les extrémistes précités n’est pas le sur-mesure mais bien le prêt-à-porter, la métaphore étant ici tristement adéquate.

Tu seras un homme, son fils

On en arrive au point clé de ce projet de loi : la question de la filiation. Nous l’avons déjà souligné dans de nombreux articles consacrés au sujet, et aujourd’hui de plus en plus de juristes sortent de leur réserve. En effet, avec le projet de loi Taubira, les parents ne sont plus ceux dont l’enfant est né. Ils deviennent en quelque sorte des adultes référents, responsables légaux de l’enfant. Rappelons que la notion de parenté multiple, loin d’être un fantasme de cathos intégristes, n’a absolument pas été écartée, un amendement visant à limiter le nombre des parents à deux ayant au contraire été rejeté à l’Assemblée nationale. “Rien ne s’oppose plus alors à l’établissement d’une deuxième ou troisième filiation paternelle ou maternelle, dès lors que trois ou quatre adultes sont effectivement investis dans le projet affectif et éducatif auprès de l’enfant, affirme justement Aude Mirkovic. Que signifiera alors l’article 320 du Code civil qui prévoit que, lorsqu’un enfant a déjà une mère (ou un père), une deuxième femme (ou un deuxième homme) ne peut pas le reconnaître ? Il devient incompréhensible. Dès lors que les parents peuvent être de même sexe, une seconde maternité ne contredit plus une maternité existante, ni même une troisième.”

Vers la fin de toutes les interdictions ?

On se souvient de la polémique créée en septembre 2012 par le cardinal Barbarin, qui avait déclaré à propos du mariage entre des personnes de même sexe : “Après, ça a des quantités de conséquences qui sont innombrables. Après, ils vont vouloir faire des couples à trois ou à quatre. Après, un jour peut-être, l’interdiction de l’inceste tombera. À l’époque, Manuel Valls, interrogé sur les propos de l’archevêque de Lyon, avait estimé qu’il s’agissait d’“une évolution majeure pour la société”, que c’était de toute façon “un engagement du président de la République” et que “personne ne devait se sentir atteint dans sa conviction”. Pour l’atteinte aux convictions, c’est particulièrement raté. Mais, il y a bien plus grave : le Gouvernement autorise, légalise et même institutionnalise, via un incroyable raisonnement par l’absurde, la fabrique d’enfants – la circulaire Taubira ayant effectivement demandé à tous les tribunaux de ne plus refuser la délivrance de CNF (certificats de nationalité française) aux enfants nés de mères porteuses à l’étranger. Un enfant ne saurait pourtant être un caprice, un jouet frauduleusement fabriqué à l’étranger selon la mode du moment, un objet de satisfaction des désirs d’éducation d’une personne, d’un couple, d’un trio ou d’un quatuor, ces désirs fussent-ils très forts.

Désobéir pour un épi de maïs

Pourquoi s’encombrer d’une mère ou d’un père si la science et la loi permettent de régulariser un enfant né à l’étranger, dans un bricolage hâtif que la France reconnaît désormais en catimini, pourvu qu’il soit opéré ailleurs que sur son sol ? Quelles sont ces pratiques tellement magnifiques que l’on ne daigne pas les voir – ni a fortiori les encadrer avec le sérieux et la rigueur qui conviennent – sur notre territoire ? Est-ce réellement un progrès, et certains Français sont-ils si rétrogrades à ne pas vouloir ainsi briser les derniers tabous ?

Ce qui est extrêmement choquant, c’est qu’on soit prêt à tout casser et à pratiquer la désobéissance civile pour continuer à fabriquer des épis de maïs “bien de chez nous”, garantis sans OGM, et que parallèlement on ne s’élève pas avec une force, mille, dix mille, cent mille fois supérieure, contre ce futur marché d’enfants qui, comme tous les marchés, fera dans le haut-de-gamme et dans le low cost. On ne veut pas d’apprentis sorciers pour modifier les végétaux, ni pour découper les carcasses de moutons britanniques, ni pour préparer les lasagnes à base de viande chevaline – la bouffe, Bové et le dada, c’est sacré –, mais on accepterait sans sourciller des fabriques d’enfants n’importe où sur la planète, enfants que l’on régulariserait tranquillement une fois rapatriés dans nos belles provinces ? Où est la logique de tout cela ?

Les socialistes ont-ils définitivement perdu la raison ? Rien n’est moins sûr, si l’on en juge par les doutes et les louvoiements de François Hollande – ou, plus près de nous, de Gérard Collomb – sur le sujet. Alors, qu’attend le président de la République pour enfin renier sa promesse la plus stupide, dont il n’avait pas, sans doute, mesuré toute la dangerosité ?

La folie de l’eugénisme

Les enfants n’ont strictement rien à faire dans le projet de loi dit du mariage pour tous ! Il est encore temps pour nos sénateurs, qui examineront le texte à partir du 4 avril, de le comprendre, d’en mesurer toutes les conséquences et d’amender ce projet. Car, en creux, c’est bien la folie de l’eugénisme que ce gouvernement de gauche est en train de ressusciter. Ce n’est pas l’amour entre personnes du même sexe qui est en cause, il ne faut pas tout confondre. Cet amour existe, il peut être aussi sincère et aussi fort qu’entre personnes de sexes opposés, il ne saurait être question de laisser penser une seule seconde que l’auteur de ces lignes ait le plus petit penchant homophobe. Il n’empêche qu’un enfant doit être conçu par un homme et une femme, avec un vrai projet familial, et que tout le reste est mauvaise littérature, c’est-à-dire addition d’intérêts particuliers, c’est-à-dire clientélisme.

Si de plus en plus de divorces sont prononcés en France (un couple hétérosexuel sur trois divorce, et même un sur deux en Ile-de-France), la loi ne saurait être la reconnaissance de tous les désirs – simplement parce que ces désirs existent et/ou relèvent de l’engagement du candidat Hollande. La loi, c’est aussi l’idée qu’un pays se fait de lui-même. Et, en France, pays des Droits de l’homme, du Défenseur des droits et des hautes autorités éthiques en tout genre, le droit des enfants doit être sanctuarisé et placé au-dessus de toute autre considération, et particulièrement du droit à l’enfant, concept fumeux en même temps que caprice irresponsable.

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