Le Canard Enchaîné révélait mercredi dans ses pages une erreur juridique commise en 2004 par le ministère de la Justice, dirigé à l’époque par Dominique Perben. Pour la présidente du Syndicat de la magistrature, Michel Mercier, ancien Garde des Sceaux endosserait également une part de responsabilité.
Depuis mercredi, les critiques sur un prétendu "laxisme de la droite" fusent. En effet, une erreur juridique vieille de neuf ans aurait entrainé des détentions arbitraires. 3.499 dossiers pourraient être concernés. La source du problème remonte à 2004 lorsque le ministère de la Justice de Dominique Perben (UMP, ancien député du Rhône) créé un décret définissant les actes pouvant interrompre le délai de prescription d’une peine. En effet, en droit pénal, une condamnation peut devenir obsolète et ne plus être applicable au bout de 5 ans (pour les délits) et 20 ans (pour les crimes) dans l’hypothèse où la condamnation n’aurait pas été appliquée pour une raison quelconque. Avec le "décret Perben", certains actes peuvent interrompre cette prescription et remettre "les compteurs à zéro". Or, en juin 2013, la cour de cassation rendait un arrêté jugeant que ces actes doivent être définis par une loi et non par un décret.
Une faute grave
Bourde ou volonté politique ? Françoise Martres, présidente du Syndicat de la Magistrature s'interroge : "Certaines procédures de droit concernant la prescription sont très complexes. L’erreur n’est donc pas à exclure". Pour autant, elle ne balaye pas la possibilité d'un acte délibéré. "Cela a peut-être été fait volontairement, de sorte à éviter le débat parlementaire que déclenche la mise en place d’une loi", présume-t-elle.
Il en va donc de la responsabilité du ministère de Dominique Perben, "mais pas seulement", alerte Françoise Martres qui a également dans son viseur l'autre local de l'étape, Michel Mercier. Il faut dire que ce dernier, alors qu'il était locataire de la place Vendôme, avait relevé l'erreur de son ami Perben. Le décret a donc été supprimé et remplacé par une loi "mais rien n’a été fait pour vérifier la situation des détenus incarcérés pendant la période où courait le décret. Il aurait pourtant fallu alerter le ministère et prendre une décision en Cour de cassation", déplore la magistrate. "Et ce n’est pas qu’un problème juridique, mais un problème de liberté individuelle et la ministre n’y peut rien".
La présidente du syndicat de la magistrature, réputé pour son opposition farouche au gouvernement Fillon sur bon nombre de sujets, voit dans cette loi de début 2012, un coup de gomme en toute discrétion. Une correction en surface qui n'aurait pas traité le problème dans son intégralité. "On cherchait toujours à contourner la loi et je pense que le gouvernement qui remettait toujours la faute sur notre ministère n’a pas voulu prendre ses responsabilités et s’engager dans le polémique", raconte-t-elle.
Six détenus ont déjà été libérés
Aujourd’hui 3.499 cas devront être réexaminés. Il s'agit de vérifier si au moment de mettre à exécution leur peine, des actes interruptifs de prescriptions avaient eu lieu. En quel cas, les détentions seraient alors non valables et considérées comme "arbitraires". Treize cours d’Appel ont déjà pu vérifier 848 condamnations. Six détenus ont déjà été libérés les 26 et 30 juillet. Des dizaines pourraient suivre car 27 cours d’Appel sont concernées. Les victimes de ces condamnations arbitraires pourraient s’adresser à la Commission des indemnisations et réclamer réparation à l’Etat pour le préjudice subi.