Charles Gardou, professeur à Lyon II, milite depuis plusieurs mois pour l'érection d'un mémorial en hommages aux victimes handicapées de la Seconde Guerre mondiale. Une pétition a réuni des dizaines de milliers de paraphes et, aujourd'hui, le dossier est entre les mains du président de la République. Retour sur ce projet et ses motivations.
"On juge du degré de civilisation d'une société à la manière dont elle traite ses fous"
disait Lucien Bonnafé. S'il avait raison, c'est l'ultime preuve que le régime de Vichy et celui de l'Occupation ont versé dans l'horreur, pas seulement contre les "fous", mais envers toutes les personnes fragiles. "On estime le nombre de morts dans les hôpitaux d'environ 50 000 personnes" entre 1939 et 1945, explique Charles Gardou, enseignant-chercheur à l'université Lyon II. Certes, il n'y a pas eu en France de "programme d'extermination comme en Allemagne", admet Charles Gardou, "ces personnes ont été victimes d'un 'laisser mourir'". Abandons, mauvais traitements, sous-alimentation... les handicapés étaient la cinquième roue du carrosse.
"Il n'y a pas de hiérarchie dans les morts"
insiste l'auteur de "Société inclusive, parlons-en !" D'où l'idée, qui trotte dans la tête de ce Lyonnais, depuis pas mal d'année, d'ériger un mémorial. Une pétition est lancée. A ce jour, elle a réuni plus de 70 000 signatures. Dont des historiens, des personnalités politiques (Pierre-Alain Muet, Sylvie Guillaume...) et même Olivier Nakache et Eric Tolédano, les réalisateurs du film "Intouchables" ou Philippe Pozzo di Borgo, celui qui en a inspiré l'histoire.
Les pétitionnaires, Charles Gardou et Jean-Marc Maillet-Contoz, un autre Lyonnais directeur du magazine Handirect, sont allés porter les paraphes a l'Elysée. L'accueil est plutôt favorable. Le 15 mai, le professeur de Lyon II fait parvenir une note au Palais qui esquisse quelques pistes pour ce mémorial. D'abord il suggère de ne pas en faire une simple plaque ou statue mais un centre d'information et de documentation sur le sujet.
Le lieu ?
Plusieurs pistes sont évoquées, dont le Vinatier à Lyon "où 2000 personnes sont décédées". Mais le lieu privilégié par les spécialistes est Clermont de l'Oise, à 80 km de Paris. Là-bas, plus de 5000 personnes étaient internées. En 1941, le taux de mortalité y est de 27%, selon un rapport de l'époque. Enfin Charles Gardou et ses amis militent pour un jour du souvenir spécifique au cours de l'année 2015, " car c'est le 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale". Peut-être le 7 ou 10 mai 2015.
Lundi 7 juillet, Charles Gardou a reçu un coup de téléphone d'une conseillère du président de la République. Le projet a des chances de voir le jour. François Hollande tranchera à la rentrée.