Conte princesse Kaguya Takahata
© The Walt Disney Company France

Le réalisateur du “Tombeau des lucioles” au Comœdia à Lyon

Isao Takahata, cinéaste japonais connu pour avoir réalisé Le Tombeau des lucioles et Nos voisins les Yamada, revient avec un nouveau long-métrage, Le Conte de la princesse Kaguya. Inspiré d’un récit traditionnel, ce film d’animation raconte l’histoire d’une jeune fille née dans une feuille de bambou et recueillie par un couple de paysans. Le réalisateur, cofondateur des studios Ghibli, était au Comœdia ce mercredi 11 juin. Entretien.

Lyon Capitale : Entre Mes voisins les Yamada en 1999 et ce film-là, quinze années se sont écoulées. Qu’avez-vous fait durant cette période ? Qu’est-ce qui vous a amené à la réalisation de ce film ?

Isao Takahata : Après Mes voisins les Yamada, je me suis principalement concentré sur une étude de la peinture japonaise. Ces travaux ont donné lieu à la publication de plusieurs livres. Une partie d’entre eux a d’ailleurs été présentée au musée de la Tapisserie de Bayeux, pour une exposition sur le thème des rouleaux peints japonais. J’ai aussi travaillé sur la réalisation du Conte de la princesse Kaguya, ainsi que sur deux autres projets d’animation. Ces projets n’ont pas pu se concrétiser malheureusement.

Ces travaux sur la peinture japonaise vous ont-ils servi pour penser le dessin du Conte de la princesse Kaguya ?

Oui. On peut dire que ces recherches ont été l’une des bases de notre travail. Nous nous sommes inspirés de peintures japonaises émanant de différents styles et écoles, mais aussi des arts occidentaux. L’une de nos influences majeures a été le réalisateur canadien Frédéric Back. J’ai eu l’occasion d’échanger avec lui. Ses films ont été une vraie révélation pour moi.

Votre dernier long-métrage est inspiré d’un récit traditionnel que beaucoup de Japonais connaissent. Comment a-t-il été reçu dans votre pays ?

Au Japon, l’accueil a été très bon, même s'il n'a pas rencontré le même succès commercial que Le vent se lève d'Hayao Miyazaki. Je pense en réalité qu'il y a eu une sorte de défiance de la part du public à l'égard de l’œuvre originale. Certains Japonais ont pu se demander : "à quoi bon aller voir une adaptation de ce vieux récit ?" Une forme de scepticisme ne leur a pas permis d'aller le voir. Les critiques professionnelles ont toutefois été très bonnes : à ce titre, ce film est peut-être le plus réussi de ma carrière. Par ailleurs, Le Conte de la princesse Kaguya a été largement vu par un public féminin. J'ai reçu des courriers de femmes qui ont tenu à me remercier. Ça ne m'était jamais arrivé.

À travers ce conte ancien, aviez-vous envie d’aborder des thèmes contemporains ? Notamment la question du poids des codes dans la société nipponne ?

Oui, bien sûr. L’œuvre originale, Le Conte du coupeur de bambous, est un texte de fiction en prose qui date du IXe ou Xe siècle. C'est un texte romanesque et non pas une histoire ou une légende populaire. La trame du récit (l'histoire d'une princesse qui sort d'une pousse de bambou, et qui refuse tous ses prétendants pour retourner vivre sur la Lune), tous les Japonais la connaissent. Mais, en lisant le texte d'origine, on ne perçoit pas tous les ressorts de cette histoire. Avec ce film, je voulais l'adapter de manière que l'on comprenne mieux le personnage.

Comment avez-vous pensé la conception du visage de la princesse Kaguya ?

Dans Le Conte de la princesse Kaguya, la princesse possède une "beauté incroyable", une "beauté saisissante", qui n’est pas de ce monde. En réalité, aucun de nous ne serait capable de représenter la Beauté. Le visage japonais est assez "plat" : ce manque de volume limite ce qu’on peut exprimer à travers le dessin. Il a donc fallu travailler longtemps avec les dessinateurs pour parvenir à un résultat satisfaisant.

Quelle part le numérique a-t-il eue dans le processus de création du film ?

Il est vrai que les ordinateurs sont des outils incroyables. Les nouvelles technologies nous permettent de jouer avec les tracés. Mais je ne crois pas qu’il faille pour autant baser la conception du dessin sur une démarche infographique. Le dessin doit être un acte manuel.

Au vu des dernières déclarations d’Hayao Miyazaki d’arrêter sa carrière après Le vent se lève, comment voyez-vous l’évolution du studio Ghibli ?

(Très hésitant, il demande que la question soit précisée plusieurs fois.) Il est vrai que le studio Ghibli a une "force", un "impact". Mais je ne le perçois pas comme une marque comparable au studio Disney. Peut-être y a-t-il des points communs entre les différentes œuvres produites par le studio, mais ce n'est pas du tout un processus voulu. Le Conte de la princesse Kaguya a été réalisé avec une équipe majoritairement extérieure au studio Ghibli.

Le Conte de la princesse Kaguya sortira en salles le 25 juin prochain.
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