Lyon Capitale aime Lyon et l’affirme dans son numéro de juillet-août. Mais notre journal n’est pas le seul à vouloir crier son amour pour sa ville. Sur Internet, sur les réseaux sociaux (#jaimelyon), chacun a sa raison d’aimer Lyon. Aujourd’hui, nous publions la déclaration d’amour de Pierre Thivolet, ancien directeur de l’information d’Arte, directeur de LCP-AN, ancien animateur des Auditeurs ont la parole.
Pourquoi j’aime Lyon, par Pierre Thivolet , journaliste*
Vous ne m’avez pas posé la question et pourtant, si vous le voulez bien, j’aimerais y répondre : "Pourquoi j’aime Lyon".
J’aime Lyon, parce que "tout le monde peut pas être de Lyon, faut ben qu’y en ait d’ailleurs", dit la plaisante sagesse lyonnaise.
Parce que je suis né à la Croix-Rousse, j’ai grandi à la "Guille", rue de l’Université, j’ai été élève au groupe scolaire Marc-Bloch/Jean-Macé, et que mon instituteur, M. Marchand – extraordinaire instituteur qui en a formé, des gosses du 7e arrondissement ! – nous emmenait faire de la spéléo dans les grottes de la Balme, et des camps d’été au col de la Ruchère en Chartreuse. Parce que je prenais le trolleybus, le 26, pour me rendre au lycée du Parc, et que j’aimais ces perspectives bordées d’immenses platanes. J’aime Lyon parce qu’au lycée un de mes profs nous expliquait qu’à Lyon tout change : les tuiles romaines, les crépis "terre de Sienne" ou "vieux rose" du Vieux-Lyon, les génoises des frontons des maisons, l’appel du Rhône vers le sud, vers Valence, le "Midi moins le quart". Parce que, de l’Ardèche familiale, on nous ramenait des cerises bigarreaux, des pêches de la vallée de l’Eyrieux, et des "pognes" pour le petit-déjeuner. Parce que, dans la cour de l’usine au-dessus de laquelle nous habitions, il y avait deux tombeaux romains : ils étaient là sous les fondations et l’on pouvait encore en déchiffrer les inscriptions. J’aime Lyon, "miroir de Rome dans les Gaules**".
J’aime Lyon parce que nos parents nous emmenaient dîner avec leurs amis, rue Mercière, Chez le père Héritier. C’était avant qu’on ne m’explique que c’était un "bouchon", avant que Louis Pradel ne détruise la moitié de la rue, avant que celui qui était surnommé "Zizi Pradel" et qui avait annoncé la couleur – "Lyon sera la deuxième ville au monde après Los Angeles à être traversée sans feu rouge par une autoroute" – ne s’attaque au cours Verdun devant Perrache, où, sous des platanes centenaires, mes grands-parents nous emmenaient à la "vogue" ou bien regarder les pros de la boule lyonnaise. J’aime le cagnard en été à Lyon, qui rendait agréable la fraîcheur des entrées des vieux immeubles de la Presqu’île ou des quais de Saône, pourtant encombrées par les équevilles. En ce temps-là, la rue Mercière n’était pas chichi, on voyait des filles qui montaient et descendaient, les WC étaient à la turque au fond de la cour, et le sol était recouvert de sciure de bois pour absorber les saletés. Mais le saucisson chaud était à tomber, quant au fromage blanc à la crème… C’est ma madeleine de Proust. À moins que ce ne soient les bugnes, ou encore les quenelles, les vraies, sauce Nantua…
Oui, mon amour pour Lyon est gourmand, et j’aime cette ville dont les rois s’appelaient autrefois Coillard, Chorliet, Brazier, et aujourd’hui Bocuse. Non, pardon, Bocuse, lui, c’est un empereur ! Ave, le Paul !
J’ai fui cette ville, mais le choc ailleurs a été rude. Le premier hiver à Paris : les toits noirs, en zinc, alors qu’à Lyon ils sont roses ; la Seine étroite et marron alors que le Rhône prend parfois des teintes bleues et vert émeraude ; le bassin parisien, la Normandie, la Picardie plates comme des crêpes, alors qu’à Lyon il y a des vues à couper le souffle. Quand je reviens et que je monte dans les monts du Lyonnais, certains jours, par un extraordinaire effet d’optique, on voit les Alpes, au bout de la plaine. On voit les sommets enneigés qui scintillent au soleil, et j’aime cette impression de pouvoir presque les toucher.
J’ai aimé que Lyon retrouve ses couleurs, ses beautés. Je déteste la gare de la Part-Dieu (une honte), l’autoroute vers Confluence, l’entassement des parkings des centres commerciaux, bref je n’aime pas Lyon quand elle se montre pingre et étriquée, confortant ainsi une image que je n’ai jamais vraiment comprise, celle du Lyonnais coincé et pas accueillant. Alors que c’est faux : les Lyonnais ne sont peut-être pas des "cacous", mais des bons vivants à coup sûr !
Est-ce que je vous ai dit que, même si je n’y vis plus, j’aime Lyon ?