Dans une enquête publiée ce jeudi par 60 millions de consommateurs, le Comité national contre le tabagisme dresse un état des lieux sévère des pratiques de lobbying de l’industrie du tabac en France. “Il faut absolument que la France s’attaque aux conflits d’intérêts entre les politiques, les fonctionnaires et l’industrie du tabac. Ils sont intolérables. Je vous rappelle : 200 morts par jour”, alerte Yves Martinet, son président, au micro de Sud Radio ce matin.
Invitations à Roland-Garros, dîners dans de grands restaurants parisiens, financement de la recherche médicale, placement de produits au cinéma… L’imagination de l’industrie du tabac semble sans limites en matière de lobbying et de jeux de pouvoir. C’est le constat qui ressort d’une enquête de deux ans menée par le Comité national contre le tabagisme (CNCT), dont le magazine 60 millions de consommateurs publie des extraits ce jeudi.
Invité ce matin de Sud Radio, le président du CNCT, Yves Martinet, a rappelé que “les lobbys sont les 4 multinationales du tabac [Philip Morris, British American Tobacco, Japan Tobacco et Imperial Tobacco, NdlR] et leur relais en France, la Confédération des buralistes, qui ont défini une stratégie d’infiltration de la société depuis une vingtaine d’années”. Pour Yves Martinet, par ailleurs chef du service pneumologie du CHU de Nancy, “l’objectif est de bloquer toutes les mesures de lutte contre le tabagisme, et les résultats sont là en France car il y a un pourcentage de fumeurs plus élevé qu’en Angleterre”.
“Champions toutes catégories de la désinformation”
Dans un rapport de 450 pages, financé par le ministère de la Santé et par l’Institut national du cancer, le CNCT a collecté des dizaines de faits, médiatisés ou méconnus, d’ingérence de l’industrie du tabac dans la vie politique et économique française. On recense d’abord les “invitations”, à Roland-Garros ou en finale de l’Euro de football, mais aussi ce repas de députés à 10 000 euros financé par British American Tobacco (révélé en 2013 par l’équipe de Cash Investigations). Viennent ensuite le “téléguidage des parlementaires” et la “désinformation”, notamment sur la contrebande de cigarettes. Au micro de Sud Radio, Yves Martinet a taclé “les buralistes, la Confédération des buralistes et l’industrie du tabac [qui] sont les champions toutes catégories de la désinformation”.
L’enquête du CNCT insiste également sur les dangers de la philanthropie, des dons, qu’elle qualifie de “blanchiment moral”. “Vous avez Philip Morris, il faut bien entendre, qui était à la fondation de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM)”, note Yves Martinet à l’antenne de Sud Radio, soulignant que, “dans les pays civilisés, on n’accepte plus depuis longtemps le financement de la recherche médicale par l’industrie du tabac”.
En juin 2013, Lyon Capitale révélait déjà que Philip Morris avait signé un chèque de 15 millions d’euros à Interpol, associant son système de traçabilité à l’organisation policière, pour lutter contre la contrebande de cigarettes. Le 15 mai, le CNCT a envoyé un courrier aux candidats à la Commission européenne, signifiant que la traçabilité des cigarettes doit être “indépendante de l’industrie du tabac”, les fabricants ne pouvant être “juge et partie”.
“Entre 40 et 50 milliards d’euros de profit”
Face à cette haute influence de l’industrie du tabac dans les sphères du pouvoir, le CNCT préconise plus de transparence. “Nous ne disons pas qu’il ne faut pas qu’il y ait de contacts entre l’industrie du tabac et les fonctionnaires à Bercy. Mais nous devons savoir qui est invité, qui est présent, quel a été l’ordre du jour et quelles ont été les conclusions de la réunion. S’il n’y a pas de transparence, il n’y a pas de démocratie, a déclaré Yves Martinet ce matin sur Sud Radio. Il faut absolument que la France s’attaque aux conflits d’intérêts entre les politiques, les fonctionnaires et l’industrie du tabac. Ils sont intolérables. Je vous rappelle : 200 morts par jour.”
Le 19 juin prochain, plusieurs élus publieront un rapport parlementaire sur le tabac, avec comme objectif la diminution du nombre de fumeurs en France. L’une des propositions pourrait être l’interdiction des cigarettes dans les films et sur Internet. Pour Yves Martinet, “ce combat est clairement inégal. À l’échelle mondiale, les profits de l’industrie du tabac représentent entre 40 et 50 milliards d’euros”.
Et dire que l'on ne sait pas tout ... !!!!