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Les raisons du divorce de la droite lyonnaise

Vieilles rancunes et chances de victoire accrues en 2014 ont guidé Nora Berra et Emmanuel Hamelin vers Georges Fenech. En s'alliant avant de se rallier, les deux battus du second tour se sont évités de voler au secours de la défaite et se veulent faiseurs de roi. Michel Havard crie aux magouilles et veut construire sa victoire sur le ressort de la trahison. Georges Fenech, jusque là agressif, se pose désormais en rassembleur. Retour sur les heures qui ont chamboulé la primaire lyonnaise.

Au soir du premier tour, le visage de Georges Fenech trahissait mal son agacement et sa déception. Il avait prévu de virer en tête de la primaire lyonnaise et de snober le bal des alliances qu'il imaginait difficilement pencher en sa faveur. Arrivé second, 220 voix derrière Michel Havard, Georges Fenech a révisé son jugement. Mardi après-midi, il posait fièrement aux côtés de ses ralliés de circonstance. Son expression avait changé, redessinant le sourire carnassier et plein de morgue qui l'habite depuis le début de la campagne. En s'arrogeant les soutiens de Nora Berra et d'Emmanuel Hamelin, le député de Givors s'est placé dans des conditions idéales avant d'aborder le second tour de la primaire.

Il a réussi un coup de force, une manœuvre politique dont il a le secret. Et que redoutait le camp d'en face. Au-delà de la simple arithmétique des reports, c'est en termes d'image que Georges Fenech a frappé un grand coup. Il apparaît en rassembleur et peut désormais compter sur Nora Berra et Emmanuel Hamelin pour cogner sur son rival. "Nous formons un trio complet. Avec Emmanuel et Georges, nous représentons toutes les sensibilités de la droite et du centre. C'est une image forte et décisive pour les Lyonnais", analyse Nora Berra en plein exercice de service après-vente. Avec ses ralliements, Georges Fenech a créé une dynamique qui pourrait le porter à la victoire.

La compétence plus que l'amitié

Michel Havard qui pensait avoir fait le plus dur en virant en tête du premier tour se voit déstabiliser après ce coup de billards à plusieurs bandes. Il basait sa candidature sur sa légitimité de président du groupe UMP au conseil municipal et sur sa capacité à rassembler les élus. Georges Fenech vient de lui retirer cet état de service. En 2008, Nora Berra et Emmanuel Hamelin avaient soutenu Michel Havard. Pour Nora Berra, la loyauté avait même duré jusqu'au mois de janvier 2013. Aujourd'hui, pour justifier leur ralliement à Georges Fenech, ils dressent, en filigrane, les échecs de leur ancien "président". "Georges Fenech est le seul capable de battre Gérard Collomb", prévient Nora Berra.

En énumérant, les qualités du candidat qu'elle soutient, elle imprime, en négatif, les défauts de Michel Havard : "Georges a la compétence, la détermination et l'expérience pour battre Gérard Collomb". Emmanuel Hamelin va lui beaucoup plus loin : "Georges Fenech n'a peut-être pas encore de vrai programme mais c'est un bulldozer. Il n'a peur de rien. Il a la combativité pour affronter Gérard Collomb. Il proposera un programme plus innovant que Michel dont la vision du Lyon des 100 villages ne me paraît pas percutante".

Mettre Havard hors-jeu pour 2020

Au-delà des positionnements politiques de Michel Havard et de Georges Fenech, les choix de Nora et d'Emmanuel peuvent aussi avoir obéi à des ressorts personnels. En choisissant de s'allier avant de se rallier, les candidats défaits du premier tour ont voulu mettre toutes les chances de leur côté. Ils ont agi comme guidés par un instinct de survie après la claque électorale de dimanche soir. Difficile de ne pas voir dans leur choix, une volonté de plomber Michel Havard. En 2014, le scrutin apparaît comme difficilement gagnable pour la droite. Le sondage commandé par l'UMP, fin mars, donne Gérard Collomb élu dès le premier tour.

À droite, les candidats comme leur entourage savent qu'en cas de défaite, Georges Fenech quittera Lyon à la façon de Dominique Perben, en 2008, et laissera la droite en héritage à l'un de ses soutiens. Pour Nora Berra et Emmanuel Hamelin, parier contre Michel Havard revient à s'ouvrir des portes pour l'avenir. Affaiblir le président du groupe UMP au conseil municipal les fait, mécaniquement, remonter sur la scène politique lyonnaise. "Avec Nora, nous avons le même positionnement politique que Michel. On se ressemble trop, notre triumvirat n'aurait pas apporté de plus-value. Avec Georges, nous ratissons plus large", explique Emmanuel Hamelin. Fort de ce constat, ils pensent ainsi bénéficier d'une plus grande exposition durant la campagne des municipales.

