Une affaire explosive pour la justice lyonnaise devant les assises

Une banale affaire de braquage de banque est devenu un boulet pour la justice lyonnaise. Acquittés devant les assises du Rhône en octobre 2013, trois accusés comparaissent à nouveau en appel à partir du mardi 28 avril dans un dossier truffé d’erreurs, plombé par d’inquiétantes irrégularités. Une affaire traversée de mensonges policiers, d’omissions, de contradictions et, plus grave, de manipulations.

En première instance, le procès avait été totalement baroque. Des gendarmes pris en flagrant délit de mensonges, des experts en génétique reconnaissant des erreurs à la barre, des accusés qui crient leur innocence en éructant dans le box, et même un avocat général pris en flagrant délit de sieste paresseuse (lire ici). Le verdit avait été logique, d’une digne évidence : l’acquittement.

Mais le ministère public, qui sommeillait à l’audience, avait alors interjeté appel. Nous y voilà donc. En décidant de rejuger trois jeunes hommes reconnus non coupable du braquage du Crédit Lyonnais au Péage-de-Roussillon (Isère) en avril 2009, la justice lyonnaise s’apprête à mettre au jour sa propre faillite.

Car c’est un dossier invraisemblable que s’apprêtent à découvrir les neuf jurés de la cour d’assises d’appel ce mardi 28 avril. Au sens propre. Difficile en effet de croire qu'une procédure viciée à ce point arrive devant une cour d'assises. Exemple. Tout au long de l'enquête, il a été expliqué que des éléments pileux contenant de l'ADN des accusés ont été retrouvés dans le grenier de l'agence bancaire.

Contradiction

Plusieurs pièces de la procédure soutiennent cette version. Des magistrats allant même jusqu'à la reprendre pour appuyer leurs réquisitions dans des ordonnances lors de la phase d'instruction. Puis, il sera dit que finalement non, ces éléments de preuves qui peuvent envoyer des personnes derrière les barreaux pour des décennies n'ont pas été retrouvés dans le grenier mais dans la poubelle de l'agence bancaire. Contradiction majeure.

L'accusation soutient qu'il ne s'agit que d'erreurs matérielles et que les constations criminelles ont été faites avec soin. Sur une scène de crime, les enquêteurs photographient tous les éléments de preuves, répertoriant avec une infinie précaution chaque indice dans des scellés numérotés et photographiés. C'est le cas pour ces fameux éléments pileux susceptibles de contenir de l'ADN.

La folie génétique du caillou 5

Plusieurs photographies vont indiquer la présence de ces éléments pileux dans la poubelle. Or, si chaque cliché dans une scène de crime est numéroté, il semble qu'une dizaine de photos de constations criminelles portant sur des indices retrouvés dans la poubelle se sont évanouis du dossier d'instruction.

Mais plus vertigineux encore, les expertises génétiques sont truffées d'anomalies. Ainsi, les gendarmes en charge de l'enquête vont expliquer qu'un profil génétique d'un des accusés a été retrouvé sur un caillou retrouvé dans l'agence bancaire: le caillou 5. "Son profil est présent sur la caillou 5" explique les conclusions de l'analyse génétique. Pourtant, cette même analyse réalisée par le laboratoire privé Biomnis détailler ses découvertes sur "l'échantillon relatif au caillou annoté « 5 » par nos soins." Résultat : "Mélange complexe d'au moins 3 personnes avec un composant féminin. Il n'est pas possible de déduire un profil individuel." C'est écrit noir sur blanc, et pourtant un homme est dans le box des accusés parce que son ADN aurait été retrouvé sur un caillou dont on nous dit qu'il ne contient pas de profil génétique. Du délire.

Délire de procédure

De plus, il s'agit d'un véritable délire de procédure si l'on s'aperçoit que ces analyses génétiques ont été réalisées à la demande de la JIRS de Lyon, juridiction spécialisée dans la criminalité organisée, à une date, en novembre 2009, où le procureur de Vienne, initialement saisi du dossier, continuait d'établir des actes de procédure alors que la JIRS de Lyon avait hérité du dossier plusieurs mois auparavant. Un conflit de juridiction théoriquement impossible.

Mais cette irrégularité suffit à démontrer aux yeux des accusés que le dossier a été manipulé en cours d'instruction, d'autant plus que les 180 premières pièces de la procédure ont subitement disparu du dossier comme l'atteste le courrier d'un avocat en novembre 2011 qui se plaint auprès du juge d'instruction de ne pas disposer de ces éléments.

Les accusés, dont deux comparaîtront libre après trois années de détention provisoire, parlent de corruption de la chaîne judiciaire, renvoyant dos à dos enquêteurs, magistrats et avocats. Tous complices, selon eux, de cette machination.

Machination

Machination qui n'est pas qu'une vue de l'esprit. Surtout depuis qu'un gendarme a été pris en flagrant délit de mensonge. A l'époque des faits, plusieurs braquages ont eu lieu dans le secteur du Péage-de-Roussillon. Les gendarmes qui surveillaient les accusés espéraient un flagrant délit. Il n'y en a jamais eu. Le don d'ubiquité pour les accusés ou, sobre hypothèse, peut-être que les gendarmes ne surveillaient pas le bon "gang" tout simplement.

Mais les accusés soupçonnent l'un des enquêteurs de s'être introduit dans la chambre d'hôtel où ils se trouvaient alors qu'ils étaient sous surveillance pour se procurer des éléments susceptibles de contenir de l'ADN. Le gendarme mis en cause a nié vigoureusement cette accusation qui a été corroborée cependant par le directeur de l'hôtel qui affirme que les gendarmes ont pénétré dans cette chambre d'hôtel en toute illégalité. Lors des débats de première instance, l'effet sur les jurés de la cour d'assises avait provoqué un pesant sentiment de malaise.

Impossible de répertorier toutes les irrégularités qui pullulent dans ce dossier dans le cadre d'un simple article. Des faux grossiers, des documents corrigés au Tipp-Ex, des procès-verbaux anti-datés. Par exemple, un devis est demandé à un laboratoire d'expertise génétique le 24 mars 2009.

Or le braquage n'avait pas eu lieu à cette date. Il s'est déroulé le 23 avril 2009. Un mois après ! Certaines irrégularités font ainsi sourire. Mais ce dossier invraisemblable ne donne pas franchement envie de rire.

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