Dans cette tribune libre, Mykola Cuzin, président du comité Ukraine 33 et du Comité pour la défense de la démocratie en Ukraine, appelle ici la France et l’Union européenne à ne pas “choisir le déshonneur” en Ukraine comme à Munich.
Passé au révélateur de la crise – et désormais de la guerre – en Ukraine, il est apparu clairement ces derniers mois que le président russe Vladimir Poutine se positionne dans la lignée des dictateurs. Face à une difficulté ou une résistance, il n’envisage que deux options : la soumission ou la destruction. L’Ukraine ayant refusé la soumission, il vient d’enclencher la vitesse supérieure avec la phase de destruction.
Vladimir Poutine se livre actuellement en Ukraine à une véritable guerre coloniale, dont on ne sait pas encore si l’issue sera semblable à celle du Vietnam ou de l’Afghanistan, mais, si rien n’est fait (fait et non pas seulement annoncé, comme l’essentiel de la diplomatie actuelle) très rapidement, les destructions seront immenses et les victimes nombreuses. Les combats à l’est de l’Ukraine ont fait déjà plus de 2 000 morts en quelques mois. L’on sait désormais très exactement de quelle façon des mercenaires, un encadrement militaire et tout un arsenal ont été littéralement injectés en Ukraine – depuis le territoire russe – après le départ de Ianoukovitch, pour déstabiliser les régions de Louhansk et Donetsk et faire tomber un gouvernement ukrainien fragile, issu des événements dramatiques du Maïdan fin février.
On a parlé de “cheval de Troie*” à juste raison à propos du faux convoi humanitaire imposé la semaine dernière par Vladimir Poutine – une première mondiale ! – qui n’a pu être vérifié que très partiellement et qui est surtout reparti vers la Russie avec une usine de radars ukrainienne entière démontée et plusieurs tonnes de munitions. C’est décidément le propre des dictateurs de camoufler leurs actes les plus ignobles sous les atours d’actions honorables. Ici, un convoi humanitaire qui n’est en fait qu’une vaste entreprise de pillage, là des officiers russes qui traversent la frontière pour venir aider spontanément “leurs frères” (lesquels ?) en difficulté, alors qu’il s’agit tout simplement d’encadrer une vaste entreprise de terrorisme qui, rappelons-le, a coûté la vie à 298 passagers d’un vol commercial des Malaysia Airlines le 17 juillet dernier. Il est d’ailleurs très étrange que l’on n’en entende presque plus parler. Ces victimes gratuites auraient-elles rejoint aux yeux de la communauté internationale les manifestants de la place du Maïdan abattus comme des gibiers en février, les militants démocrates, les élus et les civils kidnappés, torturés, suppliciés, abattus par les “rebelles” de l’Est… au rang des pertes collatérales à une diplomatie européenne et onusienne décidément beaucoup trop pusillanime ?
On a souvent dit que Vladimir Poutine était un joueur d’échecs. C’est parfaitement inexact. Un joueur d’échecs respecte les règles. Le tyran Poutine édicte SES règles, ne les respecte jamais et les change en permanence. Il teste tout simplement la détermination de ses opposants diplomatiques. Et, comme il n’a toujours pas trouvé ses limites, il collectionne les audaces.
Depuis quelques semaines, ce sont désormais des unités entières de l’armée régulière russe qui pénètrent en territoire ukrainien. Le monde libre vient apparemment tout juste de s’en rendre compte, alors que les chancelleries ont les preuves en main depuis bien longtemps. Apparemment, ça ne colle tout simplement pas avec les scénarios envisagés jusqu’à présent par les diplomates et cela contredit la sacro-sainte règle qui veut que l’on soit ferme en diplomatie lorsque s’il s’agit de sanctions mais que l’on laisse toujours une porte de sortie honorable** pour que l’interlocuteur ne se sente pas humilié… C’est pour avoir persisté aveuglément avec cette règle que Daladier a pu s’exclamer au retour de Munich en 1938 “Ah, les cons !” à propos des gens qui l’acclamaient. Le rouleau compresseur Hitler était déjà en route.
