Portraits. Ce soir, le cinéma Comœdia (Lyon, 7e), diffuse le documentaire Noyade, de Denis de Montgolfier. L’occasion de revenir sur la fermeture de la librairie Chapitre Bellecour, et de faire un point sur ce que sont devenus les anciens salariés.
La librairie située à l’angle de la place Bellecour était une institution, à Lyon. En difficulté financière depuis 2013, l'enseigne Chapitre ferme en février dernier. Les salariés décident alors d’occuper le magasin. Lyonnais, touristes, nombreux sont les gens qui viennent les soutenir.
Que sont devenus les anciens salariés de Chapitre Bellecour ? Licenciés depuis plus de quatre mois, ils sont encore en période de "transition". Depuis mars, le liquidateur n’a pas fait toutes les démarches nécessaires pour régulariser leur situation : les ex-libraires attendent de percevoir leurs indemnités de chômage. Une situation précaire qui les empêche d’envisager leur avenir.
Véronique, 12 ans chez Chapitre : "le livre a toujours été un compagnon"
Véronique est embauchée chez Chapitre en 2002. En 2007, elle est élue déléguée du personnel, et retrouve alors son premier allié, le droit : "Je ne voulais pas qu’il y ait de l’injustice dans ce magasin".
Mais, dès 2010, lorsque le groupe Najafi rachète toutes les librairies Chapitre, elle interpelle, sans réponse, les dirigeants : "On va droit dans le mur, écoutez-nous!". Elle persiste, pendant 3 ans, mais fin 2013, la librairie ferme : "Je me suis tellement investie pendant ces quatre années, que l’effet gueule de bois a été terrible", constate-t-elle.
Aujourd’hui, Véronique attend que la procédure de licenciement se termine enfin, afin de pouvoir être inscrite à Pôle Emploi. Elle s’interroge sur son avenir, et se raccroche à un nouvel espoir : devenir tuteur-curateur pour majeurs protégés. Sa candidature doit être examinée bientôt. Une chose est sûre : Véronique, 56 ans, ne veut pour rien au monde "profiter, peinarde, en attendant la retraite".
Alain, 20 ans chez Chapitre : "Le livre, c’est en train de se casser la gueule et ça ne va pas s’arranger"
Alain, 53 ans, a passé presque la moitié de sa vie chez Chapitre. Pour lui, la fermeture est un coup dur : "La librairie m’a beaucoup apporté. Pendant 20 ans, j’avais enfin l’impression d’être à ma place".
"Désabusé", il est assez pessimiste quant à son avenir : "J’ai très peu de chance de retrouver un emploi stimulant à mon âge". Il lâche : "Pour le dire franchement, aujourd’hui ce que je souhaite, c’est de ne plus travailler". Alain sait ce qu’il a perdu. Il sait également ce qu’il ne veut pas : "Ça serait très difficile de revenir en arrière, de refaire un boulot mercenaire comme je l’ai fait pendant longtemps et qui est le lot de beaucoup de monde".
Peut-être aidera-t-il un ami bouquiniste, "mais ça serait complètement différent : plus de patron, un modèle économique différent". Lucide, il reconnaît : "Je ne peux pas me bercer d’illusions. Le livre, c’est en train de se casser la gueule et ça ne va pas s’arranger".