La République du foirage offshore

Selon Le Monde, Jean-Jacques Augier, 59 ans, ancien inspecteur des Finances et homme d'affaires discret qui fut le trésorier de M. Hollande pendant la campagne présidentielle de 2012, est "actionnaire de deux sociétés offshore dans les îles Caïmans par le biais de son holding financier Eurane". Ces révélations du quotidien entrent dans le cadre de la publication d'une longue investigation sur les services "offshore" dans le monde. 36 médias ont eu accès, grâce au consortium indépendant de journalisme d'investigation ICIJ, basé à Washington, à une fuite majeure en provenance de deux sociétés offrant des services "offshore": l'une basée à Singapour, l'autre dans les Iles vierges britanniques.

Interrogé par le quotidien, M. Augier a confirmé avoir constitué en 2005 et 2008-2009 deux entités offshore aux Caïmans, paradis fiscal des Caraïbes sous souveraineté britannique, à la demande de ses partenaires en affaires. "Rien n'est illégal", a déclaré M. Augier au quotidien, affirmant n'avoir "ni compte bancaire personnel ouvert aux Caïmans ni investissement personnel direct dans ce territoire". M. Augier affirme également que le chef de l'Etat français n'était pas au courant de ses affaires, tout comme il n’était pas au courant des affaires de Jérôme Cahuzac. La première société, International Bookstores, a été créée en 2005 à la demande d'un de ses associés chinois, un certain Xi Shu, propriétaire d'un réseau de librairies, a indiqué l'homme d'affaires français, propriétaire du magazine Books et, depuis janvier 2013, de Têtu, le premier magazine de la communauté homosexuelle française.

"Rien n’est illégal"

"J'ai investi dans cette société par l'intermédiaire de la filiale d'Eurane en Chine, Capital Concorde Limited, un holding qui gère toutes mes affaires chinoises", a précisé l'homme d'affaires au Monde. "L'investissement dans Internationale Bookstores apparaît au bilan de cette filiale. Rien n'est illégal", insiste ce proche du président de la République. La deuxième entité offshore, constituée en 2008-2009 avec des voyagistes de plusieurs pays, a également été créée à la demande de ses partenaires, a affirmé M. Augier au quotidien, ajoutant qu'elle aurait été depuis rapatriée à Hongkong. M. Augier reconnaît toutefois qu'il a "peut-être manqué de prudence" en participant à la création de ces entités offshore, mais il souligne que ces opérations ont été faites à la demande de ses partenaires, dont un important homme d'affaires chinois. Ces révélations pourraient embarrasser encore plus le président socialiste français pris dans la tourmente du scandale de la fraude fiscale de son ancien ministre du Budget, Jérôme Cahuzac. "Même si ces opérations sont légales, fallait-il qu'un inspecteur des finances, membre de l'un des grands corps de l'Etat, et porteur des valeurs de la République, participe à de tels montages, cautionnant ainsi l'opacité financière des territoires offshore", s'interroge Le Monde.

"On cherche à ébranler notre système démocratique"

Interrogé sur BFMTV, cette fois à propos de l’affaire Cahuzac, Manuel Valls vient d’affirmer : "Jérôme Cahuzac nous a demandé pardon, aux uns et aux autres, par texto. Je n'ai pas envie de lui parler. Parce qu'il m'a trahi, parce qu'on se sent sale, parce que la démocratie est bafouée, parce que les Français assistent à un spectacle insupportable, parce qu'on voit bien qu'à partir de là, on cherche à ébranler notre système démocratique". Puis, le ministre de l’Intérieur a martelé à nouveau que, comme le président de la République et l’ensemble des ministres, il avait été pris au dépourvu par les aveux de l’ex-ministre du Budget, démentant une fois encore l’information selon laquelle l’Élysée avait été destinataire fin décembre d’une note blanche confirmant les affirmations de Mediapart.

Mais que fait la police ?

Dans un pays où les services de renseignement sont aussi performants et sophistiqués, cela est vraiment difficile à avaler. Et si tel était le cas, ce serait même inquiétant. En effet, comment imaginer un seul instant, pour qui connaît un peu les rouages de l’État, que les informations connues par quelques journalistes et relatives à des proches du président de la République soient totalement inconnues de celui-ci ? Abusé par son ministre du Budget, trahi par le trésorier de sa campagne présidentielle, ça commence à faire beaucoup. Soit M. Hollande est vraiment naïf et léger, soit il couvre des comportements condamnables et dans les deux cas c’est préoccupant et suffisamment grave pour que le chef de l’État prenne autre chose que les mesurettes annoncées hier.

Montebourg, l’empêcheur de tourner en rond(s) ?

On se demande aussi ce qu’attend Arnaud Montebourg pour enfin quitter ce Gouvernement avant qu’il n’en soit chassé comme un malpropre, lui qui a bâti l’essentiel de sa carrière politique en se faisant le chantre de la lutte contre les paradis fiscaux. Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls ne vient-il pas en effet de reconnaître que s'il avait été lui-même à la tête du Gouvernement, il aurait viré un ministre qui lui aurait fait les remarques qu'Arnaud Montebourg a faites en décembre à Jean-Marc Ayrault ? Ainsi, à la question de Jean-Jacques Bourdin : "Un de vos ministres vient vous voir et vous dit : 'Tu fais chier la terre entière avec ton aéroport de Notre-Dame-des-Landes, tu gères la France comme le conseil municipal de Nantes', vous lui dites quoi, vous le virez ? ", Manuel Valls a répondu "sans doute". La menace est à peine voilée, le message est limpide et le tout ressemble à s’y méprendre à la rhétorique sarkozyste : le clan avant tout, si tu n’es pas avec nous tu es contre nous. Je dirais que, dans la famille, c’est lui le chef. Qu’en pense Najat ?

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