Le groupe Europe écologie les Verts s'inquiète de la gestion de l'agence de développement international de la région Rhône-Alpes (ERAI) qui fonctionne "dans la plus grande opacité" selon eux depuis 27 ans. Jean-Louis Gagnaire, délégué à l'économie, les accuse de sombrer dans la "théorie du complot", même s'il admet que l'aventure du pavillon Rhône-Alpes à l'exposition universelle de Shangaï a coûté cher. (Article actualisé le 26 juin à 10h43).
ERAI, l'acronyme désigne l'agence de développement à l'international de la région Rhône-Alpes. Créée sous Charles Béraudier en 1987, l'association soutient les actions à l'export des entreprises de la région Rhône-Alpes. Pour ce faire, elle possède 27 filiales dans autant de pays étrangers, en Allemagne, au Burkina Faso, en Chine et au Vietnam, pour le dernier bureau ouvert cette année à Ho Chi Minh Ville.
"Des rétentions d'informations troublantes"
Problème, la gestion d'Erai fait apparaître des "jeux d'écriture comptables" affirme Jean-Charles Kohlhaas (photo ci-contre). Le patron du groupe écologiste à la région a réuni hier toute la presse lyonnaise pour dénoncer des "rétentions d'informations troublantes" concernant la gestion d'ERAI. Son groupe "gratte depuis plus d'un an" pour tenter d'en savoir un peu plus sur le fonctionnement de l'association. En vain. Hier, il a écrit à Jean-Jack Queyranne pour lui signaler le problème, ainsi qu'à la Chambre régionale des comptes.
Tout a commencé en 2010, avec le financement "démesuré" du pavillon Rhône-Alpes à l'exposition universelle de Shangaï (photo ci-dessous). Selon la Canol, l'association de contribuables du Grand-Lyon qui épluche les comptes publics, le bâtiment aurait coûté 9, 412 millions d'euros dont 3 millions financés par un emprunt contracté par Erai. Opposés à un tel "gaspillage" d'argent public, le nouveau maire de Grenoble, Eric Piolle, alors patron du groupe EE-LV à la région, monte en première ligne. Il demande des comptes à la présidence sur "le bilan financier et commercial" de l'opération. Les services lui transmettent des mois plus tard les conventions liant Erai à ses filiales étrangères, en langue d'origine, "comme si on lisait le chinois" regrette Jean-Charles Kohlhaas.
Des "jeux d'écriture suspects"
Les Verts finissent donc par déposer un recours auprès de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA). Ils obtiennent ainsi les comptes de résultats d'ERAI en 2010, 2011, 2012 et 2013. Des documents comptables qui laissent apparaître des "jeux d'écriture suspects". Selon eux, Erai "mère " a déclaré 11,8 millions de chiffre d'affaire en 2013, dont 7,4 millions de subventions provenant essentiellement de la région. Le reste, ce sont des prestations, dont une grande part "probable" de facturations aux filiales. "Pour qu'Erai mère ne soit pas en déficit, elle facture à ses filiales des prestations et plusieurs années après, elle fait des abandons de créances et des dépréciations", dénonce Jean-Charles Kohlhaas. Un système qui fonctionnerait donc à pertes (- 1,4 millions d'euros en 2013 selon les Verts), et "sans afficher son coût réel aux élus et citoyens rhônalpins".
Faux, répond Jean-Louis Gagnaire (photo ci-contre). Le 6ème vice-président délégué au développement économique, à l'industrie, aux PME, et à l'innovation interrogé par Lyon capitale. Il admet que si l'aventure de Shangaï a coûté cher à la région, "c'était une autre époque, avant 2008. Depuis, la crise est passée par là, et les entreprises n'ont pas soutenu notre projet comme on l'espérait au départ". La région a dû reprendre en gestion la partie du pavillon dévolue aux entreprises. Mais pour le reste,"Erai fonctionne normalement, affirme le vice-président, comme toute agence publique à l'étranger. Notre présence est certes difficile en Afrique et certaines de nos filiales sont déficitaires, c'est vrai. Mais est-ce que pour autant on doit les fermer ? Je ne le pense pas, c'est un service public rendu aux entreprises ", défend Jean-Louis Gagnaire.
Par ailleurs, selon Jean-Louis Gagnaire, les documents comptables réclamés par les Verts leur ont bien été envoyés, contrairement à ce qu'ils avancent. "EE-LV n'a pas eu besoin de saisir la CADA pour obtenir les documents en question, ils ont été envoyés à l'administratrice EE-LV d'ERAI en recommandé avec accusé de réception, mais ils n'ont pas été retirés à la Poste !" déplore le vice-président.
