Guatemala Mara 1
© Miquel Dewever-Plana

Guatemala : photos de l’“autre guerre”

Jusqu’au 26 mars, l’atelier Item expose le travail du photojournaliste Miquel Dewever-Plana sur l’“autre guerre”, celle qui sévit dans les quartiers du Guatemala. En intégrant le quotidien des membres des maras, ces gangs ultraviolents qui s’affrontent en terrorisant la population, le photographe raconte cette guerre silencieuse qui tache chaque jour les rues de sang.

Guatemala, l’autre guerre © Miquel Dewever-Plana

© Miquel Dewever-Plana

Lorsqu’on entre dans la galerie, on ne sait pas encore à quel choc s’attendre. Au premier abord, une série d’une quarantaine de photos, des textes, des témoignages, ainsi que quelques chiffres… Mais la couleur y est rapidement annoncée : 14 millions d’habitants au Guatemala et 18 assassinats en moyenne par jour, dont 98 % sont classés sans suite.

Un travail documentaire

Guatemala, l’autre guerre © Miquel Dewever-Plana

© Miquel Dewever-Plana

Au Guatemala, classé deuxième pays le plus dangereux du monde, la violence est inscrite dans l’histoire, depuis le génocide perpétré contre les Mayas (1960-1996) par les dictatures militaires. Aujourd’hui, le gang offre aux adolescents, parfois très jeunes, un repère identitaire fort et la sensation d’appartenir à une famille, loin des yeux de la loi et de la justice.

Meurtres, viols, extorsions, narcotrafic, traite de personnes, prostitution, trafic d’armes… depuis plus de dix ans Miquel Dewever-Plana observe cet environnement où filles et garçons surarmés s’entretuent tous les jours et où la mort est devenue une banalité au coin de la rue. Le photographe s’y est quasiment “intégré” afin de gagner la confiance des jeunes acteurs de cette guerre et de pouvoir témoigner de leur vie.

On comprend vite en lisant les témoignages que c’est très jeunes que les Guatémaltèques rejoignent l’une des deux principales maras rivales : la Mara Salvatrucha (ou MS 13) et celle du Barrio 18. Chacune compte environ 20 000 personnes, tous sexes confondus, âgés en moyenne de 8 à 25 ans.

Tatoués

Guatemala, l’autre guerre © Miquel Dewever-Plana

© Miquel Dewever-Plana

Sur les photos, les sujets sont très souvent tatoués de la tête aux pieds. Une volonté d’affirmer son appartenance à sa mara, puisque, là où ces jeunes vivent, leur corps est “la seule chose qui leur appartient”, explique Felipe P., psychologue dont le témoignage figure dans l’exposition.

“Lorsqu’ils en arrivent à se tatouer le visage, c’est comme un suicide social et une façon, sûrement inconsciente, de provoquer un sentiment de culpabilité et de honte, non seulement vis-à-vis des parents, mais aussi de l’ensemble de la société, une société qui les a poussés à devenir des pandilleros”, aujoute Felipe P.

Malgré tout, c’est sans la volonté de juger que le photographe capture les courts instants de vie de ces mareros (ou pandilleros, membres d’un gang). Il tient à montrer que derrière un lourd passé qu’aucune peine ne saurait suffisamment purger, derrière cette multitude de tatouages effrayants, se cache un être humain.

Humanité

“Qu’aurions-nous fait à leur place ?” demande implicitement le photographe, avant de rappeler que ce problème d’extrême violence est majoritairement sociétal : “Ils sont 20 000 dans chaque mara. Il n’y a pas 40 000 psychopathes au Guatemala…” Mais, dans un pays où règnent pauvreté extrême, chômage, échecs de politiques et où aucune perspective d’avenir n’est présentée, dans un pays où la police est largement corrompue, où la prison est devenue le quartier général des mareros et les crimes sont impunis, et sans oublier un pays dominé par un cruel manque d’éducation, les problèmes familiaux, l’alcoolisme, les violences conjugales et très souvent de l’inceste… seuls deux tristes choix finissent par se proposer : subir la violence ou l’infliger.

Dignes, belles et distantes. Ce que traduisent ces images relèvent plus de l’humanité que de l’indignation. Elles expriment un certain silence, peut-être celui avec lequel cette autre guerre ne dit pas son nom, ou celui qui, devant une telle impuissance, nous oblige à nous taire lorsqu’on sort de cette exposition.

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L’Autre Guerre. Jusqu’au 26 mars, à l’Item Atelier, 3 impasse Fernand-Rey, Lyon 1er. Lundi au vendredi 10h-17h, samedi 14h-18h.

> Pour aller plus loin, nous vous suggérons de visionner Alma, une enfant de la violence, le webdocumentaireréalisé par Miquel Dewever-Plana et Isabelle Fougère (produit par Upian, Arte et l’agence Vu).

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