Maidan Ukraine un an après
Kiev

Maidan, un an après : la lutte contre le terrorisme russe

Un an après la “révolte de la dignité”, Mykola Cuzin, président du comité Ukraine 33 et du Comité pour la défense de la démocratie en Ukraine, lance un nouveau cri d’alarme pour l’Ukraine dans cette tribune libre.

Le 21 novembre, nous avons célébré le premier anniversaire de la révolte de la place Maïdan, à Kiev, connue également sous le nom de “révolte de la dignité”. Il y a un an, l’ancien président-dictateur Ianoukovitch, cédant au chantage de son voisin russe, venait de doucher les espoirs de la population ukrainienne en annonçant officiellement qu’il avait renoncé à signer un accord d’association avec l’Union européenne pourtant prévu de longue date (1). Après les violences policières et les premiers morts en janvier, l’opposition allait se radicaliser, jusqu’à la destitution et la fuite de Ianoukovitch le 24 février (2).

La Russie qui, depuis des années, avait missionné avec succès son poulain du Parti des régions pour miner l’Ukraine de l’intérieur (en affaiblissant à l’extrême ses forces armées et en pillant ses richesses économiques) allait, devant l’échec de ce plan A, se lancer à fond dans le plan B : le démembrement militaire de l’Ukraine. Cette politique a donc commencé immédiatement après les JO de Sotchi, par l’envoi massif de troupes d’infanterie pour isoler la Crimée puis organiser dans l’urgence et au mépris du droit international un référendum dont les résultats truqués n’ont dupé personne.

Elle s’est poursuivie par l’envoi de contingents d’agitateurs “anonymes” dans la partie est du pays, notamment le Donbass, pour susciter un mouvement populaire qui aurait dû constituer le contrepoint de l’Euromaïdan. Faute d’une adhésion massive de la part de la population, c’est l’option armée qui a une nouvelle fois été retenue, avec l’apparition de plusieurs villes assiégées de l’intérieur par des “militants”, des agents du renseignement russe et des militaires dépourvus de tout signe de reconnaissance. Il faut rappeler qu’à cette occasion de nombreux observateurs de l’OSCE et des civils ont été pris en otage, des membres de l’opposition à Ianoukovitch enlevés et torturés.

Après de longues semaines d’atermoiements, le Gouvernement s’est lancé dans une vaste opération antiterroriste, qui était en passe de réussir lorsque, fin août, grâce à l’aide humaine et matérielle massive de la Russie, les “séparatistes” ont stoppé net la reconquête des troupes ukrainiennes et fixé une ligne de front qui couvre désormais 3 % du territoire et près de 7 % de la population ukrainienne.

Malgré le cessez-le-feu signé à Minsk le 5 septembre dernier (l’ambassadeur de Russie en Ukraine faisait d’ailleurs partie des signataires), le Kremlin n’a pas cessé d’envoyer des armes, des blindés et des troupes sur les territoires des républiques autoproclamées de Donetsk et Louhansk et a même encouragé la tenue d’“élections présidentielles” dans le but avoué de créer des zones de conflits gelés, comme en Transnistrie, en Abkhazie et en Ossétie.

Et la situation s’enlise effectivement. Les derniers convois “humanitaires” russes entrés en Ukraine illégalement la semaine dernière n’ont même pas réussi à soulever l’indignation de l’opinion internationale, tant celle-ci semble s’être déjà habituée à la supercherie de ces chevaux de Troie : de l’humanitaire en très faible quantité et, surtout, des armes, des munitions, des rations militaires et des barils de pétrole et de lubrifiants en abondance pour alimenter les interminables colonnes de véhicules qui rentrent et sortent en permanence de l’Ukraine.