"Une décision purement politique"

Dans le camp de Nora Berra comme d'Emmanuel Hamelin, on réfute en bloc l'idée d'un marchandage. "L'un comme l'autre étaient d'accord avec mes demandes, il n'y a pas eu de blocages. La décision s'est faite sur des critères purement politiques", estime un des deux ralliés. Lors du premier tour, Georges Fenech a payé son manque de soutiens dans les arrondissements qu'il avait le moins travaillé et où Michel Havard a accentué son avance. Lors des négociations d'entre deux tours, le député de la 11e circonscription a récolté les fruits d'une implantation tardive : son programme reste en partie à écrire et ses listes ne sont pas encore remplies. Ainsi Georges Fenech avait plus de latitude pour accéder aux requêtes des battus du premier tour. Les deux ralliés jurent aussi que l'affect n'a pas compté dans leur décision. Et que le ralliement à Georges Fenech en est d'ailleurs la preuve. "Pour nous, il aurait été plus simple de se rallier à Michel. Personne n'aurait parlé de trahison puisque tout le monde aurait trouvé ce choix normal", estime l'entourage d'Emmanuel Hamelin.

Des rancœurs tenaces

"De fait, depuis qu'Emmanuel a contesté le leadership de Michel Havard il y a trois ans, il était considéré comme un traître. Il n'avait plus le droit de prendre la parole au conseil municipal. Sur le terrain, les équipes de Michel Havard n'ont pas été tendres avec lui. Ils l'appelaient le looser. Il a encaissé les brimades mais nous n'avons pas oublié ceux qui ont voulu le dézinguer", glisse l'entourage d'Emmanuel Hamelin. Le conseiller municipal de la Croix-Rousse évoque aussi le manque de loyauté de Michel Havard qui lui a refusé un mandat au Grand Lyon et n'a pas bougé le petit doigt quand l'UMP l'a retiré des listes des régionales. Chez Nora Berra, la fin de la loyauté envers Michel Havard date du refus du président du groupe UMP au conseil municipal de la soutenir pour l'investiture dans le 6e aux législatives. "Ils savaient qu'avec Michel Havard ils ne seraient que conseillers d'arrondissement. Ils ont fait un choix politique, ils savent que Georges Fenech est un candidat qui tient la route. J'aurais été choqué de les voir s'allier derrière quelqu'un qui ne fait pas le poids", estime l'entourage de Georges Fenech.

"C'est ça l'amitié en politique"

24 heures après l'annonce des ralliements, le camp de Michel Havard ne digère pas. "Dans ses discussions avec Emmanuel et Nora, Michel leur a dit qu'il n'était pas question de se partager des postes qui n'existaient pas encore. Georges Fenech leur a fait des promesses qu'il ne pourra jamais tenir. Tout s'est joué à Paris dans le bureau de Jean-François Copé. Nora Berra croit qu'elle va rester députée européenne et Emmanuel Hamelin pense qu'il sera sénateur mais ils vont être déçus. Ils auraient dû nous soutenir : ils sont plus proches de nous politiquement. Christophe Guilloteau, Philippe Meunier ou Philippe Cochet soutiennent Georges Fenech et détestent Nora Berra. Dès lundi matin, ils vont se la payer. Le soutien d'Emmanuel Hamelin est moins choquant politiquement mais beaucoup plus humainement. Avec Michel, ils avaient dealé qu'ils se soutiendraient si l'un d'eux n'étaient pas au second tour. Il n'a pas respecté son engagement. C'est ça l'amitié en politique", fulmine un proche de Michel Havard.

Le sens du ballotage s'est inversé en vue du second tour de la primaire UMP. Avec deux soutiens de poids, Georges Fenech apparaît désormais comme le favori et va s'atteler à placer la semaine sous le signe du rassemblement. Chez Michel Havard, l'image du trahi va être cultivée, tout comme la lyonnitude de leur candidat opposé à un parachuté téléguidé par Paris. "Les gens sont scandalisés par cette alliance et outrés par ses magouilles électoralistes. Des nombreuses personnes nous ont rejoints pour nous aider", note l'entourage du président du groupe UMP au conseil municipal.

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