Enfin, dans un contexte de baisse des dotations de l'Etat, Erai a dû faire "5% d'économies par an depuis 4 ans, au même titre que les autres services de la région", précise le député. "Une baisse de son budget qui n'est pas sans conséquence pour la masse salariale", précise Jean-Louis Gagnaire qui dit assumer cet "héritage" de l'époque Béraudier et vouloir le faire "prospérer", tout en "le rééquilibrant et en le redimensionnant".
Des déplacements à grands frais ?
En attendant, d'après les Verts, les bruits les plus fous courent à la région sur les dépenses d'Erai. Plusieurs élus, issus de divers groupes, notamment des vice-présidents, en auraient profité pour se faire financer "des déplacements à grands frais" à l'étranger, dans "des hôtels de luxe", "surclassés" par rapport aux prestations dévolues à leur rang. Certains chefs d'entreprises en auraient également profité, "dans la plus grande opacité" et "au frais du contribuable". Face à ses rumeurs, Jean-Louis Gagnaire précise qu'il n'a jamais voyagé avec ERAI. L'élu n'est d'ailleurs pas un grand globe-trotter puisqu'il comptabilise seulement 5 ou 6 déplacements avec la région depuis 2004. En tout état de cause, "on ne peut pas voir le complot partout", déplore le 6e vice-président qui précise que "les Verts sont les seuls à ne pas voter les subventions à Erai avec le FN", au conseil régional. "Est-ce à dire que tous les autres sont des imbéciles ? Je ne le crois pas", termine-t-il.
Nouveau directeur d'Erai avant la fin de l'année
Parallèlement, les choses bougent à Erai qui prépare sa "fusion" avec l'ARDI, l'Agence régionale du développement et de l'innovation dont l'Etat s'est désengagé, à la fin de l'année. Les deux structures ont déjà emménagé dans des locaux communs, au 30 quai Perrache, à La Confluence cette année (photo ci contre). Leur restructuration commune est à l'étude. "On réfléchit à un nouveau statut qui puisse aussi permettre à BPI France*, la banque publique, d'y participer" précise Jean-Louis Gagnaire. Le directeur régional de BPI France siège déjà au CA d'Erai, "croyez vous qu'il se serait engagé si la structure était pourrie ?", interroge Jean-Louis Gagnaire qui précise que le seul bureau de la banque publique en région en dehors de Paris, est à Lyon, gage de bonne qualité selon lui.
Enfin, parallèlement à cette fusion en préparation, le président actuel d'Erai, Daniel Gouffé (photo ci-contre) va devoir céder la place. "Un nouveau directeur devra être nommé" affirme Jean-Louis Gagnaire, d'ici à l'été ou la rentrée de septembre au plus tard.
Chez les Verts, on espère que cette "fusion" va introduire "de la transparence et du contrôle dans l'usage des fonds". Néanmoins, s'il y a eu des malversations ou des détournements d'argent public, "il faudra que les responsables politiques payent" affirment les élus écologistes. Ils ne sont prêts à tirer un trait sur 27 ans de "mauvaise gestion" et espèrent que la Chambre régionale des comptes va se saisir du problème. "Laissons la travailler et rendre ses conclusions" affirme, serein, Jean-Louis Gagnaire. Le dernier rapport de la chambre sur Erai remonte à 2008.
(*) - Dans une première version de cet article, publié le 24 juin, nous avions écrit par erreur UBIFRANCE à la place de BPIFRANCE. L'erreur a été corrigée le 26 juin et l’Agence française pour le développement international (UBIFRANCE) nous a écrit le 27 juin pour nous apporter des précisions et corriger notre erreur. Un droit de réponse que nous publions ici.
Le groupe EELV a bien un représentant au CA d'ERAI depuis 2004 ? Pourquoi se réveiller maintenant ? Étonnant non ? On a connu des Verts moins passifs sur d'autres dossiers comme Rhône Alpes Cinéma ...
Comme vous l’expliquez, le groupe EELV n’a rien pu affirmer, mais il a en effet alerté sur le fait que l’opacité de la gestion d’Erai nourrissait les rumeurs de couloir les plus folles sur les frais de déplacements et de représentation. Nous avons demandé les documents nécessaires à la transparence de l’usage des fonds publics, mais ne les avons pas obtenus. C’est bien cette opacité qui nourrit la suspicion générale. D’où la nécessité impérieuse de faire la transparence sur la gestion d’Erai.