Le monde devrait pourtant s’offusquer haut et fort : les terroristes, non contents d’avoir pillé les magasins et détruit le système bancaire dans leurs zones respectives, se sont lancés dans un vaste trafic de matériels en tous genres, de matières premières et surtout de denrées alimentaires, à tel point que le Syndicat des retraités de la région de Louhansk a confirmé il y a quelques jours que 64 personnes avaient été répertoriées comme mortes de faim ces dernières semaines à Krasnopartyzansk (3). L’arme de la faim a d’ailleurs été largement utilisée lors des élections du 2 novembre : les bureaux de vote (peu nombreux pour simuler une démarche citoyenne enthousiaste) ont tous proposé aux votants de la nourriture peu chère, voire gratuite dans certains cas. De nombreux cas de votes multiples ont été constatés puisque les titulaires de cartes électorales pouvaient se présenter jusqu’à dix fois de suite dans différents bureaux afin de bénéficier de nourriture à prix discount…

Le monde des enfants fait également l’objet d’odieuses récupérations. Depuis la rentrée, les chaînes nationales russes (dont Rossia 1) ont diffusé plusieurs vidéos mettant en scène des adolescents en train d’utiliser des armes ou des blindés dans la région de Donetsk, dans le but de susciter des vocations et des adhésions dans les groupes paramilitaires de la DNR. De l’autre côté de la frontière, des disparitions d’adolescents partis du jour au lendemain aider leurs “frères russes” en danger en Ukraine sont signalées régulièrement par des mères désemparées. Il existe une troublante ressemblance entre ces départs et les méthodes de recrutement des filières djihadistes.

Par ailleurs, les terroristes opérant dans la région de Donetsk et Louhansk ont depuis très longtemps pris l’habitude d’aménager des positions de tir dans les appartements des civils et dans les cours de récréation ou les locaux des écoles. Les photos et les vidéos circulant sur Facebook et Vkontakte sont, de ce point de vue, tout à fait édifiantes. Non contents, par le biais de cette tactique, de faire prendre des risques inconsidérés aux civils et de tenter de provoquer de la part de la partie adverse des tirs accidentels pour servir leur propagande, ils se sont à plusieurs reprises contredits sur les réseaux sociaux, revendiquant dans un premier temps un tir de suppression sur une position de l’armée ukrainienne, pour ensuite accuser cette même armée après avoir constaté qu’ils avaient manqué leur cible et touché des civils… Au début du mois, le terrain de sport de l’école n° 63 dans la banlieue de Donetsk a été frappé par un obus de mortier, tuant deux enfants et en blessant deux autres. Moins de dix minutes après les faits, un journaliste de la chaîne russe NTV était déjà sur place.

Ce détournement des médias, leur asservissement total au régime de Vladimir Poutine et la fabrication massive d’informations trafiquées pour servir la propagande guerrière du Kremlin sont des constantes structurelles de la crise en Ukraine. Il n’existe à ce jour plus aucun organe d’information indépendant en russe, que ce soit la presse écrite, la presse en ligne, la télévision ou les radios. Même les réseaux sociaux sont surveillés de près et censurés le cas échéant.

B. Vitkine, du journal Le Monde, le rappelait récemment : la dernière fois qu’il a vu le drapeau ukrainien à Donetsk, c’était lors d’un défilé unitaire organisé le 28 avril 2014 avec des familles, des retraités, des étudiants… Ce défilé a été violemment attaqué par plusieurs dizaines d’individus masqués, à coup de battes de base-ball, de barres de fer, de pierres. Une véritable boucherie. Le lendemain, les médias russes ont diffusé sans sourciller (et en masquant bien sûr les drapeaux ukrainiens) des images de cet événement en indiquant qu’il s’agissait de “nazis ukrainiens attaquant des russophones”. C’est en stigmatisant à l’envi les Ukrainiens favorables à l’unité du pays que les autorités russes ont peu à peu conditionné l’opinion publique à l’acceptation de la guerre et au passage à l’acte.

Récemment, un tourisme d’un genre nouveau, à la limite du scabreux, a vu le jour dans le Donbass. C’est l’acteur russe Mikhaïl Porotchenkov qui l’a inauguré, en se faisant filmer par les caméras de NovorossiaTV en train de tirer à l’arme lourde sur les positions ukrainiennes de l’aéroport de Donetsk, habillé d’un gilet pare-balles et d’un casque barrés de la mention “PRESSE”. Malgré ses dénégations, ce n’est pas un cas isolé, puisqu’il existe plusieurs agences spécialisées qui proposent actuellement ce genre de prestation pour les touristes fortunés et écervelés. Le bénéfice est double pour les terroristes : faire de l’argent et accuser les forces ukrainiennes de cibler les journalistes russes en cas d’“accident” avec leurs clients…

