Alors que les commissions parlementaires vont examiner, mi-octobre, le budget dévolu à l’enseignement supérieur et à la recherche, les présidents d’université tirent la sonnette d’alarme. Selon eux, la loi sur l’autonomie les a mis dans le rouge.
Suppression d’heures de cours, gel de postes, non-remplacement des départs à la retraite, travaux dirigés transformés en cours magistraux… Les présidents d’université tirent la sonnette d’alarme. “Les universités sont en limite de faillite, peste Marc Neveu, secrétaire général du Syndicat national de l’enseignement supérieur (Snesup). Si elles ne sont pas encore toutes en déficit budgétaire, la plupart sont dans le rouge pour les étudiants et l’exercice de l’enseignement.” À Montpellier, la présidente de l’université Paul-Valéry n’a pas hésité à menacer. Face à un trou de 3 millions d’euros, Anne Fraïsse a annoncé lors de son dernier conseil d’administration deux mesures choc : la fermeture de l’antenne de Béziers, où sont inscrits quelque 1 500 étudiants, et le tirage au sort des étudiants pour la première année d’inscription. “Montpellier 3 n’est pas la seule université à avoir de grosses difficultés, assure Marc Neveu. Lille, Strasbourg, Toulouse 2, Paris 1… sont des universités prestigieuses qui sont mal.” Dans un récent rapport, la Cour des comptes juge la situation financière de l’université Paris 13-Nord “très dégradée”.
La responsable de cette situation, c’est la loi LRU
En 2013, 15 universités étaient en déficit budgétaire, elles ne seraient plus que 3 sur un total de 103, selon la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Geneviève Fioraso. Mais 38 d’entre elles ont un fonds de roulement inférieur à trente jours*… Pour le secrétaire du Snesup, comme pour la présidente de Montpellier 3, la responsable de cette situation c’est la loi LRU, relative aux libertés et responsabilités des universités, votée en 2007 par le gouvernement Sarkozy. En particulier, les responsabilités et compétences élargies (RCE) que celle-ci a attribué à chacune des universités françaises. En clair, les universités sont autonomes et doivent gérer leur masse salariale. Dans la ligne de mire des présidents : le “glissement vieillesse technicité” (GVT), qui alourdit la masse salariale de 60 millions d’euros. “Normalement, le GVT devrait être à l’équilibre entre les arrivées et les départs, souligne Marc Neveu. Mais, comme le personnel est vieillissant et avec la modification de l’âge de départ à la retraite, il coûte trop cher.” Selon lui, le GVT devrait être compensé par l’État.
Les universités sont sous-financées
Mais la loi est-elle la responsable de tous les maux ? “C’est un secret de polichinelle que les universités sont sous-financées, explique Jean-Michel Catin, directeur de la rédaction de l’agence d’information spécialisée AEF. Depuis la loi LRU, on leur a en plus transféré des compétences ultracomplexes et elles doivent faire des choix.” Le premier bilan de l’autonomie, dressé par un rapport du Sénat, n’est pas non plus convaincant : “Cinq ans après l’adoption de la loi LRU, force est de constater que moins d’une dizaine d’universités françaises ont mis en place une comptabilité analytique”, écrivent les sénateurs.
“C’est tout le modèle de l’enseignement qu’il faut remettre en cause”
“Il y a un sous-financement global [le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche est de 26 milliards d’euros, derrière l’enseignement scolaire et la défense, NdlR], c’est clair, mais il y a aussi une mauvaise répartition des dotations, rebondit Jean-Michel Catin. Par exemple, certaines universités perdent beaucoup d’étudiants, d’autres explosent, mais pour autant les dotations ne s’équilibrent pas. La dotation par étudiant à Lyon 3 est de 4 300 euros, elle est de 20 000 euros à Bordeaux ! La formation continue représente un potentiel de 30 milliards d’euros, mais elle est sous-exploitée. Sans parler du patrimoine immobilier et de son utilisation. Il y a trop de mètres carrés en France, trop de salles de classes non utilisées, et les écarts entre universités sont trop importants. Quand Lyon 3 utilise 2 mètres carrés d’enseignement par étudiant, Bordeaux en utilise 11. C’est un vrai problème.”
Autres raisons qui expliquent la crise des universités françaises : le manque de personnel de soutien. “C’est une aide pour les enseignants dans la préparation des cours ou dans les tâches administratives, poursuit le spécialiste. À Versailles, le ratio est de 0,53 alors qu’il est de 3,40 à Genève et 5,38 à Heidelberg !” Ou encore le nombre de masters. C’est ce que reproche Geneviève Fioraso à la présidente de Montpellier 3. Là-bas, le nombre de mentions de masters est évalué à 160. “Certes, ils sont nécessaires pour les matières très spécifiques, reconnaît Jean-Michel Catin. Mais chaque prof veut son master, et c’est une contrainte budgétaire importante.” Pour le directeur d’AEF, “c’est tout le modèle de l’enseignement qu’il faut remettre en cause”. Il y a quelques mois, l’Association européenne des universités rendait son classement. Sans appel. L’autonomie académique des universités en France est classée 29e sur… 29.
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* Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.