Pierre-Alain Muet
© Tim Douet

Muet (PS): la politique du Gouvernement est à “contre-temps”

INTERVIEW – Le député PS de la Croix-Rousse critique la politique économique menée par François Hollande et Manuel Valls, même s’il "espère pouvoir" voter la confiance au Gouvernement. “L’Europe intergouvernementale est devenue une machine à égoïsmes nationaux et à récession”, assène le frondeur.

Trois jours après l'université d'été de La Rochelle, Pierre-Alain Muet est désenchanté. Nous avons rencontré le député lyonnais à son retour sur Lyon. Le frondeur ne goûte guère les dernières annonces du Gouvernement. Et qu'on ne lui parle pas de la dérégulation des professions réglementées, de la libéralisation du travail le dimanche ou encore de supprimer les effets de seuil dans les PME, les chantiers à venir... "Tout est à contre-temps. C'est en haut de cycle que l'on mène une politique de l'offre" – comprenez : quand les choses vont mieux et que les ménages consomment. "C'est comme quand arrive à l'hôpital un accidenté de la route, polytraumatisé. Est-ce qu'on commence par soigner ses fractures ou par arrêter l'hémorragie ? Il manque à la tête de l'État cette vision des priorités qu'a un urgentiste", estime le Croix-Roussien.

Une heure en tête à tête avec Hollande en juin

"La raison pour laquelle nous sommes dans un tel marasme, c'est d'abord l'effondrement de la demande, poursuit-il. Tous les pays européens ont fait la même politique d'austérité et d'allègement du coût du travail qui a précipité l'Europe dans la dépression puis la déflation. Une politique qui empêche, au bout du compte, le désendettement des États." Ces arguments, il les a développés durant près d'une heure, en tête à tête avec François Hollande, à la fin juin. Sans complètement convaincre. "Mon problème avec la politique du Gouvernement a commencé le 14 janvier, quand le Président a annoncé de nouveaux allègements de charges et d'impôts pour les entreprises. Alors que nous avions déjà fait un effort considérable avec le crédit Impôt Compétitivité Emploi (CICE) de 20 milliards que j'ai soutenu. Ces mesures n'auront des effets qu'à long terme, alors que la baisse des dépenses a un effet dépressif immédiatement. J'ai rencontré des ministres – y compris des proches du Président – qui m'ont fait part de leurs inquiétudes. J'espérais qu'on pourrait corriger le tir."

Malgré le remaniement, le député relève une inflexion dans le discours présidentiel. Le 20 août, François Hollande affirmait dans une interview au Monde : "Le diagnostic est implacable, il y a un problème de demande dans toute l'Europe." Au cours de l'été, le FMI et même le New York Times avaient aussi critiqué les politiques d'austérité menées en Europe ces dernières années. Est-ce l'amorce d'une nouvelle ligne économique ? La nouvelle Commission européenne devrait annoncer un plan d'investissement de 300 milliards (sur 5 ans) et lâcher un peu la bride sur la baisse des déficits. Une contre-partie à la poursuite de réformes structurelles par la France, pour doper sa compétitivité en berne. Rigueur ici, relance en Europe : pour Pierre-Alain Muet, cette politique "schizophrène" ne marche pas.

Inversion de la courbe du chômage : Hollande aurait dû “tenir”

"L'Europe, ce n'est pas un État fédéral avec un gros budget. Tous les pays espèrent que leur voisin mènera une politique de relance pour gagner, eux-mêmes, en croissance et en rentrées fiscales, mais font l'inverse chez eux. Mais quand vous menez, comme actuellement, des politiques d'austérité et de baisse du coût du travail, vous compliquez la situation de tous les autres pays. L'Europe intergouvernementale est devenue une machine à égoïsmes nationaux et à récession", assène-t-il. Il préconise "une année blanche de réduction des déficits structurels en Europe" pour que l'économie reparte.

Pour le reste, le Lyonnais préconise d'agir dans le cadre national. Il pense que le président aurait dû "tenir" son engagement à inverser la courbe du chômage à la fin 2013. En augmentant les emplois d'avenir à 300 000 postes. En boostant l'apprentissage. "Ça donne de la confiance et du pouvoir d'achat. Dans ce contexte, c'est l'emploi qui crée la croissance", soutient Pierre-Alain Muet. Et de citer les exemples de Lionel Jospin en 1997 et de Jean-Louis Borloo en 2006 qui ont augmenté les emplois aidés pour relancer l'économie. Et qu'on ne lui objecte pas que cela coûte trop cher : "100 000 emplois aidés, c'est un milliard en plus. Rien comparé aux 40 milliards versés aux entreprises, qui n'auront d'effets que dans plusieurs années", tranche-t-il.

Critique sur la politique menée par le président et le Gouvernement, le député rhodanien "espère pouvoir voter à nouveau" la confiance à Manuel Valls, le 16 septembre prochain. "Je fais partie de la majorité, souligne-t-il, comme une évidence. Mon rôle n'est pas de faire tomber le Gouvernement, c'est de lui faire prendre le bon chemin."

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