Quais du polar : les auteurs à Lyon, de Coben à Spinrad

Ils viennent débattre, présenter des films et bien sûr signer leurs livres à Lyon ce week-end. Les auteurs qu'il ne faut pas manquer sur les Quais du polar 2013. Premier train.

Harlan Coben, la star

L’université d’Amherst (Massachussets) a abrité quelques-uns des plus grands esprits de leur temps, dont l’économiste Joseph Stiglitz et le regretté écrivain David Foster Wallace (ainsi qu’Albert II de Monaco et… Jean-Claude Darmon). C’est là qu’Harlan Coben fréquenta la même fraternité estudiantine que Dan Brown. Sans doute les deux, toute ambition mise de côté, ignoraient-ils qu’ils deviendraient un jour les coqueluches des lecteurs de polar. C’est peu de dire qu’à l’instar de l’auteur du Da Vinci Code Harlan Coben est devenu une rock star des lettres. Comme beaucoup d’auteurs de son genre, c’est avec un personnage récurrent – Myron Bolitar, agent sportif dont les aventures courent sur une dizaine de romans – que Coben s’installe et rafle ses premiers prix et nominations au mitan des années 1990. Mais c’est avec Tell No One qu’il explose véritablement, en 2001, et se met à écrire plus assidûment ce qu’on appelle dans le jargon des “stand alone”. Sa meilleure vente à ce jour, Tell No One, est bien sûr d’autant plus connue dans nos contrées que le roman a été adapté par Guillaume Canet avec Ne le dis à personne. Une transposition plutôt ratée, mais adoubée par l’auteur lui-même qui viendra présenter la projection du film lors de cette édition de Quais du Polar. Coben viendra également avec, sous le bras, son avant-dernier succès américain, Stay Close (Ne t’éloigne pas, éd. Belfond), sorti la même année que Seconds Away, dernier chapitre en date de la série Mickey Bolitar (le neveu de Myron, vous suivez toujours), pas encore traduit en France, tout comme son dernier ouvrage en date, Six Years. Il n’y a pas que pour ses personnages qu’Harlan Coben, auteur prolifique, est éreintant.

Joël Dicker, le multiprimé

Avec La Vérité sur l’affaire Harry Québert le Suisse Joël Dicker, même pas 30 ans, a frappé très fort à l’automne. Non seulement le livre n’a plus quitté les classements des meilleures ventes depuis sa sortie, guère perturbé par l’arrivée en fanfare de l’hydre Musso-Lévy en librairie, mais en plus il a raflé le Grand Prix du roman de l’Académie française et le Goncourt des lycéens. Chose plutôt rare pour un polar, qui ne risque d’arriver ni à Guillaume Musso ni à Marc Lévy. L’idée force du livre, si elle n’est pas d’une originalité folle, fonctionne à plein : plonger au sein d’une enquête policière un écrivain en mal d’inspiration à qui la réalité va offrir sur un plateau le roman qu’il n’arrive pas à écrire. Le tout dans une ambiance américaine – l’intrigue se déroule aux Etats-Unis –, à cheval sur deux époques. Quelque chose nous dit que Joël Dicker, au classement officieux de qui a la plus longue (file d’attente pour faire dédicacer ses livres) devrait être plutôt bien classé.

Jérémie Guez, le fan de David Goodis

On n’a pas demandé l’état civil de chacun, mais il se pourrait bien qu’à même pas 25 ans Jérémie Guez soit le plus jeune auteur de cette édition de Quais du Polar. D’autant que le jeune homme a déjà sorti deux romans, premières pièces d’un triptyque sur Paris et ses quartiers mythiquement interlopes (Pigalle, Belleville, la banlieue forcément), Paris La nuit (éd. La Tengo) puis Balancé dans les cordes (J’ai Lu) : l’histoire d’un jeune boxeur pris dans la spirale de la vengeance. Très imprégné de littérature américaine – il confie avoir une admiration particulière pour David Goodis, ce qui est toujours bon signe –, l’auteur s’inscrit dans une veine très “roman de gare” de polar noir à la française, mais au sens noble du terme (il a d’ailleurs été finaliste du prix SNCF du polar), pleine d’atmosphère poisseuse et de situations qui le sont tout autant. Et comme Jérémie Guez n’est visiblement pas parti pour perdre du temps, les deux romans de cet amateur de David Goodis – toujours bon signe ça – sont déjà en cours d’adaptation au cinéma.

Norman Spinrad, l'anti-genre

“Je ne suis pas un auteur de “SF”, de “polar” ou de quelque genre que ce soit, dit Norman Spinrad sur le trombinoscope des écrivains de Quais du Polar. Je déteste le concept de “genre” lui-même et je trouve la fiction plus intéressante (...). La fiction est ce qui traverse, combine, ou tout simplement ignore le genre.” Alors disons, pour lui faire plaisir, que Norman Spinrad, qui a à peu près écrit tout ce qu’il était possible au rayon SF (désolé, hein, Norman...) est un auteur de fiction. Sauf qu’il n’est pas non plus que cela. Car la fiction est chez lui un levier pour comprendre le monde et imaginer ses transformations possibles, ses possibilités : les pires plus souvent que les meilleures (en 1972 dans Rêve de fer, il imagine le livre qu’aurait pu écrire Hitler si, ayant échoué à prendre le pouvoir, il s’était reconverti en auteur de polar), de Jack Barron et l’éternité au plus récent Oussama, sur le parcours d’un jeune musulman qui veut mener le djihad en France, en passant par Les Années fléaux. Bien qu’il s’en défende, et au risque de l’offenser, Norman Spinrad, qui participera à Quais du Polar à de passionnantes conférences mêlant anticipation et science, est l’alpha et l’oméga d’une littérature de genre qui ne cherche pas à s’en donner un.

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