BASF : un plan social et des questions en suspens

REPORTAGE – Après l’annonce d’un plan social par la direction du numéro un mondial de la chimie en septembre, 125 emplois sont menacés sur le site de Gerland (Lyon 7e). Après plusieurs négociations ces derniers mois, les salariés ont décidé jeudi d’une grève à durée indéterminée. Ils vivent cette situation comme une “trahison”.

Un cimetière en pleine zone industrielle. Ainsi nous apparaît, en cette fin avril, le siège historique de l’entreprise lyonnaise BASF, spécialisée dans la production de cosmétiques depuis plus de vingt-cinq ans. Pendu à la rambarde de la terrasse, un mannequin se balance au-dessus de dizaines de croix funèbres plantées dans la pelouse. Sur chacune, le prénom d’un salarié, avec parfois l’inscription en rouge sang “BASF”. Autant de signes manifestes du malaise engendré par le plan social de septembre dernier. Une ambiance mortuaire que résume Mathieu, 30 ans, salarié de l’entreprise depuis sept ans : “Depuis plusieurs mois, on a l’impression d’être traités comme des fantômes par BASF.” Car le conflit n’en est pas à ses débuts.

“Potentielle perte de compétitivité”

Septembre 2012. La direction de l’entreprise annonce une “réorganisation d’ampleur”. Sur 125 emplois, 60 doivent être supprimés, 20 seront maintenus et 45 salariés mutés sur l’autre site français de BASF, à Pulnoy, près de Nancy. Une mesure “incompréhensible” pour Serge Petrequin, 51 ans, membre du comité central d’entreprise et salarié depuis vingt et un ans à Lyon. “On nous a avancé comme principal argument une potentielle perte de compétitivité”, explique-t-il. Pour la direction du groupe BASF France, cette décision est la “conséquence du contexte économique actuel, qui affecte durablement le marché de la cosmétique”. Pourtant, le site de Lyon a dégagé des résultats nets positifs pour les exercices 2010 et 2011 (voir ci-dessous). “On leur a rapporté 6 millions d’euros de bénéfices en 2012”, ajoute Serge. Interrogée sur les chiffres avancés, la direction n’a voulu faire “aucun commentaire”.

“Comme si on était des incompétents”

Pascal, 43 ans et depuis vingt-deux ans sur le site, n’en revient pas. “Ce plan social ne doit pas bafouer nos valeurs. (…) On nous prend pour des amateurs alors qu’on est des professionnels de la chimie”, regrette-t-il. Comme les autres salariés, Pascal travaille sur les actifs, des substances présentes en petite quantité dans la plupart des produits cosmétiques. “C’est ce qui coûte le plus cher dans l’élaboration d’un produit”, précise Serge. Un travail technique et précis reconnu par les fleurons de l’industrie cosmétique. “On a quand même parmi nos clients principaux les marques L’Oréal, Estée Lauder et LVMH”, confie un autre salarié. Ces entreprises font confiance “depuis des années” au site de Gerland, selon plusieurs salariés, qui du coup se sentent “jetés comme des malpropres, alors que des gens ont passé ici une partie de leur vie”.

Ce qui n’est pas sans conséquences. “Cette situation me stresse tellement que je commence à avoir de l’eczéma”, glisse Éric, 30 ans, sur le site depuis huit ans. Il ajoute que “depuis septembre [date de l’annonce du plan social, NdlR] il y a eu une dizaine d’arrêts de travail, et je sais que les trois quarts sont sous antidépresseurs”, information confirmée par d’autres salariés. Interrogée sur ce point, la direction de BASF n’a pas répondu non plus à nos sollicitations.

L'espoir d'une issue “acceptable”

Le moral n’est pas au beau fixe, même parmi ceux dont l’emploi est maintenu. Valérie, 36 ans dont sept dans l’entreprise, confie ainsi se sentir mal à l’aise : “Mon poste n’est pas menacé, et ça me rend coupable par rapport aux autres qui le perdent.” Tous espèrent une issue “acceptable”. Un projet de reprise par Jean-Charles Foddis (directeur général de BASF Lyon-Gerland de 2006 à septembre 2012) est à l’étude. Il permettrait de sauver une cinquantaine d’emplois. L’intéressé confirme qu’il est “toujours en discussion avec BASF” mais ne peut pas “en dire plus”. Les salariés attendent la nouvelle réunion programmée ce mardi avec Nicola Kerfant, directeur général de BASF France. “Pour l’instant, on a du mal à le croire, mais on veut une reprise des négociations”, déclare Pascal.

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BASF Beauty Care Solutions France

en quelques chiffres

Chiffre d’affaires

2010 : 32 190 000 euros
2011 : 61 482 600 euros (+ 88,03 %)

Résultat net (bénéfice)

2010 : 5 576 400 euros
2011 : 6 715 900 euros (+ 18,31 %)

(Source : societe.com)

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