Vouloir absolument préserver l’honneur de l’autocrate Poutine – honneur déjà perdu en Tchétchénie, en Géorgie et ailleurs – ne fait que le conforter dans sa posture d’enfant capricieux qui ne sait pas gérer sa frustration et est prêt à casser les jouets qu’il ne peut avoir. En fait de jouet, il s’agit actuellement de l’Ukraine, qui a déjà derrière elle plus de trois siècles de résistance à l’envahisseur russe. Poutine a la prétention de faire de l’est de l’Ukraine sa “Novarossia”, là même où les paysans ukrainiens moururent en masse lors du génocide perpétré par Staline en 1932-1933. Il n’est tout simplement pas admissible de laisser Poutine recueillir encore en 2014 les fruits de la politique génocidaire stalinienne. Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’il partage également avec son père spirituel une véritable haine pour tout ce qui est ukrainien.
Dans son esprit, les Ukrainiens sont les “Untermenschen” de la Russie, des esclaves que l’on doit écraser, à défaut de pouvoir les exploiter. Il n’est pas innocent que, depuis des décennies, les autorités russes aient pris l’habitude d’appeler l’Ukraine la “Petite Russie”. Entre anachronisme historique et désir de s’approprier un héritage culturel antérieur au sien propre, Vladimir Poutine a conservé de ses années de guébiste l’idée qu’une bonne Ukraine est une Ukraine morte, ni plus ni moins.
L’indigence de la politique étrangère de l’Union européenne à l’est s’explique en grande partie –malheureusement – par une profonde méconnaissance de l’histoire de cette région et des pays qui la composent, et une analyse stratégique tronquée, dans l’incapacité notoire de concevoir ce que le philosophe et essayiste Nassim Nicholas Taleb appelle les “cygnes noirs”, c’est-à-dire ces événements que l’on croit tellement impossibles ou d’une occurrence tellement insignifiante qu’on en vient à ne rien voir et ne rien faire lorsqu’ils surviennent, nous conduisant irrémédiablement à la catastrophe.
Au XXe siècle, l’Ukraine a connu son lot de cygnes noirs, entre les guerres, les famines, un génocide, les déportations… Elle sait très bien que la mécanique que Poutine a mise en marche, il y a des mois en arrière, peut atteindre un point de non-retour très rapidement. Il faut donc l’écouter MAINTENANT, et l’aider TOUT DE SUITE, sans se préoccuper des petites susceptibilités de M. Poutine. Nous sommes en plein remake de Munich. Winston Churchill a déclaré un jour : “Vous aviez le choix entre le déshonneur et la guerre. Vous avez choisi le déshonneur, mais vous aurez la guerre.” L’Ukraine a choisi de se battre. Le monde libre ne doit pas faire le choix du déshonneur. Il a cette obligation morale vis-à-vis de l’Ukraine, pour ne pas avoir levé le petit doigt lorsqu’elle succombait sous les coups répétés de la politique stalinienne, et parce qu’elle a elle-même combattu ardemment les nazis entre 1941 et 1945*** alors que d’autres s’étaient laissés aller à une collaboration beaucoup plus confortable.
Comparer l'Ukraine et Munich, il fallait oser. Point Godwin atteint.
Mourir pour Dantzig Le 5 mars 1945, lorsque se dissipent les brumes matinales d’une glaciale matinée d’hiver, le régiment de réserve de la division de volontaires français Charlemagne est anéanti par les Russes dans la plaine de Belgard. Des unités de SS français échappent toutefois au piège de la Poméranie
Depuis un ou deux ans, les Américains renouent avec cette ambition: il faut descendre Poutine. Ils veulent casser l'axe Russo-allemand naissant, notamment par le Traité transatlantique. En faisant cela, ils repoussent la Russie vers la Chine, ce qui est catastrophique pour tout le monde. Poutine a gagné la Crimée et perdu l'Ukraine. L'Occident va gagner l'Ukraine mais perdre la Russie. Tout le monde est perdant.'