La taxe farce

À l’origine, il y a l’argument démagogique du candidat à la présidence d’imposer à 75 % les revenus supérieurs à 1 million d’euros, qu’accompagnait la déclaration “Je n’aime pas les riches”. Quand il s’agit de mettre cette proposition en œuvre, elle se heurte à de nombreuses difficultés et à l’opposition du Conseil constitutionnel. Comme il faut cependant préserver l’image pourtant très détériorée de l’autorité (sic) présidentielle, l’impôt devant être payé par les titulaires de ces hauts revenus est remplacé par une taxe à laquelle sont assujetties les entreprises payant des salaires supérieurs à 1 million d’euros.

À la limite, fixer un seuil d’imposition à 75 % sur les très hauts revenus pourrait se comprendre ; ce serait excessif, mais ce ne serait pas injuste de manière générique, l’impôt étant payé par les titulaires des revenus. Mais taxer les entreprises qui payent ces salaires n’a aucun sens, que ce soit en termes de logique, d’économie, ou même de justice fiscale.

Cette taxe exonère en effet quelques centaines (quelques milliers ?) de commerçants individuels, de médecins, d’avocats, de notaires, de greffiers de tribunaux de commerce (eh oui), d’artistes, qui perçoivent des revenus, des honoraires, des droits, qui respirent puisqu’ils échappent à la taxe, les salariés aussi d’ailleurs puisque ce sont leurs employeurs qui paieront. Où est la justice de cette mesure ?

Il faut aussi s’interroger sur l’efficacité de la taxe. La réponse est effarante quand on descend dans les détails de cette affaire. Quels sont les salariés qui perçoivent de tels revenus ? Des stars dans leurs domaines, quelques traders, quelques hauts dirigeants ; bien entendu, ce ne sont pas des TPE ou des PME qui payent des salaires de cette nature, seuls quelques grands groupes, quelques banques sont en capacité de le faire. Et ils s’organisent, ils sont en train d’expatrier à Londres, à Bruxelles leurs salariés à 1 million d’euros, ce n’est pas un problème avec l’Eurostar, le Thalys, les mails, les portables ; les entreprises y gagnent, les salariés aussi. Il serait intéressant à cet égard d’estimer la perte induite pour l’économie française et les finances publiques.

Un championnat bientôt réduit à un duel PSG/Monaco ?

Alors il ne reste que les clubs de foot, car eux sont collés à la glèbe des stades ; ils seront virtuellement les seuls à payer la taxe. Les clubs recrutent de grands joueurs payés très cher pour une seule raison : demeurer dans la course des compétitions. À vrai dire, ils n’ont pas le choix : les clubs ne brillent, ne remplissent les stades que parce qu’ils ont de grands joueurs qui “font le spectacle” et assurent le résultat ; ces joueurs – c’est la conséquence naturelle de l’offre et de la demande – peuvent obtenir et réclamer des rémunérations très élevées (exorbitantes peut-être, mais c’est une autre question) car ils sont rares, presque uniques, et si ce n’est pas un club français qui les emploie, ils iront ailleurs et n’auront aucune difficulté à le faire.

Enfin, les clubs franco-français ne peuvent évidemment pas tenir, ils vont donc “vendre” leurs joueurs de prix et le championnat se résoudra à un duel entre le PSG, financé sans limite par le Qatar (pour combien de temps ?), et Monaco qui ne paye pas la taxe puisque le club n’est pas assujetti à l’impôt français. Quant aux résultats de la taxe pour les finances publiques, ils seront insignifiants, tout le monde le sait, pendant les deux ans où elle est censée s’appliquer.

Avec la suspension de l’écotaxe – en réalité sa suppression alors que les portiques s’en vont en fumée –, ne serait-il pas raisonnable de renoncer aussi à cette taxe qui ressortit à la farce et sombre dans le ridicule. Elle est un symbole, certes, mais la France ne veut plus de symboles, elle aspire à autre chose au travers d’un rejet général, transversal, en définitive inquiétant.

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