Tauberbach Alain Platel
Tauberbach

Alain Platel : les voix de la danse

Dans le cadre de son festival “sens dessus dessous”, la Maison de la danse accueille, au sein d’une programmation qui fait place à la jeune création, le grand chorégraphe et metteur en scène belge Alain Platel.

Tauberbach, la dernière pièce d’Alain Platel, est inspirée d’Estamira, un documentaire de Marcos Prado racontant l’histoire d’une femme atteinte de schizophrénie qui vit et travaille dans une décharge autour de Rio.

Alain Platel revient ici sur ses thèmes de prédilection, qui firent ses grands succès, ceux de l’errance sociale, la vie des plus démunis, des laissés-pour-compte qui traînent des corps délabrés et chaotiques. Si, dans ses mises en scène, la frontière entre danse et théâtralité était souvent floue, pour cette création l’intention est plus clairement énoncée, car c’est l’actrice du Nederlands Theater Gent Elsie de Brauw qui a souhaité réaliser avec lui un spectacle unissant danseurs et acteurs. Mais, plus que de théâtre, le chorégraphe traite de personnages, d’identités, de créatures, dont cette femme qui ne cesse de parler.

Des voix aux sens

Sur scène, plusieurs tonnes de vêtements illustrent le dépotoir de sa vie. Elle parle avec des voix dans sa tête. Hantée par son combat journalier dans un monde ou vivre et survivre ne font qu’un, elle essaie d’exorciser l’énergie négative qui s’est entassée en elle en récitant une série infinie de formules, telle “Stay in control ! Stay in control !” Mais, des coins de sa tête, surgissent d’autres personnages qui eux ne parlent pas et la forcent à utiliser ses sens pour ressentir la vie d’une autre manière et faire en sorte que son imagination lui permette d’accéder à une paix intérieure relative. Ils l’amènent aussi à découvrir son corps et probablement un semblant de dignité dans des pulsions de résistance.

Théâtre et danse : histoire d’une rencontre

Cette nouvelle création puise aussi son inspiration dans Tauber Bach d’Artur Zmijewski (musique de Bach chantée par des sourds) et dans les arias de Mozart, qui seront chantées sur scène par les artistes. Pour Platel, l’histoire d’Estamira et son univers servent aussi à raconter une autre histoire : celle du théâtre parlé et de la danse, et leur rencontre. La question posée dans Tauberbach n’est pas : les danseurs savent-ils jouer, et les acteurs savent-ils danser ? Mais plutôt : qu’implique le fait de danser et de jouer pour la nature de l’homme qui se construit en dansant et en actant ?

Comment deux images physiques, celles de la représentation engendrée par la notion de spectacle, peuvent-elles entrer en dialogue, quand se touchent-elles, et que devient l’être humain dans ce corps fusionné ?

Tauberbach, d’Alain Platel. Les 28 et 29 mars à 20h45, à la Maison de la danse, 8 av. Jean-Mermoz, Lyon 8e. Dans le cadre du festival “La Maison sens dessus dessous”, du 25 au 29 mars.

Dès jeudi, retrouvez tous les choix de la rédaction Culture de Lyon Capitale dans notre mensuel d’avril, en vente en kiosques et dans notre boutique en ligne.

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