Olivier Brachet
© Tim Douet

Olivier Brachet s’explique sur sa démission

Démissionnaire ce lundi de son mandat de vice-président de la métropole en charge du logement, Olivier Brachet revient sur ses motivations pour Lyon Capitale. Il justifie son choix par une baisse des budgets de sa délégation mais aussi par un problème de gouvernance et d’écoute de Gérard Collomb. Et il ne mâche pas ses mots : “J’ai constaté un raidissement du discours sur la question sociale.”

Lyon Capitale : Pourquoi avez-vous démissionné de votre mandat de vice-président de la métropole de Lyon en charge du logement ?

Olivier Brachet : Les budgets concernant le logement sont en baisse et sérieusement en baisse par rapport à ce qu'ils étaient en 2008. Je ne suis pas d'accord avec cette diminution, qui intervient alors que je réclamais que ce budget soit sanctuarisé. Le logement n'est pas un dossier comme les autres. Il concerne tout le monde tous les soirs. J'ai une divergence profonde avec Gérard Collomb. Il m'a été répondu que la baisse des budgets concernait toutes les vice-présidences, que je devais faire un effort. Ma position est de ne pas en faire. Je suis à la présentation du rapport de la fondation Abbé-Pierre et Anne Hidalgo et Alain Juppé disent la même chose que moi. Je m'entête là-dessus mais, pour sortir de la crise du logement, il faut maintenir un haut niveau d'effort pendant 10 à 15 ans.

Si on baisse les bras au bout de 8 ans, on ne peut pas dire que le logement est une priorité. Ma délégation ne peut pas faire mieux avec moins d'argent, d'autant que le prix du foncier est plutôt en hausse. Lors du mandat précédent, j'ai connu des années à 25 millions d'euros pour acheter des terrains et, sur ce mandat, on tombe à 12 millions. J'ai entendu Anne Hidalgo, la maire de Paris, expliquer ce qu'elle faisait en matière de logement. Elle fera plus que lors du mandat précédent. La Ville de Paris consacre à elle seule plus d'argent au logement social que tout l'État français. Sur l'emploi, on admet que le citoyen au chômage on lui versera le RSA. De la même manière, celui qui n'a pas de logement, on doit lui en construire un.

Le budget hébergement d'urgence de la préfecture du Rhône est de 43 millions d'euros, c'est le double de l'aide à la pierre de la métropole. Au final, cela revient plus cher de ne pas faire de logement. Bien sûr, dans un budget, il y a des arbitrages à faire, mais toutes les dépenses ne sont pas aussi utiles. J'ai découvert mon budget une fois qu'il a eu été tranché. À quoi sert d'être vice-président de la métropole dans ces conditions ?

Cette baisse de votre budget est-elle la seule raison de votre démission ?

J'ai aussi des divergences profondes avec Gérard Collomb sur la différence entre le discours et la réalité, avec les orientations budgétaires comme avec la méthode. J'ai découvert les enveloppes une fois arbitrées. Les vice-présidents font tourner la machine mais ne décident pas de la machine. Pourtant, avec la création de la métropole, le rôle des élus devrait changer par rapport à l'intercommunalité que nous avions connue.

Nous avons été élus en 2014. Il y avait notre nom sur le bulletin de vote. La métropole est devenue une vraie collectivité avec la clause de compétence générale. Le Grand Lyon n'a plus le même rôle, mais le changement de pratique n'arrive pas. J'en arrive à me demander si la métropole ne va pas finalement ressembler plus à une intercommunalité dans son fonctionnement que lors du mandat précédent.

Quels reproches faites-vous à Gérard Collomb en matière de gouvernance ? N’est-il pas assez à l’écoute de sa majorité ?

Gérard Collomb dit toujours "On en discutera demain" ou "Ce n'est pas le moment" ou "C'est trop tard". Il n'y a pas d'espace, dans le fonctionnement actuel de la métropole, pour une discussion politique. Les conseils communautaires sont le lieu des postures partisanes mais pas d'un débat réel. Avec la métropole, nous avions une chance unique en France de reformuler les politiques : comment va-t-on loger une femme seule avec ses enfants ? Comment va-t-on lui permettre d'accéder au marché de l'emploi ? Ces questions doivent se discuter quelque part, nous ne pouvons plus faire comme avant. J'ai même l'impression que, depuis la métropole, le Grand Lyon est encore plus caricatural. Il y avait plus de débats politiques l'an dernier dans les groupes de travail qui envisageaient le fonctionnement de la métropole.

Il faut restaurer la crédibilité de la parole publique. Aujourd'hui, plus on parle, moins les gens nous croient. Le discours de Gérard Collomb sur l'urbain et l'humain, les gens y croient moins le soir que le matin. Au bout du compte, personne ne sait ce que cela veut dire. Il faut aller au contact des gens, leur montrer que nous essayons de répondre à leurs interrogations. Aujourd'hui, la parole publique obéit à une série d'automatismes. J'ai une idée différente de ce que parler aux gens veut dire.

Ne payez-vous pas aussi le manque d’appétence de Gérard Collomb pour les compétences sociales ?

J'ai constaté un raidissement du discours sur la question sociale. Tous les gens au RSA ne sont pas des fainéants, comme je peux l'entendre à la métropole. Ceux qui vivent dans des logements sociaux ne sont pas des gens qui ne veulent pas payer de loyer. Le social est une chose trop complexe pour être aussi caricaturale.

Bien sûr que le social n'est pas ce qui intéresse le plus Gérard Collomb. Il n'y a d'ailleurs pas de vice-président qui intègre la question sociale. Les travailleurs sociaux qui arrivent du département, quel mandat va-t-on leur donner ? Il n'y a pas un vice-président pour en décider. C'est donc le cabinet du président de la métropole, les services et Gérard Collomb qui vont leur donner leur ordre de mission. Le social et le rôle de l'élu sont les grands absents de la métropole.

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