Me Saint-Pierre, l’avocat historique de Maurice Agnelet, s’est confié à Lyon Capitale alors que le procès se tient à Rennes. Au lendemain des révélations faites par Guillaume Agnelet, il estime que la confrontation de mercredi sera décisive pour la suite du procès. “De cette confrontation résultera le verdict”, affirme l’avocat lyonnais.
Lyon Capitale : Comment avez-vous réagi à l’énoncé du témoignage de Guillaume Agnelet qui accuse son père du meurtre d’Agnès Le Roux ?
Me Saint-Pierre : Guillaume Agnelet a créé un événement, il était important que je sois à son écoute pour en prendre acte, pour y réfléchir. C'est demain, mercredi, que Guillaume Agnelet sera confronté à sa mère, Annie Litas, et à nouveau à son frère, Thomas. Il a dit hier que son père lui avait confié avoir tué Agnès Le Roux, l'avait également dit à sa mère et que sa mère lui en avait parlé. C'est la raison pour laquelle le propos de Guillaume Agnelet a bouleversé ce procès. Son frère a pourtant dénié cela et nous attendons avec une très grande impatience la réponse de leur mère, à tous les deux. Elle sera entendue demain matin, mercredi, par visioconférence. Nous l'avions entendue vendredi à l'audience. Elle n'en a pas du tout parlé. Nous sommes face à une tragédie familiale, un fils accusant son père d’avoir tué Agnès Le Roux, son frère et sa mère tenant un tout autre discours. Il faut éclaircir cela, c'est essentiel. De cette confrontation résultera le verdict.
Pendant l’audience, vous avez eu ces propos pour Maurice Agnelet : “Il est temps de la réflexion, pour que votre parole soit réfléchie.” Qu’entendiez-vous par là ?
Je crois que j'ai dit à Maurice Agnelet, solennellement, qu'il est toujours temps d'avoir une parole libre et courageuse, qu'il a le temps de la réflexion jusqu’à mercredi, pour cette réunion familiale. Ce que j'ai voulu dire : dans un procès, il peut survenir des événements tout à fait inattendus, il faut absolument en prendre conscience, et s'y adapter. La fonction d'un avocat n'est pas de tenir une ligne et ne pas du tout en démordre. Il est arrivé plusieurs fois dans des audiences criminelles, que des témoignages, des événements établissent la véracité d'un fait ou sa fausseté. Il faut savoir s'adapter. Lorsque Guillaume Agnelet dit ceci, je dis “il faut écouter cela”. Mais est-ce vrai ou faux ? Je n’en sais rien. Je me ferai une idée demain. Je dis donc à mon client : "Attention, Maurice Agnelet, ce qui vient de se passer est extrêmement important, sachez y réfléchir". Il est toujours possible de changer son discours ou au contraire de maintenir son discours. Voici ma position.
Bien sûr, je suis à l'écoute, bien sûr j'ai eu un mouvement de distance pour examiner une situation et si les propos de Guillaume étaient avérés, cela changerait bien entendu ma défense. Mais ce n'est pas encore le cas. Personnellement, je pense que demain nous saurons à quoi nous en tenir.
Guillaume a évoqué votre nom : il explique que vous saviez quelle aurait été la teneur de ses propos s’il était venu à la barre...
D'une part, il a évoqué dans un premier temps un bail demandé par son père qui était en prison. Un bail pour obtenir une libération conditionnelle, ce bail pouvant justifier de loyers dans leur maison de Chambéry. Il est bien évident, et Guillaume l'a reconnu, que j'étais totalement extérieur à cela. Le projet de libération conditionnelle élaboré par le service de probation de la prison n'a pas pris en ligne de compte ce bail.
D'autre part, il a dit que, si nous ne l'avions pas cité comme témoin, c'était en raison de ce qu'il déclarait... Ce matin à l'audience, j'ai produit aux débats tous les documents qui font état du différend entre mon client et son fils, des lettres mais aussi des commentaires que Guillaume publiait sur Internet où il affirme l'innocence de son père. Je suis tenu au secret professionnel mais, lors de toutes les prises de parole publiques de Guillaume Agnelet, il a toujours affirmé que son père était innocent. Leur brouille vient d'un litige sur l'occupation de leur maison de Chambéry.
Quel est l’état d’esprit de votre client ?
Maurice Agnelet est un homme âgé, vous l'avez vu. Hier, l'expert psychiatre, M. Chanceau, en a fait un portrait d'une très grande intelligence, en décrivant un homme prisonnier de son système de discours, de son système de relation aux autres. Ce n'est pas à 76 ans qu'on change un homme. Ce n'est pas après quarante ans d'épreuves qu'on change un homme. Lui c'est lui, moi c'est moi. Maurice Agnelet est un homme qui a un passé extrêmement difficile, c’est un homme qui ne fendra pas son armure à l’audience. Il l'a fait de rares fois, un peu devant ce psychiatre, moi j'en ai été le témoin dans nos colloques singuliers.
En revanche, il affronte l'audience comme un combat. Il est qui il est. Je vais dire aux jurés de façon bien simple : la preuve de la culpabilité de Maurice Agnelet, ce n'est pas en regardant Maurice Agnelet qu'on l'aura. Ce n'est pas en écoutant Maurice Agnelet qu'on l'aura. Dans un procès criminel, ce sont des faits avérés et établis. Or, aujourd'hui, il n'y a qu'un seul fait : la parole de Guillaume. Mais que dit Guillaume ? Attendons demain.
Vous allez défendre Maurice Agnelet jusqu’au bout ?
Bien sûr, le défendre jusqu’au bout, c’est le défendre en fonction d’une situation. Jusqu'à présent, on ne savait ni où, ni quand, ni comment le crime avait été commis. Tout cela résultait d'hypothèses, que la Cour des droits de l'homme avait dit totalement insuffisantes pour justifier d'une condamnation. Qu'est-ce qui a changé aujourd'hui ? Très peu de choses en vérité, uniquement le témoignage de Guillaume et il faut attendre demain pour savoir quoi en penser.
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