Ou comment s'offrir le dîner royal donné par la France en l'honneur du roi George VI et de la reine Elizabeth, souverains de Grande-Bretagne et d'Irlande, le 21 juillet 1938, dans le somptueux décor de la galerie des Glaces du château de Versailles.
Bien que la guerre menaçait, en cet été 1938, “on ressentait le besoin urgent de ranimer l'entente cordiale entre la France et la Grande-Bretagne*”.
1938 fut d'ailleurs la seule année avant la Seconde Guerre mondiale au cours de laquelle fut organisée une fête officielle.
Aux réceptions, galas, concerts et revues militaires succédèrent de fastueux banquets, véritables repas d'apparat. Et sur le sujet, le clou de cette visite officielle de quatre jours fut sans aucun doute le dîner du 21 juillet 1938.
Un banquet à 9 plats et autant de vins prestigieux. Entre Délices du lac d'Annecy à la Nantua arrosés de chevalier-montrachet 1926, cailles farcies à la Talleyrand agrémentées d'hospices-de-beaune cuvée Charlotte Dumay 1915, suprême de poularde de Bresse au beurre noisette avec les pointes d'asperge à l'étuvée et de château-yquem 1921 ou encore de truffes à la mode du Périgord et de château-latour 1904.
“En fouillant dans nos archives, explique Jean Burdy de la société Pernod, propriétaire de G.H. Mumm, on a réalisé que les champagnes Mumm avaient été servis pour des menus prestigieux depuis le XIXe siècle.” Ce soir-là, c'est un millésime 1911 de Mumm qui clôtura le banquet. À l'époque, la maison G.H. Mumm était déjà le fournisseur officiel de la cour royale d'Angleterre...
“Des festins antiques aux fêtes royales de Versailles, des banquets fraternels du siècle des Lumières aux somptueuses réceptions de Napoléon III, des banquets républicains aux dîners officiels donnés aujourd'hui par les chefs d'État, le banquet demeure un rituel collectif. On y officialise des amitiés, on y signe des traités, on y règle des différends tout en goûtant à la gastronomie du moment” explique-t-on chez Mumm, qui, historiquement, a toujours entretenu des relations privilégiées avec la gastronomie.
Greuze, future très grande table
À travers ses Menus de légende, Mumm fait revivre ces repas historiques qui ont ont jalonné l'histoire et qui sont intimement liés à la politique et aux rapports sociaux de l'époque.
Pour la région Bourgogne, c'est Yohann Chapuis, le jeune chef de la mythique maison Greuze, à Tournus, qui s'est “amusé” à revisiter le menu du 21 juillet 1938.
Passé à La Pyramide (Vienne), le lauréat du Taittinger 2004 et finaliste du concours du Meilleur Ouvrier de France 2011 rectifie : “C'était un super challenge mais on a bossé pendant plus d'un mois et demi avec la brigade. C'était colossal d'accorder les plats sur différents champagnes servis à des températures différentes.”
Un blanc de blancs de Cramant frappé n'a rien à voir avec un blanc de noirs de Verzenay à 10°C. Le premier est issu d'un seul cépage, le chardonnay, donc tout en fraîcheur avec des bulles très fines. Idéal sur le caviar d'Aquitaine.
Le second est 100 % pinot noir. Il est évidemment plus puissant. Plus élégant aussi.
Yohann Chapuis l'a d'abord servi avec une timbale de fetuccelle et truffes melanosporum, pressé de caille et foie gras de canard.
Le chef choisit ensuite de marier la cuvée à une aiguillette de canette aux griottines de fougerolles, salade de pommes de terre, céleri et émietté de truffes.
Pour le Brut Sélection, assemblage de 5 des 17 villages de Champagne classés grands crus, pinot et chardonnay, 12°C en température, on est déjà sur quelque chose de plus vineux.
Ce fut d'abord la quenelle d'omble chevalier et queues d'écrevisses, riz noir vénéré et sabayon au beurre de crustacés. Certainement l'un des plats les plus aboutis. Délicat, fin, classique et moderne à la fois et extrêmement raffiné.
Puis, changement de cap, avec la côte et selle d'agneau cuite en cocotte à la marjolaine, artichauts poivrades, pommes de terre rattes fumées et fruits secs.
On eut droit, comme en 1938, au granité de champagne, Mumm en 2013, Lanson il y a 75 ans, avec le classique citron vert et, petit bombe parfumée, un brin d'estragon.
Le sommelier carafa ensuite le champagne. La fameuse cuvée R. Lalou 1999 “se distingue par son élégance, sa puissance en bouche et sa palette aromatique complexe. Goûter la terre de G.H. Mumm, capturer son âme pour en respirer les arômes, voilà le signe de la Cuvée R.Lalou” dixit Didier Mariotti, chef des caves de la maison. Service à 14°C. Un très grand champagne, le meilleur de Mumm. Un vin qui peut attendre jusqu'à 30 ans en cave.
Poularde de Bresse en voile de noisette et pain grillé, asperges vertes rôties et sauce au vin jaune.
Truffes du Périgord et fromages de Bourgogne.
Mousse ananas Victoria comme un Vacherin.
Choco-fraise guariguette
Et les mignardises
* Jean-Claude Daufresne. Fêtes à Paris au XXe siècle : Architectures éphémères de 1919 à 1989 (éd. Mardaga).
Contexte historique de 1938
“Contre l’arrière-fond de guerre menaçante en Europe, une visite officielle en France fut organisée de la part des souverains britanniques, Georges VI et la reine Elizabeth. Le but explicite en fut de renouveler les rapports entre la France et la Grande-Bretagne et de mettre en relief le contraste entre les “démocraties libérales” et les dictatures. La visite fut encadrée par la mémorialisation de la Grande Guerre, à commencer par l’inauguration le 19 juillet 1938 du monument “Britannia” à Boulogne, jusqu’à la consécration du mémorial aux forces australiennes à Villers-Bretonneux le 22 juillet. Entre ces deux dates, toutes sortes d’événements furent organisés : réceptions, galas, concerts, visite au Louvre, et, le plus impressionnant peut-être, une grande revue militaire à Versailles dont les thèmes furent Guerre et Culture.” (Martyn Cornick. War, Culture and the British Royal Visit to Paris, July 1938, in Synergies Royaume-Uni et Irlande, n°4 – 2011 pp. 151-162. Université de Birmingham)
PRATIQUE
Le dîner Menu de légende G.H. Mumm est proposé au restaurant Greuze, à Tournus, tous les vendredis soirs de mai.
Prix : 159 euros par personne, champagnes compris.
1, rue Albert Thibaudet
71 700 Tournus
03 85 51 13 52
