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Cyril Robin-Champigneul © DR

Elections européennes : “Chaque voix est cruciale”

INTERVIEW – Cyril Robin-Champigneul, chef de la représentation régionale de la Commission européenne à Marseille, répond à nos questions sur les enjeux des élections européennes du 25 mai.

Lyon Capitale : Les élections au Parlement européen se dérouleront le 25 mai prochain et, en fonction, le Conseil de l’Europe désignera le président de la Commission européenne. En quoi est-ce un enjeu important ? Quel est le pouvoir réel de celui qui succédera demain à Manuel Durão Barroso ?

Cyril Robin-Champigneul : Plus qu’important, essentiel pour l’avenir des Européens ! Le président a un vrai pouvoir de direction sur l’action de la Commission européenne. Il faut savoir que les autres membres de la Commission, un par Etat membre, ne peuvent être nommés qu’en accord avec le président. Ils travaillent sous son autorité, c’est d’ailleurs lui seul qui décide de leur portefeuille et, si nécessaire, il peut à tout moment exiger leur démission. Le président sera élu sur un programme et il aura les moyens de le mettre en œuvre. Ce n’est pas pour rien qu’on parle aujourd’hui de la “Commission Barroso”, comme on parlera demain de la “Commission... X”.

Donc, les choix que la Commission fera sur l’économie, l’emploi, le social ou l’environnement dépendent du choix que les électeurs vont faire le 25 mai. Car je voudrais revenir sur la “désignation” du président de la Commission. Dire qu’il sera désigné par le Conseil européen, c’est du passé ! Grâce au traité de Lisbonne, il sera élu par le Parlement européen, comme Mme Merkel est élue par le Bundestag, M. Cameron par les députés britanniques, etc.

Les grands partis politiques européens ont déjà désigné leur candidat pour la présidence de la Commission : Martin Schulz pour les socialistes, Jean-Claude Juncker pour la droite, Guy Verhofstadt pour les centristes, le couple José Bové-Ska Keller pour les Verts et le président du parti grec Syriza, Alexis Tsipras, pour la gauche de la gauche. Seule l’extrême droite n’a pas désigné de candidat, ce qui est logique pour des partis qui contestent la légitimité démocratique des institutions européennes.

Certes, mais c’est tout de même “le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée”, qui devrait proposer “au Parlement européen un candidat à la fonction de président de la Commission (...) en tenant compte des élections au Parlement européen” (art. 17 § 7 TUE du traité de Lisbonne entré en vigueur en 2009). Le traité parle aussi de “consultations appropriées” menées par le Conseil européen pour déterminer son choix. Qu’est-ce à dire ? On a peur, comme en 2005 au moment du référendum sur la Constitution européenne, que les citoyens “votent mal” ?

C’est vrai que le traité laisse ce rôle de proposition au Conseil européen, c’est-à-dire aux chefs d’Etat et de gouvernement. Mais le traité met le Parlement européen en position de force. Si le résultat des élections est clair, il sera extrêmement difficile au Conseil européen de proposer un autre candidat que le vainqueur des élections. Le Parlement refuserait et, dans ce cas, le traité prévoit que le Conseil européen est obligé de revoir sa copie.

C’est plutôt si les élections ne donnent pas de majorité claire à un parti que les “consultations” seront nécessaires, notamment avec les députés européens, pour rechercher un candidat qui puisse obtenir leur accord. Dans ce cas, le processus serait comparable aux négociations et aux alliances qui précèdent la constitution de gouvernements de coalition dans les grandes démocraties parlementaires.

Le Parlement européen penche à droite depuis 2004, tout comme la Commission européenne avec à sa tête l’ancien Premier ministre libéral portugais José Manuel Durão Barroso. Martin Schulz, le candidat des socialistes européens, a-t-il toutes ses chances cette fois-ci ?

La Commission européenne n’a pas de boule de cristal et heureusement, car ce sont les peuples européens qui décideront. Tout ce que je peux dire, c’est que les sondages dans les différents pays européens suggèrent que le jeu est ouvert. Ce qui rend d’autant plus important d’aller voter le 25 mai : quand le combat politique est serré, chaque voix est cruciale.

En réalité, les électeurs sont appelés à faire deux choix en un seul vote. D’abord, pour ou contre l’Europe : est-ce qu’ils choisiront des listes “souverainistes”, qui veulent bloquer puis déconstruire l’Union européenne, ou bien des candidats qui acceptent que nous serons plus forts en exerçant une partie de notre souveraineté au niveau européen ? Ensuite, pour quelle Europe : de droite ou de gauche, centriste, écologiste ? Le choix est à eux !

J’ajoute que le pouvoir du Parlement européen n’est pas seulement de choisir qui va présider la Commission. La Commission a seulement le pouvoir de faire des propositions de lois européennes. Ensuite, c’est le Parlement qui a le pouvoir de les accepter, les modifier ou les refuser, conjointement avec le Conseil des ministres qui réunit les gouvernements nationaux. Exactement comme les assemblées qui votent les lois au niveau national.

La présence à la tête des Etats-Unis d’un démocrate depuis deux mandats favorise-t-elle ce résultat ? On sait le poids de la relation transatlantique, chez les Européens de l’Est notamment...

Franchement, je ne crois pas un instant que les électeurs européens se déterminent en fonction de la couleur politique aux Etats-Unis. Certains pays sont plus atlantistes que d’autres. Cela n’a rien à voir avec les majorités de gauche ou de droite qu’ils élisent, que ce soit au niveau national ou au niveau européen.

En revanche, les partis politiques européens ont pris des positions différenciées sur le principe du traité transatlantique avec les Etats-Unis, que la Commission européenne est en train de négocier, sur la base du mandat que les gouvernements lui ont donné. Certains partis en rejettent le principe et ne veulent simplement pas en entendre parler. D’autres veulent que les négociations soient transparentes, que le résultat soit soumis à un examen démocratique approfondi, mais, sur le principe, ils conviennent que ce traité peut apporter de véritables avantages économiques aux Européens. Donc, il est vrai que les élections européennes auront un impact sur notre relation avec les Etats-Unis.

Le suffrage universel dans la désignation du président de la Commission pourra-t-il venir un jour ?

Pourquoi pas ? Mais il faudrait changer les traités européens pour cela, comme la Constitution française avait été changée par le général de Gaulle en 1962. L’élection du président de la Commission par le Parlement européen est déjà similaire à l’élection des chefs de gouvernement dans les grandes démocraties parlementaires européennes. Le seul danger de “déficit démocratique” européen, c’est l’abstention, et chaque citoyen européen peut l’éviter, tout simplement en allant voter.

La participation des Français aux élections européennes n’a cessé de baisser depuis 1979, pour atteindre 40,5 % en 2009. Le changement de cette année dans le mode de désignation du président de la Commission européenne peut-il les encourager à voter, selon vous ?

Pour l’instant, les sondages ne sont guère encourageants. Mais j’espère qu’en effet, si les citoyens réalisent l’importance de leur vote, grâce au travail d’information des médias et des partis, ils et elles se déplaceront le 25 mai, pour que l’Europe prenne la direction qu’ils auront voulue.

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