Alors que nos prélèvements obligatoires – c’est-à-dire l’ensemble des impôts, taxes et droits affectés à l’Etat et aux collectivités locales, plus la totalité des cotisations sociales – battent des records (46,5 % du PIB), il est bon de rappeler quelques faits et chiffres incontestables :
– 1,5 % des ménages français paient 40 % de l’impôt sur le revenu, qui aura cent ans en 2014 (mais il y a fort à parier que personne ne sera assez timbré pour célébrer cet anniversaire…) ;
– à peine la moitié des ménages s’acquitte de ce même impôt, qui n’a rapporté l’an dernier que 65 milliards d’euros, soit trois fois moins que la TVA ;
– la CSG, instaurée en 1990 par Michel Rocard, est le deuxième impôt français et rapporte à lui seul quelque 75 milliards ;
– dans de nombreux pays européens (Italie, Espagne, Pays-Bas, Royaume-Uni…), les contribuables sont soumis à l’impôt sur le revenu dès le premier euro et lorsqu’un seuil de déclenchement existe, comme chez nos voisins belges et allemands, il est très nettement inférieur au nôtre ;
– les Français qui ont une activité déclarée (et ceux qui ont les salaires les plus bas n’y échappent certes pas) sont les plus lourdement taxés : les travailleurs sont de plus en plus pauvres ;
– alors que tous les résidents (au sens juridique du terme) bénéficient de l’assurance maladie et de la politique familiale, les cotisations pèsent de façon quasi exclusive sur les revenus du travail : seulement 20 % des revenus réels du capital se retrouvent dans la base de l’impôt, quand plus de 90 % des revenus réels du travail sont imposés au barème dit progressif ;
– on retrouve moins de 15 % des revenus financiers réels dans la base d’imposition : le total des dividendes reportés dans les déclarations de revenus atteint 13 à 14 milliards d’euros (moins de 1 point de revenu national), alors que les allocations chômage y sont deux fois plus élevées (28 à 29 milliards d’euros).
Un imbroglio régressif
Les gouvernements qui se sont succédé depuis trente ans se sont contentés, essentiellement par manque de courage, d’annonces médiatiques et de cosmétique, et n’ont jamais repensé notre système fiscal en profondeur, lequel, loin d’être progressif, s’est transformé en un imbroglio injuste et régressif, dépréciant au fil du temps la valeur du travail, au bénéfice des oisifs et/ou des fraudeurs.
De niches exotiques en exemptions fantaisistes, d’impôts indirects empilables en taxes locales pharaoniques (84 % d’augmentation des recettes fiscales en 10 ans à Lyon, voir notre enquête dans Lyon Capitale-le mensuel d'octobre*), de transferts sociaux idéologiques en renvois d’ascenseur catégoriels, le système est devenu totalement illisible pour la plupart des citoyens ; ce sont en fait l’économie souterraine et le travail au noir qui ont gagné du terrain, comme autant de soupapes d’un système au bord de l’explosion, où l’exception est devenue la règle. D’après une récente étude parlementaire, le montant de la fraude sociale annuelle est ainsi estimé à 20 milliards d’euros – et le travail au noir en représenterait à lui seul les deux tiers.
Une fraude supérieure au trou de la Sécu
Dans son rapport rendu public le 17 septembre, la Cour des comptes a une fois encore tiré la sonnette d’alarme : le déficit de la Sécu devrait atteindre (comme en 2012) 17,3 milliards d’euros, soit 3 milliards de moins que le montant de la fraude. De quoi remettre les pendules à l’heure. Ce n’est pas d’une “pause fiscale” dont les Français ont besoin, ni même d’une pause dans la pause. Il est a contrario urgent que tous les résidents – personnes physiques comme morales – soient enfin considérés comme des résidents fiscaux à part entière.
En d’autres termes : la redistribution oui, mais à condition que le système fasse à nouveau consensus et que chacun (c’est-à-dire tous) paie sa quote-part de façon juste et équitable, en fonction de ses moyens et de ses efforts réels pour la collectivité. François Hollande aura-t-il ce sens de l’intérêt général, qui a tant fait défaut à son prédécesseur ? Récompensera-t-il enfin le travail, le talent, les efforts, ou se bornera-t-il, à l’instar de Nicolas Sarkozy, à flatter de prétendues clientèles électorales, lesquelles diminuent comme peau de chagrin ? Si le pire n’est jamais sûr, on ne peut cependant s’empêcher de penser à la chanson de Dutronc. Merde in France, cacapoum cacapoum.
* En vente en kiosques dès ce vendredi 27 septembre, et dans notre boutique en ligne.
et le consensus mou n'est pas là pour arranger les choses…