Les réseaux sociaux ne sont pas en reste. Récemment, on a découvert qu’il existait en Russie plusieurs “usines” de blogueurs payés pour bombarder le monde entier de commentaires à la gloire de Poutine et de son gouvernement et pour conspuer pêle-mêle l’Ukraine, l’Otan, l’Union européenne… L’une d’entre elles, à Saint-Pétersbourg, emploie 250 personnes qui travaillent par roulement 24h/24h et 7J/7. Chaque personne gère trois comptes différents et doit réaliser au moins 10 posts de 750 mots chacun par jour. Bien entendu, tout ce petit monde est amené à commenter les posts de ses voisins, ce qui accroît l’effet de masse… Toutes ses personnes sont payées en liquide, ce qui rend difficile l’évaluation de leur nombre exact, mais elles ont clairement contribué à créer UNE opinion russe monolithique, au bénéfice exclusif de Poutine.

Comme si tout cela ne suffisait pas, ce sont maintenant des villes situées en dehors des territoires contrôlés par la DNR et la LNR qui sont menacées : à Kharkiv, ancienne capitale de l’Ukraine située à 100 km à peine de la Russie, plusieurs explosions ont retenti ces dernières semaines et des équipes de saboteurs ont été interceptées en possession de grandes quantités d’explosifs. Une équipe d’instructeurs militaires russes s’est même trompée de check-point vers Donetsk. Interrogés, ils ont confirmé que l’armée russe a ouvert plusieurs camps d’entraînement dans le Donbass. Pendant ce temps, l’artillerie russe tire tranquillement par-dessus la frontière, chaque jour, dans le secteur de Louhansk.

Même la mission de l’OSCE semble singulièrement compromise : devant les attaques répétées sur ses drones opérées par les terroristes à l’aide de système anti-GPS, les observateurs ont cessé tous les survols de la zone de front. Près de l’aéroport, certains de leurs véhicules sont restés au parking pendant des semaines, laissant présager d’une activité nulle. Enfin, la Russie étant membre de l’OSCE, certains de ses ressortissants se sont retrouvés dans la région de Marioupol, sur la mer d’Azov, et n’ont rien trouvé de mieux que d’indiquer les positions de l’armée ukrainienne à l’artillerie terroriste. Poutine aurait tort de ne pas en profiter, les “contrariétés” du G20 de Brisbane se sont certainement déjà dissipées. Le terrorisme de Daesh est sans doute plus scandaleux que celui de Poutine ! Même lorsque celui-ci se permet de déclarer au sujet du pacte Molotov-Ribbentrop, devant un parterre d’historiens à Moscou, le 5 novembre dernier : “L’URSS a signé un pacte de non-agression avec l’Allemagne. Qu’est-ce qu’il y a de si mal ? L’URSS ne voulait pas se battre, et alors ?”

Nul besoin de lui demander ce qu’il pense du génocide ukrainien perpétré par Staline en 1932-1933… Staline est manifestement totalement réhabilité dans son esprit. En conséquence de quoi, l’Union européenne compte dans sa proche banlieue un dictateur terroriste, doublé d’un révisionniste patenté. Depuis un an que dure cette crise, il est largement temps de s’en rendre compte et d’adopter une attitude enfin cohérente et courageuse.

1. C’est le journaliste indépendant Mustfa Nayyem qui a lancé ce jour-là le premier appel à manifester massivement sur sa page Facebook, avec le résultat que l’on sait…
2. Rappelons que 105 personnes ont trouvé la mort sur cette place, la plupart abattues par des tirs de snipers.
3. Une horreur absolue lorsque l’on songe que les entités de la DNR et de la LNR recoupent une partie des territoires qui avaient été le plus durement touchés par la famine génocidaire perpétrée par Staline contre la paysannerie ukrainienne en 1932-1933. Cette question de la réalité de l’aide humanitaire russe est à présent totalement dépassée, dans la mesure où les autorités de la DNR, pourtant farouchement opposées à Kiev, ont annoncé cette semaine qu’elles accepteraient les convois humanitaires envoyés par le gouvernement ukrainien, convois qui ne pouvaient jusqu’à présent pénétrer dans les zones occupées du Donbass.

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