Le cinéaste Christophe Honoré fait son entrée dans le domaine de la mise en scène d’opéra, avec des Dialogues des carmélites de Poulenc comme taillés sur mesure pour cet élégant Parisien le vent en poupe.
Confier sa première mise en scène d’opéra à un “novice” peut parfois s’avérer une prise de risque... Il se trouve que là, pas vraiment. Si, d’un point de vue marketing, la cote de popularité du réalisateur de Dix-sept fois Cécile Cassard, des Chansons d’amour ou de La Princesse de Clèves va bon train auprès d’un public fréquentant aussi bien les pages de Télérama que les strapontins de l’opéra de Lyon, l’on doit dire que d’un point de vue purement artistique l’œuvre de Poulenc/Bernanos paraît taillée sur mesure pour ce Parisien habile au charme discret. Car, tout comme les personnages des films d’Honoré, la jeune Blanche de Force a peur, peur du monde qui l’entoure.
Nous sommes en 1789, il est bientôt l’heure de couper des têtes, la révolution gronde, la Terreur guette. Blanche entre dans les ordres en rejoignant le carmel de Compiègne, pensant y trouver cadre et protection. Mais la révolution ne croit pas dans ce Dieu, qui devient un ennemi condamnable, et la peur continue de hanter Blanche : peur de la mort à présent... et Dieu qui semble l’abandonner. À l’été 1794, les religieuses seront arrêtées. L’opportunité sera offerte à Blanche d’échapper à la guillotine, mais elle y renoncera et rejoindra ses sœurs. Le tableau final est un classique, dans lequel les voix des religieuses s’éteignent une par une au rythme des nuques tranchées par la guillotine.
Cette peur abstraite, chronique, latente, Honoré l’a longtemps traquée dans ses films, la peur de l’amour, d’être heureux simplement. Les angoisses de Blanche offriront certainement ici au cinéaste un terreau rêvé.
Jeunesse et sensualité
Mais là n’est pas le seul fil qui relie l’opéra à la sensibilité d’Honoré. L’on peut aisément tracer des parallèles entre la ligne mélodique tout en épure de Francis Poulenc et l’élégance à demi-mot du réalisateur, côté très français fuyant le vulgaire et le bariolé.
La jeunesse, la sensualité sont présentes également : quoi de plus sensuel qu’une horde de religieuses soudain abandonnées par leur seul repère, leur Dieu bien-aimé ? Honoré est coutumier des personnages féminins border line, empreints de fragilité. Avouons que ces carmélites en perdition n’ont rien à envier aux héroïnes tourmentées de ses films. On sent donc le metteur en scène en terrain familier pour ses débuts dans le monde de l’opéra, d’autant que le cinéma s’en mêlera, via le recours à la vidéo.
Côté direction d’orchestre, Kazushi Ono fera sa rentrée à la tête de l’orchestre de l’Opéra de Lyon, Alan Woodbridge quant à lui rempile à la préparation des chœurs : tout le monde semble donc jouer à domicile pour cette ouverture de saison, sinon en grande pompe (Poulenc n’aurait sans doute pas apprécié), tout en raffinement et volupté.
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Dialogues des carmélites. Du 12 au 26 octobre, à 20h (sauf dimanche 16h), à l’opéra de Lyon.