Derrière la défaite de Fenech, l’échec de la Manif pour Tous

Ils voulaient devenir une sorte de Tea Party pour la droite, une boîte à idées conservatrices, une machine à broyer les positions progressistes à droite. La Manif pour Tous a raté la transformation de son mouvement de rue en n’arrivant pas à peser sur les primaires lyonnaise et parisienne.

À dix jours des primaires lyonnaise et parisienne, Ludovine de la Rochère promettait que la vie politique, en particulier à droite, allait connaître un avant et un après la Manif pour tous. “Nous nous exprimerons de manière non partisane pour faire entendre notre voix auprès des candidats aux élections, pour les sensibiliser à nos actions. Actuellement, l'UMP organise des primaires à Paris et à Lyon et nous ferons connaître leur vote ou leurs positions sur la loi Taubira. Chaque électeur en tirera les conséquences”, prévenait-elle dans les colonnes de Lyon Capitale. Les propos émanant des responsables d'un collectif qui a réussi à réunir dans la rue à trois reprises des centaines de milliers de Français, un million pour les organisateurs, faisaient frémir les politiques. À Paris, la Manif pour Tous avait même lancé un appel à faire battre Nathalie Kosciusko-Morizet. L'UMP avait craint que les “bigots-bitumes”, pour reprendre la malicieuse appellation d'André Vianès (chroniqueur de Lyon Capitale TV), ne faussent leur scrutin et ne fassent capoter l'implantation parisienne de NKM.

Paris, Lyon : des consignes peu respectées

Élue dès le premier tour par les militants UMP, Nathalie Kosciusko-Morizet a enfoncé un coin dans le rôle politique que peut jouer la Manif pour Tous. À Lyon, la victoire de Michel Havard a confirmé leur faible poids politique. Les leaders lyonnais du collectif avaient en effet appelé ses adhérents à privilégier Georges Fenech. “Nous n'avons pas lancé d'appel, nous avons gardé une certaine réserve. On a constaté que certains candidats avaient pu nous soutenir plus que d'autres et nous l'avons souligné. Cosette et Gavroche [une entité qui lutte aussi contre la loi Taubira, NdlR) l'a fait, mais nous ne voulions pas autant nous politiser”,se justifie Jean-Baptiste Labouche, l'un des cadres locaux de la Manif pour Tous. Le camp Fenech, durant la campagne, a multiplié les appels du pied à leur destination, espérant trouver un réservoir de voix pour battre Michel Havard. L'entourage de ce dernier, plutôt peu en première ligne des manifestations, redoutait "un vote de la vertu". Il n'est jamais arrivé. “Je n'ai pas vu leur effet. Seules quelques personnes sont allées voter pour nous. Ils ont montré qu'ils sont avant tout un mouvement citoyen”,analyse un proche de Georges Fenech. Les 1 500 adhérents que Michel Havard et Georges Fenech pouvaient imaginer comme non négligeables n'ont finalement pas pesé dans la balance des primaires. Pas plus qu'à Paris. La Manif pour Tous a démontré, par son échec à influer sur la primaire, que son socle est religieux avant d'être politique. “Dans le 2e et le 6e, Georges Fenech n'aurait pas fait un si bon score au premier tour. La Manif pour Tous a joué pour un candidat qui était à Lyon depuis trois mois et qui fait 35 % sur ces arrondissements. De même que l'apport de Nora Berra lui a joué des tours auprès de ces mêmes personnes”, nuance Damien Gouy-Perret.

Une victoire sur le plan des idées ?

“Si nous n'étions pas intervenus dans le débat lyonnais, Georges Fenech aurait peut-être perdu beaucoup plus largement. Nous ne saurons jamais. Nous avons exprimé nos pensées et chaque adhérent a fait ce qu'il a voulu. Je veux juste que nos idées avancent plus que la victoire de tel ou tel candidat. À Lyon, les deux candidats ont répondu de manière favorable à notre questionnaire. Nous avons fait sortir Michel Havard de sa réserve sur la loi Taubira et la théorie du genre. Les deux ont fait preuve de beaucoup de zèle pour nous répondre, alors qu'en novembre notre collectif n'existait pas. En ce sens, nous avons gagné”,se réjouit Jean-Baptiste Labouche. La victoire pourrait n'être que de courte durée. Les candidats lyonnais comme parisiens ont vu que les consignes de la Manif pour Tous étaient plutôt inaudibles électoralement. Lors des prochaines échéances, ils répondront peut-être plus hâtivement à leurs questionnaires. Comme pour Michel Noir, la primaire a montré que l'influence de la Manif pour Tous était surtout fantasmée.

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